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Le jour où Robespierre et les membres de la Commune furent envoyés à la guillotine par Fouquier-Tinville
©Tableau de Jean-Joseph Weerts

Bonnes feuilles

Emmanuel Pierrat publie "Le Tribunal de la Terreur" chez Fayard. Entre 1792 et 1795, la salle des Libertés, au cœur du Palais de Justice de Paris, résonna du plus tragique des épisodes de la Révolution française. Sous l’autorité de l’Accusateur public, Fouquier-Tinville, le Tribunal révolutionnaire envoya à l’échafaud plus de 2.500 personnes. Emmanuel Pierrat livre le récit terrifiant de ces années de guerre civile. Extrait 2/2.

Emmanuel  Pierrat

Emmanuel Pierrat

Emmanuel Pierrat est avocat au barreau de Paris et dirige un cabinet spécialisé dans le droit de la propriété intellectuelle. Chroniqueur, romancier et auteur de nombreux essais et ouvrages juridiques, il est notamment l’auteur de La Justice pour les Nuls (First, 2007).

 
 
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Le jour de l’insurrection manquée, Fouquier-Tinville n’est pour une fois pas au Palais de Justice, en pleine crise de nerfs et en plein retard, mais sur l’île Saint-Louis (rebaptisée Île de la Fraternité) pour sacrifier à des mondanités : le citoyen Vergnes a invité à déjeuner quelques membres du tribunal. Face à ce rentier, un homme puissant, impossible de refuser. 

Au fur et à mesure du repas, des bruits étranges – roulements de tambours, bruits de foule – perturbent les convives. Fouquier-Tinville, fidèle à son habitude, mange peu, ne parle pas, semble soucieux. Son hôte, qui le rencontre pour la première fois, ne sait guère quoi penser de lui. 

Dehors, le brouhaha devient de plus en plus important, au point que Vergnes envoie un domestique se renseigner. C’est comme ça que l’Accusateur public apprend l’arrestation des cinq députés, et leur retranchement à l’hôtel de ville. 

Lui et ses hommes quittent alors précipitamment leur hôte et foncent au Palais attendre les événements et les ordres. Ils essaient de se renseigner sur l’évolution de la situation mais on ne sait pas grand-chose et les rumeurs vont bon train. Les heures passent. L’Accusateur est nerveux. « Je reste à mon poste ! » ne  cesse-t-il de répéter, comme pour conjurer le sort. Quand vient l’heure du dîner, il descend estomac noué à la buvette du Palais pour un repas frugal qu’il absorbe davantage par habitude que parce qu’il a faim. Il a la bouche pleine lorsqu’il entend le tocsin. Il évalue le pour et le contre. Il s’est montré fidèle aux Comité et à la Convention, mieux vaudrait donc la défaite de Robespierre. Prudent comme à son habitude, il garde ses pronostics pour lui. 

Dans la nuit, la Commune lui envoie un émissaire. on le réclame à l’hôtel de ville. Il congédie l’envoyé et refuse de le suivre.   

« Vers minuit, Fouquier-Tinville n’y tient plus. Il sort en compagnie de l’huissier Deguaigne et prend les précautions de se faire escorter par plusieurs gendarmes. La chaleur est étouffante. Les nuages, lourds d’orage, s’amoncèlent et menacent de crever. L’Accusateur et son escorte longent les quais occupés par les hommes des sections. Sur le Pont-Neuf, un homme lit à la lueur des torches une proclamation au peuple de Paris, annonçant la mise hors la loi de Robespierre et de ses amis. Çà et là, des groupes de gens armés, marchant en désordre et traînant des canons, s’en reviennent sans avoir livré bataille. »   

Au Comité de salut public, il prend la température. Ce qu’on lui dit le rassure. Quand il rejoint enfin son lit, quelques heures seulement avant l’aube, il est totalement rassuré. 

Le procès des insurgés commence à treize heures. Pour l’occasion, la guillotine est revenue place de la Révolution. Les vingt-deux prévenus (les cinq députés et tous leurs complices, dont Dumas,  ex-substitut de l’Accusateur) sont introduits un à un dans la salle. Robespierre ouvre le bal, allongé sur un brancard.

« “ Es-tu Maximilien Robespierre ?” L’accusé montrant sa mâchoire fracassée, entourée de linges, fait signe qu’il ne peut pas parler. Scellier répète la question : “ Es-tu Maximilien Robespierre ?” Robespierre incline la tête en signe d’affirmation. »

Moins de deux heures plus tard, les voilà serrés dans les charrettes déjà empruntées par tant de leurs victimes. Ils accomplissent leur dernier trajet au milieu d’une foule remplie de haine et débordante d’injures. Un grand nombre de gendarmes escorte les condamnés, qui sinon se feraient écharper bien avant d’arriver à bon port. 

Robespierre, abruti de douleur, est à peine conscient de ce qui lui arrive. Il ne meurt ni en héros ni en tyran ; ne fait preuve ni de lâcheté ni de courage ; tout entier réfugié dans sa blessure, quand la lame s’abat sur lui, la seule chose qu’il ressent est un vaste soulagement. 

Le nettoyage continue les jours suivants. Le lendemain, soixante-et-onze membres de la Commune sont guillotinés. « C’était la plus grande fournée jamais livrée à la machine en un seul jour. » Il faudra onze charrettes pour tous les emmener à la mort.  

Extrait du livre d’Emmanuel Pierrat, "Le tribunal de la Terreur" , publié aux éditions Fayard.

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