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31 ans après sa mort, les idées reçues autour de Bob Marley et du mouvement rastafari perdurent
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Jah!

Ce vendredi marque le 31ème anniversaire de la mort de l'icone du reggae. Retour sur cette figure de proue du mouvement rastafari.

Bruno Blum

Bruno Blum

Bruno Blum est auteur, compositeur interprète mais aussi un ancien journaliste. Grand passionné de la culture et de la musique jamaïcaine il a publié en 2010 Bob Marley, le Reggae et les Rastas en collaboration avec Tiken Jah Fakoly. 

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Atlantico : Ce vendredi célèbre le 31ème anniversaire de la mort de Bob Marley, figure de reggae largement reproduite, personnalité mythique qui a démocratisé le mouvement rastafari. Mais en dehors de cette tourmente marketing que reste-t-il du mouvement ?

Bruno Blum : Le mouvement rasta a pris une dimension internationale et est composé de personnes qui luttent contre la société colonialiste et revendiquent leur identité originelle et locale, à l'image des Mahori en Nouvelle-Zélande, une partie de la population en Martinique ou d'autres peuples issus de régions où la colonisation a joué un rôle important. Et cela perdure. Ce sont des gens qui luttent contre l'exploitation, tout en cherchant l'identité de leur famille ; en réponse à l'a-culturation qui a eu lieu pendant l'esclavage et la colonisation. En dehors de cette dimension culturelle, il y a une dimension spirituelle très importante. Malheureusement, il existe une désinformation terrible qui fait que le mouvement est très mal compris. D'une manière générale, tous les gens qui luttent contre la décolonisation et la fin de l'exploitation sont peu écoutés, alors que c'est un sujet qui est au coeur des préoccupations de millions d'êtres humains.

Ensuite, vous avez parlé de "démocratisation", or j'ai peur que ce mot ne convienne pas. Le mouvement Rasta est d'abord spirituel, une lecture de la bible différente de celle des religions chrétiennes, quelles qu'elles soient et y opposent une vision plus proche de celle de l'Eglise orthodoxe d’Éthiopie. C'est une sensibilité tournée vers l'Afrique.

Toutes les chansons de Bob Marley parlent du mouvement rasta, comme, par ailleurs, une large majorité des chansons reggae. Cependant, attention, tous les Jamaïcains ne sont pas rastas, loin de la, c'est une minorité en Jamaïque. Mais ils luttent activement contre la politique américaine aux Caraïbes, et contre l'exploitation des multinationales américaines. C'est un mouvement anti-capitaliste qui ne s'installe dans aucune mouvance politique.

Comme toutes les figures excessivement populaires, il circule une flopée de légendes urbaines, de mythes, et de malentendus sur la personne de Bob Marley. Quelles sont les principales idées reçues ancrée dans l'imaginaire populaire ?

La principale et la plus emblématique de toutes ces idées reçues qui circulent sur le compte de Bob Marley est celle de sa mort. Contrairement à ce que l'on entend, le chanteur est mort, emporté par un cancer de la peau. Il a attrapé un mélanome dû à une trop forte exposition au soleil. Dans son cas c'est assez étonnant, car c'est une maladie qui concerne généralement les Blancs, les personnes noires y étant normalement peu sensibles. Or, dans le film Marley de Kévin Macdonald - qui sort dans le courant du mois de juin en France et qui a beaucoup de succès actuellement aux Etats-Unis - on le voit se blesser au football, la blessure s'envenime et devient la cause du cancer. Il est impossible d'attraper ce cancer en jouant au football !

Viennent ensuite les théories du complot selon lesquelles, un joueur aurait tenté de le blesser volontairement, ou encore la légende selon laquelle on aurait tenté de l'empoisonner. Et l'une des plus admises, celle du cancer de l'oesophage. Tout cela est faux. La vérité, c'est qu'il a tardé à soigner ce cancer parce qu'il était en pleine gloire, des concerts étaient programmés partout et il ne voulait pas les annuler pour une opération. Il était enfin en train de se sortir de la misère et il ne voulait pas stopper son ascension.

L’exploit de Bob Marley a été de réussir à mettre à disposition du monde entier, une musique issue d'une minorité et dont on pourrait croire qu'elle était destinée à rester confidentielle. Quelle a été la recette de son succès ?

Beaucoup de facteurs se sont conjugués. Comprenez que le monde a vécu durant trois ou quatre siècles sous l'emprise d'une société blanche, chrétienne et occidentale. Il fallait bien que lorsque la colonisation et l'esclavage ont reculé, les millions de gens qui ont subi ces traumatismes commencent à rechercher leur identité, leur culture et Bob Marley a été le premier à exprimer ce besoin. D'autres l'on fait avant lui, notamment par le biais du mouvement de Marcus Garvay, mais lui l'a fait de façon pacifique. C'était un artiste.

Tout le rapport entre le Nord et le Sud, les riches et les pauvres, les cultures dominantes et locales, l'exportation de la culture du Nord vers le Sud, les pillages, tout cela devait s'exprimer à un moment ou à un autre. Et Bob Marley a su trouver le langage universel pour les cristalliser et rendre le message attrayant.

Ajoutez à cela que le reggae a été une musique universelle qui a inventé le rap à New York. C'est un rythme repris dans le monde entier. Le reggae a inventé le remixage, et le Dub qui est une invention jamaïcaine des années 60 qui n'existait avant nulle part ailleurs. Cela est considérable pour une île grande comme la Corse.

Et enfin, Bob Marley a bénéficié de l'appui financier d'un homme d'affaire, à une époque où les financements étaient rares dans la musique. Tout cela a permis de sublimer le talent de cet homme dont les paroles sont baignées d'une poésie toute particulière.

Propos recueillis par Priscilla Romain 

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