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Le « En-même-temps » suffit-il vraiment à expliquer que pour les uns Emmanuel Macron soit incontestablement de droite alors que pour les autres, il n’est que le faux nez d’une gauche plurielle réinventée ?
©Reuters

L’anti-cameléon

Emmanuel Macron a fait du "en même temps" la base de sa politique. Il est pourtant régulièrement accusé par la gauche d'être trop à droite et par la droite d'être à gauche.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Est-ce que cette difficulté à le classer politiquement s'explique réellement par ce choix du "et/et" ? 

Maxime Tandonnet : Emmanuel Macron est l’ancien conseiller du président François Hollande et son ministre de l’Economie pendant deux ans. Il est venu à la politique par le parti socialiste. Ce sont des fondamentaux que certains ont oublié comme par magie. De fait, il a pris conscience en 2016 et 2017 du glissement de l’opinion française à droite, sur la sécurité, l’immigration, le rejet de l’assistanat. Alors que la France se dirigeait vers une alternance, il s’est substitué, à la faveur du scandale autour de la candidature Fillon, au candidat de droite en tenant un discours pouvant séduire une partie de la droite. Mais en même temps, il restait l’ex-ministre de la présidence Hollande. Il a donc tiré en 2017 sa force de cette ambiguïté en se présentant comme l’homme qui transcendait le clivage droite/gauche. Ce dépassement est désormais au cœur de son identité politique. Il se traduit par l’extrême personnalisation du pouvoir : elle permet de concentrer l’attention du pays sur une image personnelle, en évitant le plus possible des choix concrets de société qui renvoient au clivage droite/gauche.

Vendredi, au micro de France Info, Laurent Wauquiez est revenu sur le "en même temps" d'Emmanuel Macron. En faisant allusion à la liste Renaissance soutenue par Elisabeth Guigou, Ségolène Royal ou encore Daniel Cohn-Bendit il a affirmé que le centre de gravité d'En Marche était à gauche et que LaRem construisait une nouvelle gauche plurielle. Des propos que l'on peut mettre en relation avec les discussions en cours entre les sociaux-démocrates allemands et LREM en vue d'une possible alliance au Parlement Européen. Ces récents rapprochements constituent-ils un tournant dans sa politique ? 

Deux ans après l’élection présidentielle, tout se passe comme si la réalité reprenait ses droits et « l’ancien monde » rattrapait le « nouveau monde ». Plusieurs notables socialistes dont Mme Ségolène Royal se sont en effet prononcés en faveur de la liste LREM. En parallèle, plusieurs personnalités de droite, fortement tentées par la macronisme à une certaine époque, se sont ralliées à la liste LR, dont M. Estrosi, maire de Nice et M. Moudenc, maire de Toulouse. Il ne faut pas y voir vraiment la conséquence d’une inflexion à gauche de la politique menée par la présidence et son gouvernement. Le cumul des difficultés qui assaillent la présidence Macron – affaire Benalla, Gilets jaunes, impopularité, résultats économiques décevants, doutes croissant sur la réalité des réformes et l’image de réformateur – pousse les ralliés de 2017 à regagner les rangs de leur parti d’origine. Reste M. Raffarin : c’est peu… Toutefois, le mouvement en cours est préoccupant pour l’avenir du quinquennat. Il signe l’échec de la tentative de briser le clivage droite/gauche et sape l’un des fondamentaux de la présidence Macron.

Si Emmanuel Macron semble vouloir se rapprocher quelque peu de la gauche ces derniers temps -notamment après que LaRem ait été accusée de ne former, principalement, que des alliances avec la droite européenne- ne va-t-il pas se retrouver isoler de son électorat et de ses soutiens politique plus à droite ? Finalement, n’est-ce pas là la fin du en même temps qui paraît peu viable à long terme ? 

Oui, c’est une situation compliquée, sans aucun doute. L’objectif politique du macronisme était clairement d’engendrer une vaste troisième-force, unissant centre-gauche et centre-droit, et s’opposant aux extrêmes, de gauche et de droite.  La persistance de la formation LR surtout réunifiée autour de la candidature Bellamy aux Européennes, bat en brèche ce schéma. Quant à un basculement clair et net à gauche, il n’a rien d’évident non plus. Une grande partie de cette gauche, le parti communiste, les Insoumis, le parti socialiste ou ce qu’il en reste, est viscéralement hostile au macronisme pour des raisons idéologiques ou personnelles. La frange sociale-démocrate illustrée par Ségolène Royal, susceptible de lui apporter son soutien, ne suffira pas à lui assurer une majorité. Face à ce casse-tête politique sans issue, la tentation sera d’accentuer toujours plus loin la personnalisation des choses, la totémisation de la politique. La fuite dans le culte de l’image personnelle a un inconvénient : elle accélère l’usure du pouvoir, et transforme le chef de l’Etat en réceptacle des déceptions, des frustrations et des angoisses du pays. La crise politique française n’en est sans doute qu’à ses débuts…

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