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Trump, Poutine, Orban, Salvini ou Brexiters : et si les adversaires de l’Europe la poussait surtout… à se sauver
©Attila KISBENEDEK / AFP

Atlantico Business

S’il faut faire l’Europe, faisons-là pour de mauvaises raisons. Ou quand l’éditorialiste de Alternatives économiques se plonge dans le cynisme, ça donne un petit livre important pour le moral des Européens qui n’y croient pas.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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A l'heure où la campagne pour les élections européennes entre dans sa dernière ligne droite, les électeurs sont toujours aussi indifférents quant aux enjeux de ce scrutin. La majorité des populations sont eurosceptiques.Elles resteront eurosceptiques. 

C’est le moment choisi par Guillaume Duval, l’éditorialiste historique du mensuel Alternatives économiques, de montrer à quel point l’Europe est mal aimée et à quel point elle compte d’ennemis. Hors ses frontières, mais surtout en son sein. C’est le moment qu’il a choisi, lui, l’un des plus violents critiques du système capitaliste et (ultra) libéral qui aurait fourvoyé cette belle idée européenne, pour considérer que tous ces procès et toutes les menaces qui pèsent sur l’avenir pourraient être des opportunités pour transformer l'Union européenne et finalement la sauver. 

Un peu gonflé comme raisonnement, un peu cynique, mais Guillaume Duval essaie de démontrer que l’accumulation des discours de Trump, des politiques de Poutine, les excès d’Orban ou de Salvini, les incohérences de tous ceux qui en Grande Bretagne veulent le Brexit, devraient logiquement conduire les peuples européens à se réveiller et à construire une défense commune et solidaire dans tous les domaines. 

Si on comprend bien, que Trump fasse un deuxième mandat (et c’est assez bien parti pour lui), que Poutine donne encore quelques coups de menton en direction de l‘Ukraine, que les Brexiters s’acharnent encore quelques mois pour exiger un divorce sans pour autant être capables d’en définir les modalités ; si on sait lire Guillaume Duval, on comprend que l’Europe finira par réagir. Le problème, c’est qu'on ne sait pas quand exactement et pourquoi faire. 

Mais ce petit livre rouge (oui, il est rouge et ne fait que 140 pages) en arrive à redonner un peu de moral aux Européens.

1er Prenez Donald Trump, le président de la première puissance mondiale, il nous offre la première et principale raison d’être optimiste sur l’avenir de l’Unioneuropéenne.

Evidemment. Quand en 2018, il affirme que l’Union européenne est désormais l’ennemie de son pays, certains se disent que le président des Etats-Unis est capable de dire n’importe quoi... D’autres considèrent qu’il existe une opportunité pour les Européens de relancer leur projet de défense commune. Quand Donald Trump durcit la relation avec son collègue chinois, il met l’Europe en porte à faux, pour ne pas dire dans un étau dont l’Europe aurait le plus vif intérêt à sortir. Idem quand le président use et abuse de l‘extériorité de la loi américaine, qui lui permet de sanctionner les entreprises internationales qui transgressent la directive, l’Europe se met à genoux alors qu’elle devrait se redresser et se battre. Si les Etats-Unis s’isolent, ça devrait être salutaire pour les Européens. 

2e Prenez Vladimir Poutine qui fait planer des menaces sur l’Union Européenne, cette politique du président russe devrait nous inciter à accélérer la transition énergétique afin de s’affranchir du gaz russe ou du pétrole. Ou alors àpasserdes accords et des deals avec lui. Faute de compromis, les pays de l’Union européenne font l’autruche. 

3e Prenez les dirigeants de Hongrie ou de Pologne, Victor Orban ou Jaroslaw Galczynski qui sont les plus actifs « influenceurs » de l’euroscepticisme. Ils savent très bien qu’ils ne peuvent pas commettre l’irréparable de « quitter l’Union européenne », par crainte de se retrouver face à la Russie. Il n‘empêche que les Européens ne font pas d’effort particulier pour les comprendre et les intégrer. D’un côté, quand ils commercent en euros, ils sont contents. De l’autre, ils menacent de bruler cette monnaie sans jamais y mettre le feu.

4e Que dire de l’Italie traversée par des courants populistes venus aussi bien de la droite que de la gauche et qui, eux-aussi, agitent cette menace de participer au démembrement général, alors qu’ils savent que leur peuple et même leurs électeurs n’en veulent pas et souhaitent rester dans l’Union et dans l’euro.

5e Que dire du Brexit et que faire, sinon que de regretter le divorce qui fera sans doute beaucoup de dégâts de part et d’autre du Channel. Que faire, sinon en tirer les leçons, ce que les Européens ne font pas franchement.

Intéressant, cet inventaire à la Prévert que nous dresse l’auteur, mais encore plus intéressant quand il explique que tous ces disfonctionnements devraient êtreautant d’opportunités pour renforcer l’Union européenne. Et la France a évidemment une grande responsabilité.

Parce que paradoxalement,même si Emmanuel Macron n’est pas dans la forme olympienne qui était la sienne en arrivant au pouvoir, il pourrait néanmoins profiter de l’affaiblissement de l’Allemagne pour prendre le leadership de la restauration de l’UE. 

Il n’y a pas débat sur le diagnostic de la situation des Européens coincés à l’extérieur par l‘Amérique de Donald Trump, la Chine de XiJinping, la Russie, mais étouffésà l’intérieur par l’ampleur des mouvements populistes.

Il n’y a pas débat sur le diagnostic, mais il y a forcément débat sur les prescriptions et c’est là où l’éditorialiste d’Alternativeséconomiques n’ose pas aller jusqu'au bout de son raisonnement.Et pour cause, l’un de ses gros succès fut un livre où il annonçait que « le libéralisme n‘a pas d’avenir », aux Editions de la découverte. 

Pour s’en sortir dit-il, il faudrait se réveiller et proposer un projet solidaire et écologique, mais ça reste utopique.

L’Europe ne pourra pas se transformer en Etat fédéral qui chapoterait les Etats-Unis d’Europe.Il faut que l’Europe s‘invente une organisation qui protège l’identité de chaque pays membre mais qui préserve la capacité de chacun à affronter la concurrence internationale. 

Guillaume Duval pense que l’Europe est dominée par un fonctionnement libéral sous « le joug » du capitalisme financier, et c’est la raison pour laquelle les peuples ne supportent plus Bruxelles. Mais cette thèse est inexacte, l‘Europe n’est pas un espace libéral.L’Europe est un espace de protection contre les vents de la concurrence internationale mais leurs dirigeants n‘ont jamais su en expliquer le fonctionnement et éventuellement les contraintes. Les Brexiters veulent quitter l’Union européenne, parce qu’elle n‘est pas assez libérale justement.

La campagne pour les européennes devrait être l’occasion forte de faire à la fois la pédagogie de l’Europe mais aussi et surtout l’étude comparative des projets et des alternatives. 

Guillaume Duval cèdeà l’impérialisme écologique, l’Europe sera verte ou ne sera pas,quel programme ! Il cède aussi à l’angélisme de la solidarité,à l’harmonisation, et presque à l’égalitarisme. Alors que la première obligation est d’être riche et puissante, compétitive à l’intérieur et en mesure de combiner ses complémentarités.

Le sait-on ?  Mais l’Union européenne pourrait être autosuffisante et vivre en autarcie. 

Qu’on soit d’accord ou pas avec les conclusions de ce petit livre rouge de l’Europe, il faut le lire. D’ailleurs, il se lit vite et bien.Si la crise rend intelligent, ce livre aussi !

Guillaume Duval, Trump, Poutine, Orban, Salvini et le Brexit, une chance pour l’Europe. Éditions Les petits matins, 14 euros.

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