Bonnes feuilles
Quand la foi vient au secours des valeurs de la République
Depuis l'opposition à la loi Veil qui a légalisé l'avortement, leur savoir-faire militant n'a cessé de s'enrichir. L'ampleur des Manifs pour tous a dévoilé leur force. Mais cette capacité de mobilisation ne peut être comprise en dehors des évolutions de la vie politique. Extrait du livre de Yann Raison du Cleuziou, "Une contre-révolution catholique" (éd. Seuil). 2/2
Yann Raison du Cleuziou
Yann Raison du Cleuziou est maître de conférences en science politique à l’université Montesquieu Bordeaux IV et membre du Centre Émile Durkheim (UMR CNRS 5116). Sa thèse sur les transformations de la vie religieuse dans l’Ordre dominicain entre l’après-guerre et la fin des années 1970 a reçu le Prix Richelieu en science politique de la Chancellerie des universités de Paris en 2009. Ses recherches actuelles portent sur les mobilisations politiques dans le monde rural, la politisation des pratiques religieuses et l’histoire contemporaine de l’Église catholique.
[Pour les observants, ndlr.], Sans l’Église catholique en face d’elle, la République risque donc de dériver dans le laïcisme. D’anticléricale, elle se muera en un cléricalisme nouveau et la liberté de conscience sera alors menacée. Par conséquent, pour les observants, la guerre des deux France n’a plus lieu d’être. Il est urgent de dépasser cette opposition, car la République est en danger et son Salut est du côté des catholiques, explique Xavier Patier :
"Le combat n’est pas entre l’ancienne France et la République laïque, comme le croit Vincent Peillon, ou entre la tradition et le progrès, comme persistent à le penser d’incultes ministricules. Il est entre toute la France d’un côté – la France païenne et chrétienne, monarchiste et républicaine, la France de la Renaissance et de la culture latine, la France droite dans ses bottes, la France de la troisième République, traditionnelle et socialiste – et, en face, un ennemi qui voudrait détruire ce qui lui est insupportable et qui s’appelle indépendance, ordre, liberté et tradition."
Seuls les catholiques assument encore les fondamentaux à partir desquels la République s’est construite – même par opposition. Jean Jaurès aurait soutenu La Manif pour tous, aime à rappeler Bernard Carayon cité par Famille chrétienne. Le discours observant recevra sa consécration des terroristes islamistes. En effet, lors des attentats de novembre 2015, un communiqué de Daech revendique l’attaque de la France qui «porte la bannière de la croix».
Pour François-Xavier Bellamy, ce doit être un signe du ralliement de tous les Français dans leur identité spirituelle profonde :
"La volonté revendiquée de Daech de s’attaquer à la nation qui porte la bannière de la croix doit agir dans la société comme un électrochoc. Il est décisif de dire ce qu’est la France et ce qui nous fait tenir ensemble : l’héritage culturel, intellectuel, spirituel auquel peuvent participer tous les Français, quelle que soit leur religion. L’islamisme n’a que les forces de nos propres faiblesses."
L’assassinat du père Jacques Hamel à Saint-Étienne-du-Rouvray en juillet 2016 est interprété comme une nouvelle confirmation de ce diagnostic. «On est assommés parce qu’on ne savait pas que c’était dangereux d’être prêtre aujourd’hui en France », déclare à l’AFP le père Pierre Amar, membre du Padreblog2. Les observants constatent la déliquescence d’une nation dans laquelle la sécurité des catholiques n’est plus assurée face aux musulmans. Ils devisent sur la tragédie d’une Église qui à force d’ouverture aux exclus a renoncé aux conditions de sa propre existence. La mosquée de Saint-Étienne-du-Rouvray a en effet été construite sur une parcelle cédée pour 1 euro symbolique par la paroisse catholique, soulignent-il. Or, ce discours trouve de solides appuis au-delà des seuls observants.
L’essai audacieux de Pierre Manent, Situation de la France 3, a retraduit en des termes de philosophie politique une partie de leur positionnement: la capacité de la France à se faire respecter et aimer des Français musulmans dépend de sa capacité à vivre à la hauteur de son héritage catholique. Michel Houellebecq défendra une position analogue dans un entretien donné au Spiegel et traduit par Valeurs actuelles en novembre 2017."
Extrait de "Une contre-révolution catholique" de Yann Raison du Cleuziou, publié aux éditions du Seuil
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