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Cet autre moyen de marquer la présence extérieure française, en aidant durablement au développement des pays post-crise
©BOUREIMA HAMA / AFP

Durable développement

La France et ses entreprises locales compétentes peinent à se positionner en leader à l’international, malgré les réelles opportunités économiques existantes. Tels sont les enjeux actuels de la reconstruction « post-conflit ».

Franck DeCloquement

Franck DeCloquement

Ancien de l’Ecole de Guerre Economique (EGE), Franck DeCloquement est expert-praticien en intelligence économique et stratégique (IES), et membre du conseil scientifique de l’Institut d’Études de Géopolitique Appliquée - EGA. Il intervient comme conseil en appui aux directions d'entreprises implantées en France et à l'international, dans des environnements concurrentiels et complexes. Membre du CEPS, de la CyberTaskforce et du Cercle K2, il est aussi spécialiste des problématiques ayant trait à l'impact des nouvelles technologies et du cyber, sur les écosystèmes économique et sociaux. Mais également, sur la prégnance des conflits géoéconomiques et des ingérences extérieures déstabilisantes sur les Etats européens. Professeur à l'IRIS (l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques), il y enseigne l'intelligence économique, les stratégies d’influence, ainsi que l'impact des ingérences malveillantes et des actions d’espionnage dans la sphère économique. Il enseigne également à l'IHEMI (L'institut des Hautes Etudes du Ministère de l'Intérieur) et à l'IHEDN (Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale), les actions d'influence et de contre-ingérence, les stratégies d'attaques subversives adverses contre les entreprises, au sein des prestigieux cycles de formation en Intelligence Stratégique de ces deux instituts. Il a également enseigné la Géopolitique des Médias et de l'internet à l’IFP (Institut Française de Presse) de l’université Paris 2 Panthéon-Assas, pour le Master recherche « Médias et Mondialisation ». Franck DeCloquement est le coauteur du « Petit traité d’attaques subversives contre les entreprises - Théorie et pratique de la contre ingérence économique », paru chez CHIRON. Egalement l'auteur du chapitre cinq sur « la protection de l'information en ligne » du « Manuel d'intelligence économique » paru en 2020 aux Presses Universitaires de France (PUF).

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L’Afrique et ses acteurs engagés dans les situations très difficiles de transition « post-conflit », réalisent des progrès indéniables en vue du règlement des conflits sur leur sol, et que l’avenir dépend pour l’essentiel de la construction de la paix et de la mise en œuvre effective de la reconstruction. Mais également du développement « post-conflit ». Bien conscients toutefois que dans les premières phases de transition vers la paix, les processus de paix restent extrêmement fragiles, instables et sujets à la réactivation endémique des pires violences. Les risques de reprises sont et restent toujours à un niveau d’occurrence élevée. Et l’attention de toutes les parties prenantes doit être évidemment portée prioritairement sur les mesures de consolidation de la paix, tout en ouvrant la voie à la croissance et la restauration des infrastructures vitales (hôpitaux, routes, écoles, dispensaires, approvisionnements en eau, acheminement des denrées alimentaires). Mais aussi à permettre la réémergence d’un tissu économique local viable, à faire croitre d’urgence. Pour cela, un marché important existe déjà, financé par des institutions comme l'UE, l'ONU, ou l'AFD sur lequel les entreprises françaises peinent pourtant à se positionner. Et cela, malgré un savoir-faire indéniable en la matière reconnu à l’international.

Les pays qui émergent d’une phase de conflit sont caractérisés à tous niveaux par une moindre capacité à rebondir économiquement, compte tenu de la destruction de leurs infrastructures, de leurs institutions en règle générale et de l’Etat. L’absence de culture démocratique, la désertion des pratiques de bonne gouvernance de l’Etat de droit, et du respect des droits de l’homme dans leur ensemble finissent par achever ce tableau cauchemardesque. La pauvreté sous-jacente fait que les réponses aux situations d’urgence restent le plus souvent fragmentées, parcellaires et généralement inefficaces dans un contexte failli. Au-delà des actions diplomatiques et militaires à proprement parler, ce processus implique aussi le renforcement des institutions du pays, l’organisation d’élections libres, la promotion des droits de l’homme, la mise en place de programmes de réintégration et de réhabilitation, ainsi que la création de conditions favorables au développement. Un processus de reconstruction post-conflit implique donc in fine, une présence à long terme des acteurs internationaux.

Les activités de reconstruction et de développement dans un contexte post-conflit ne s’arrêtent pas à la simple « stabilisation », mais tentent surtout de réaliser le développement durable à long terme, tel qu’envisagé dans le cadre d’une vision claire de la restauration et de la croissance. « La quadrature du cercle », en quelque sorte.« Guérir de la guerre » n’est pas chose aisée et demande une planification stratégique à l’échelle des Etats, mais aussi l’engagement économique d’acteurs de terrain et d’entrepreneurs du secteur privé parfaitement aguerris.Au nombre desquelles les PME / PMI/ ETI françaises qui disposent d’un savoir-faire indéniable en la matière, et d’une compréhension en profondeur des situations d’urgence reconnue dans le monde entier.

Reste que les démarchent des entrepreneurs français pour « exporter » ce savoir-faire, et cette volonté « d’entreprendre » sont longues et difficiles.Elles relèvent la plupart du temps du véritable « parcours du combattant » à l’heure où les chiffres du commerce extérieur français sont en berne et creuse nos déficits (Le déficit cumulé atteint 61,6 milliards d’euros. Ce qui signifie en outre que nos exportations ne couvrent que 87,8 % de nos importations). Un chemin institutionnel semé d’embûches on le voit, ou il n’existe pas encore de « guichet unique » pour quérir du renseignement économique hautement qualifié auprès de nos administrations compétentes... Une situation épuisante pour beaucoup de chefs d’entreprises, et une course de fond pour de nombreuses structures mal préparées à ce type de challenges de longue haleine.Il est évident que les défis posés aux entreprises en action sur des « situations post-conflit » sont considérables, et relèvent du marathon institutionnel. Les personnels impliqués dans la résolution des conflits doivent faire face à de très fortes contraintes ; multiples et complexes ; lourdes et protéiformes de nature dans le cadre de leurs actions quotidiennes. Ainsi, chaque décision prise au moment de la signature formelle des accords de paix contribue à configurer l’ordre politique local, succédant à la période conflictuelle dans le pays considéré. Pour autant, certaines initiatives composées d'entreprises françaises ayant la volonté de se développer sur ces marchés de la reconstruction des pays post-crise existent bel et bien en France.

Et à ce titre, le dernier exemple en date s’incarne en région Auvergne Rhône-Alpes,dans l’initiative entrepreneuriale locale de l’association « Auraction-France » qui accompagne désormais des entreprises ayant le souhait et la volontéde répondre à un processus d’appel d'offres, dans les pays ravagés par la guerre, des crises humanitaires ou des crises environnementales. Une fois le calme recouvré et la situation partiellement stabilisée,l’impératif de la reconstruction se profil très rapidement pour garantir la sauvegarde des populations en souffrance. Il en va souvent de la survie même de ces populations impactées de plein fouet par la violence,en condition d’existence dégradée, ou précaire. Bien souvent, il s’agit d’une course contre la montre. Cette dernière phase est généralement organisée et financée par les institutions internationales telles quel’ONU, l’UEet la France par l’AFD. Elle consiste à remettre en place les fondamentaux de la vie économique et sociale du pays considéré en sortie de crise. Cela passe schématiquement par l’organisation d’élections, le rétablissement de l'État de droit. Mais bien entendu aussi, par le volet socio-économique, cela va sans dire. Il faut refaire les routes, les ponts, les aéroports, la distribution de l’eau et de l’électricité, la santé et l’alimentation. Et si tout se passe conformément aux attentes, cette phase doit déboucher sur celle du développement. Autrement dit, il s’agit d'aider le pays considéré sorti d'une crise,  à rebondir au plus vite pour revenir « à la normale.

À titre d’exemple, actuellement au Mali, les fonds consacrés à la reconstruction post-conflit s'élèvent à environ de 9 milliards de dollars selon les informations disponibles en sources ouvertes. Mais ce que beaucoup ignorent, c'est qu’à peine 20% de ces sommes sont dépensés selon les informations transmises par l’AFD  (l'Aide Française au Développement). Cela peut s’expliquer par le temps d'élaboration des projets, les délais de réflexion, la crainte de la part des organismes internationaux d'avoir affaire à des entreprisesaux activités frauduleuses ou malhonnêtes. Si laFrance est très présente dans la gestion des crises, en revanche ses entreprises nationales sont globalement les grandes absentes au moment de passer à la phase de reconstruction sur les théâtres de crise. Ce qui est encore le cas récemment en Afrique: les Britanniques, les Allemands, des Italiens ou encore des Américains performent tous en la matière, en participantaux chantiers de reconstruction, mais très peu d’entreprises et d’entrepreneurs Français en revanche… Beaucoup sont absents de ces marchés que d’aucuns qualifient de «business post-crise». Le constat est amer pour beaucoup d’observateursengagés.Et si les entreprises françaises restent statiques face à ces opportunitésà l’international, c’est aussi parce qu’elles méconnaissent cruellement le business et les infrastructures ou abondent les fonds internationaux dédiés. Du coup, elles ne se projettent pas et restenten position statique puisqu’elles ne maitrisent pas ce processus des reconstructions financées. Le constat est flagrant et abrupt.

De leur côté, les entreprises qui sont directement intégrées au sein de l’initiative d’Auraction-France, sont aussi prêtes à intervenir, un peu à la façon d'une force d'action rapide selon les mots de ses initiateurs, et sont évidemment en capacité de répondre dans les meilleurs délais aux conditions de financements des projets. Et bien évidemment, en y trouvant leur compte à l’arrivée. À ce titre, les besoins identifiés dans les pays post-crise retournent  pour l’essentiellement des travaux publics : habitations, infrastructures, eau, énergie. Dès lors, une trentaine d'entreprises locales peuvent répondre à ces besoins immédiats. À l’image d’entreprises commele groupe Brunet (installations dans l'énergie) déjà très présente à l'internationale, par son bureau d’étude B4, Locabri qui fabrique des structures de toutes sortes, SIGEDI spécialiste de des métiers de la tuyauterie… Et cette « initiative-interface », de nature entrepreneuriale et d’inspiration locale, pourrait aussi très vite devenir un modèle du genre, en matière d’intelligence économique et d’action opérative « à la Française ». Une « initiative guide » en quelque sorte, en capacité d’inspirer intelligemment d’autres modèles d’action rhizomique à l’international (sur la base d’un système acentrique, non hiérarchique et non signifiant), pour l’emporter plus efficacement sur les marchés extérieurs. 

Loin « des parts de marchés de la reconstruction », des « dividendes de la paix » ou du « prix du sang » dont les métaphores découlent toutes de l’inspiration « militaro-économique » depuis plus d’une trentaine d’années, pour désigner le ROI – ou retour sur investissements national des interventions multilatérales humanitaires et de maintien de la paix – des modes opérationnels durables, débarrassés des scories du passé émergent enfin. Soutenus par des réseaux d’intelligences collectives, connectées de plain-pied aux réalités du terrain. Plus qu’un laboratoire pour l’intelligence économique à la française, un motif de fierté et d’influence en devenir, prompt à révolutionner certains modes d’actions devenus désuets. À ce titre, l’initiative Auraction-France entretient des relations avec le Quai d'Orsay, l'AFD, Bercy, la Banque mondiale, l'Union Européenne ainsi qu’avec les autorités et la société civile des pays en situation de « post-crise ». Les liens avec l'arméefrançaiseexistent aussi. Ilssont forts : Auractioncomporte des officiers de réserve opérationnels spécialisés, qui peuvent partir en reconnaissance en même temps que les forces sont déployées. Et ceci, notamment au travers du CIAE – le Centre Interarmées des Actions sur l'Environnement. Sur le terrain, ces spécialistes identifient les futurs chantiers de reconstruction, et ce dans l'intérêt des forces dans le cadre de ses missions, mais aussi des besoins fondamentaux des pays. Un bel exemple d’intelligences connectées. 

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