Le double paradoxe François-Xavier Bellamy<!-- --> | Atlantico.fr
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©ROMAIN LAFABREGUE / AFP

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Contrairement à ce que nombre de commentateurs veulent y voir, la tête de liste LR aux Européennes n’a pas véritablement suscité de dynamique dans les sondages, si ce n’est par rapport aux attentes de ceux qui le voyaient achever de plomber le parti. Pour autant, le jeune philosophe versaillais pourrait bien avoir un impact durable sur la droite. Et sur ses leaders actuels

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico: Si la désignation de François-Xavier Bellamy comme tête de liste LR pour les européennes avait pu être mal perçue par certains, prévoyant une chute des scores du parti pour les prochaines élections, c'est l'impression d'une dynamique positive qui domine aujourd’hui les esprits. Pourtant, cette dynamique, un gain de 1 point en quelques semaines, semble toute relative. Ainsi, alors que l'idée de dynamique semble abusive, en quoi pourrait-on considérer que François Xavier Bellamy change la donne à droite ?

Edouard Husson : On sait depuis l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007 que la mouvance LR (ex-UMP) a intérêt à être bien ancrée à droite pour gagner des élections. Cela chagrine certainement quelques caciques du parti et il y en a qui ont préféré aller chez Macron que « perdre leur âme », comme disait Michel Noir à la fin des années 1980. Ce qui se passe avec Bellamy est assez simple : sauf imprévu, sa présence à la tête de la liste LR aux élections européennes va permettre au parti d’éviter de frôler la barre des 10%. On devrait être plutôt aux environs des 15% dont Laurent Wauquiez, peu ambitieux en l’occurrence, a fait le score souhaitable pour son parti.

On rappellera juste que Nicolas Sarkozy était au-dessus de 30% au premier tour en 2007 et au-dessus de 25% au premier tour en 2012. Qu’on se demande si LR va dépasser ou non 15% en dit long sur le déclin du parti. Avec Bellamy, il s’est agi de limiter la casse. On rappellera aussi qu’il devrait y avoir 50% d’abstention à ces élections européennes. On parle donc d’une force politique qui va rassembler 7 à 8% des inscrits. Le mouvement post-gaulliste à moins de 10% des inscrits ! La CDU en Allemagne ou le parti conservateur britannique rassemblent aujourd’hui trois fois plus d’électeurs.  

Si Laurent Wauquiez a pu désigner François-Xavier Bellamy pour éviter une concurrence interne trop importante qui aurait pu avoir lieu avec une personnalité expérimentée, en quoi le président des LR pourrait-il apparaître comme la victime de son propre choix, face à une personnalité jugée "structurée" et "sincère" par les électeurs de droite ? 

 Prenons le problème dans l’autre sens, si vous voulez bien. Ni Laurent Wauquiez ni Marine Le Pen ne prennent le risque d’emmener leur parti à la bataille. On est dans une attitude qui consiste à limiter les risques. Cela montre bien la fragilité des deux principales forces d’opposition à LREM. Laurent Wauquiez est quelqu’un qui a passé son temps à se battre contre les gens de son propre parti plutôt que de combattre l’adversaire. Il n’a réussi à obtenir la présidence du parti que parce que LR s’était auparavant « wauquiézisé » en détruisant son champion, François Fillon. 2017 aura été, pour la droite modérée, 1981 – moment où Chirac a tout fait pour empêcher la réélection de Giscard - en pire.

Nicolas Sarkozy ne voulait pas de son ancien « collaborateur » à l’Elysée ; Juppé n’en voulait pas non plus et les deux se sont coalisés, par sbires interposés pour poignarder Fillon dans le dos. Nous avons la droite dotée du plus faible instinct de survie en Occident. Je n’ai aucun doute sur le fait que Wauquiez saura tuer Bellamy si celui-ci lui fait de l’ombre. Ce faisant, il enfoncerait encore un peu plus LR ; mais nous ne devons avoir aucun doute sur le fait que LR est, depuis la fin de l’hiver 2016-2017, en mesure de rejoindre le PS dans l’insignifiance. Bellamy représente un palier, un ralentissement du déclin.  

 Les personnalités de centre droit des LR avaient pu mettre en garde contre le choix d'une telle personnalité jugée trop "conservatrice". En quoi le bon maintien de la liste LR vient-il balayer cette idée d'un conservatisme fossoyeur de la droite ? 

Pendant longtemps le mot conservatisme n’a pas eu bonne presse en France alors que c’est un terme politique positif en Grande-Bretagne, en Allemagne ou aux Etats-Unis. Conserver, faire fructifier, transmettre, c’est la raison d’être de la droite. Mais en France, la droite a été incapable, en 1791-92, de défendre la souveraineté réelle, la personne du Roi uni à son peuple, du « père de la nation », contre la souveraineté abstraite des révolutionnaires. Aujourd’hui, nous sommes au terme d’une nouvelle séquence catastrophique où le rétablissement de la souveraineté réelle du pays par de Gaulle a été progressivement défait par ses successeurs.

Pompidou faisant le choix du quinquennat et précurseur, en l’occurrence, du référendum de 2000 sur la question ; Giscard a ensuite inauguré le démantèlement de la souveraineté et il a été suivi par un renégat de la droite, François Mitterrand puis un ancien militant pacifiste compagnon de route du PCF égaré à droite, Jacques Chirac, d’ailleurs revenu, dès qu’il fut président de la République, à ses premières amours, sous la forme de la repentance, de l’antiracisme et de l’européisme. Nicolas Sarkozy a eu le bon instinct, avec son programme de 2007 et l’axe de sa campagne de 2012. Mais il a aussi été « giscardien » dès son installation à l’Elysée, avec la nomination de ministres de gauche : dès les élections législatives de juin 2007, l’électorat de droite commençait à se démobiliser – essentiellement, d’ailleurs, l’électorat du Front National qui avait été séduit par son programme présidentiel nationiste et conservateur. C’est à cause de la trahison partielle de ses promesses de renouveau conservateur Donc oui ! le conservatisme est essentiel aux succès de la droite, même si elle a beaucoup de mal à en tirer les conséquences politiques qui s’imposent.  

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