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Création d’une banque du climat : attention, une idée à manier avec précaution
©PASCAL GUYOT / AFP

Ecolomie

Dans sa tribune "Pour une Renaissance européenne", Emmanuel Macron appellait à la création d'une "Banque européenne du climat pour financer la transition écologique".

Jean-Charles  Hourcade

Jean-Charles Hourcade

Jean-Charles Hourcade est directeur de recherche au CNRS et directeur d'étude à l'EHESS, spécialiste reconnu de l'analyse économique du changement climatique, en particulier des questions énergétiques.

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Atlantico : Le programme Renaissance de LREM propose dans son programme européen de créer une banque du climat. Est-ce une bonne idée selon vous ?

Jean-Charles Hourcade : Cela peut être une bonne idée, même s’il ne faut pas que cela devienne une structure redondante. Il existe déjà la Banque européenne d’investissement ou le programme InvestEU qui pourrait être employé pour renforcer des « missions vertes ». D’autres propositions cependant ont été faites. L’idée de banque du climat avait été lancée notamment par Pierre Larrouturou sur l’idée de faire du « quantitative easing », c’est-à-dire de proposer de la création d’argent pour financer l’économie verte. C’est une mauvaise idée, mais que ne reprend pas LREM. Le quantitative easing avait un sens quand la BCE a du mettre de l’argent sur la table pour viabiliser les dettes pourries de certaines banques pour éviter que ces banques fassent banqueroute. C’est une question de liquidité, ce qui ne correspond pas aux objectifs d’une banque du climat. Il y a donc une confusion : ici on veut que les banques puissent payer leurs créanciers et continuent à investir, alors qu’une banque du climat n’a pas ces objectifs. L’autre idée était de taxer les bénéfices des entreprises, chose qui n’est actuellement pas conseillée (surtout en période de Brexit) parce que les entreprises ont besoin d’argent pour investir et parce qu’il y aurait alors un très gros risque de toucher la valeur boursière de certaines d’entre elles. 

Cependant, une banque pour le climat est envisageable. Elle pourrait proposer des garanties publiques, qui ne seraient payées que si un projet fait faillite. Les estimations sur lesquelles je travaille peuvent démontrer que si seulement un projet sur quatre fait faillite, on peut montrer que l’effet levier aurait un effet positif et permettrait de compenser sans difficulté la faillite. C’est sur ce genre de projets qu’on pourrait trouver une vraie utilité dans la création d’une banque pour le climat. Mais les projets actuellement ne sont pas développés, et dans les programmes il n’y a rien encore de concret. 

L’idée d’investissements ciblés et donc d’une dynamique bancaire plus classique vous semble donc à écarter ?

Cela ne signifie rien en tant que tel : il faudrait changer la façon d’envisager les choses, et dire que ce n’est pas en mettant de l’argent sur la table que l’on va tout résoudre, on peut trouver d’autres solutions. Il faut voir qu’on ne manque pas nécessairement d’argent, et que mettre par exemple plus d’argent dans la rénovation des bâtiments n’aura pas d’effets positifs. 

On manque de compétences, d’organisations pour dépenser l’argent intelligemment et de bons projets. Il faut rediriger l’argent qu’on a. Mettre plus d’argent sur la table peut aider, mais ce n’est pas le coeur du problème. C’est pourquoi il me semble que les garanties publiques sont utiles. Elle permettent de monter des projets plus solides. Il ne faut pas que la banque du climat ne soit pas une question de plus d’argent seulement. Pour prendre l’exemple de la crise des Gilets jaunes, on a besoin d’argent pour faire moins de ronds-points et plus de panneaux solaires. Il faut d’abord savoir où va l’argent. C’est une bonne idée de faire du crédit à meilleur taux, mais surtout travailler à la redirection de l’argent. 

Diriez-vous la même chose de l’autre projet, qui vient d’outre-Atlantique cette fois-ci, de Green New Deal ?

C’est la même chose. La banque du climat pourrait être au service d’un projet de cette ampleur, que dans l’esprit personne ne peut rejeter. Mais cela ne peut se contenter de projets à coups de milliards. Il faut bien définir les créneaux par lequel ces projets peuvent se déployer. C’est là qu’est l’essentiel.

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