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"La révolte" de Villiers de L’Isle-Adam : une certaine bourgeoisie au scalpel. Impressionnant, décapant
©Théâtre Les Déchargeurs

Atlanti-Culture

"La Révolte", pièce de Villiers de L'Isle-Adam, qui fit scandale en son temps, dresse le portrait d'une femme qui prend la décision d'exister vraiment face à un mari cupide, étriqué et qui se donne des allures d"honnête homme". En avance sur son temps...

THÉÂTRE
La révolte
De Villiers de L’Isle-Adam

Mis en scène: Salomé Broussky

Avec Sarah-Jane Sauvegrain (Elisabeth) et Timothée Lepeltier (Félix)

INFORMATIONS

Théâtre des Déchargeurs

ATTENTION: dernière, le 6 avril

Réservation : 01 42 36 00 50 / www.lesdechargeurs.fr

RECOMMANDATION 

EXCELLENT

THÈME
• « Pour faire des affaires, il faut avoir les yeux secs ! » : tel est le credo du banquier Félix qui, sous les dehors de “l’honnête homme“ dont il célèbre et cultive l’idéal, étale complaisamment devant sa jeune épouse Elisabeth - qui est également sa meilleures collaboratrice - toute l’étendue de sa cupidité et de sa stupidité.

• Elisabeth, un temps soumise, discrète et effacée, se révolte et veut vivre sa vie. Cela passe par une explication frontale avec un être obtus, conforté dans ses certitudes, qui ne jure que par “l’esprit positif“.

• Que peut-il sortir de ce dialogue de sourds ? N’est-il pas déjà trop tard pour une femme qui a tant consenti ?

POINTS FORTS 

• Le texte de Villiers de l’Isle-Adam frappe “l’honnête homme“ de son siècle au défaut de sa cuirasse : à peine moins cruel que Flaubert ou Stendhal dans son approche du bourgeois, il pointe l’esprit de lucre, « le jeu avec la ruine des autres », le mépris souverain pour la misère des déshérités… Derrière les postures et les goûts – l’apologie d’une philosophie de la modération et du classicisme – se dissimulent des intérêts bien compris, commandés par l’obsession du gain.

• Villiers de l’Isle-Adam attaque “l’honnête homme“ pétri d’un idéal “positif“ avec tous les moyens littéraires à sa disposition, de sorte que La Révolte cultive un ton alternativement dramatique, tragique et même comique, certaines scènes rappelant Labiche…

• Cependant, la pièce tire également sa force d’autres questions abordées, non moins contemporaines : comment rompre et tenir tête, passer de la soumission à la révolte ? Est-il possible de « vivre sa vie » quand on est immergé dans une vie sociale dont les conventions impriment insensiblement leur marque et pèsent sur les volontés les mieux trempées ?

• Ce conflit intérieur qui travaille en profondeur est bien servi par l’interprétation fine et sensible de Sarah-Jane Sauvegrain, qui sait aussi bien mettre en valeur  les moments les plus incisif et mordants de la pièce.

POINTS FAIBLES

• La mise en scène est assez banale, de même que les décors : dès lors, on peut se demander comment actualiser la pièce autrement que par des costumes qui laissent penser que l’action se situe de nos jours.

• Quand j'ai vu la pièce, à son démarrage, Timothée Lepeltier ne semblait pas encore tout à fait à son aise avec le rôle: expressions et gestuelle assez stéréotypées; souffrant ainsi de la comparaison avec sa partenaire. Mais l'aisance a dû venir avec les jours...

EN DEUX MOTS 

Quand une femme règle ses comptes avec son banquier de mari, la figure de “l’honnête homme“ n’en sort ni indemne, ni grandie…

UN EXTRAIT 

Ou plutôt deux:

Félix : " Les capitaux sont de la considération et de l'estime en portefeuille"

Elisabeth : " Il y a des jours où tient toute la vie, et qui sonnent tous les adieux." 

L’AUTEUR 

• Villiers de l’Isle-Adam (1838- 1889) est un conteur réputé pour ses Histoires insolites (1888) et ses Contes cruels (1883). Ce fin connaisseur du théâtre, contemporain et ami de Gustave Flaubert et d’Alexandre Dumas fils, écrit La Révolte en 1870, au terme d’un Second Empire qui voit l’ascension fulgurante et parfois scandaleuse de nouvelles fortunes issues du négoce, de la banque ou de l’industrie. Ces milieux d’affaires, souvent d’extraction bourgeoise, sont exécrés par le royaliste aux idées très conservatrices qu’est Villiers de l’Isle-Adam.

• On comprend que dans ces conditions, la pièce donnée au Vaudeville n’ait eu que cinq représentations, car le scandale le disputa à l’indignation auprès de ceux qui se reconnurent comme cible du propos : La Révolte provoqua  celle d’une grande partie de son public et de la critique…

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