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La communication et l’entourage d’Anne Hidalgo vont-ils nuire à son image et torpiller sa réélection dans le cadre des municipales de 2020 ?
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Bonnes feuilles

François Delétraz, Yohan Blavignat et Étienne Jacob publient "La Reine maire de Paris" aux éditions du Rocher. Les dossiers noirs ne manquent pas à la Mairie de Paris. Cette enquête sans concession éclaire les citoyens sur la façon dont Anne Hidalgo a géré la Ville. Extrait 1/2.

François Delétraz

François Delétraz

François Delétraz est rédacteur en chef au Figaro Magazine. Il est l’auteur de « La Reine-maire de Paris» (Ed. du Rocher). 

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Etienne Jacob

Etienne Jacob

Étienne Jacob est journaliste au Figaro. Il est l’auteur de « La Reine-maire de Paris» (Ed. du Rocher). 

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Yohan Blavignat

Yohan Blavignat

Yohan Blavignat est journaliste au Figaro. Il est l’auteur de « La Reine-maire de Paris» (Ed. du Rocher). 

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Anne Hidalgo n’a jamais vraiment été une grande communicante. Lors de nos rendez-vous, nous avons rencontré une femme relativement à l’aise, mais sobre en formules, et lapidaire dans ses réponses. Était-ce parce qu’elle savait que ses propos seraient publiés dans un livre ? Quoi qu’il en soit, elle nous a offert l’image d’une femme politique qui occupait pleinement son immense bureau de l’Hôtel de ville de Paris, et ne craignait pas d’avouer quelques hésitations. Elle semblait concernée par les dossiers, même si elle n’a jamais vraiment possédé toutes les subtilités de leurs parties techniques, que ce soit sur Vélib’, la Grande Roue, ou les sens interdits. Cette faiblesse est un atout pour les journalistes que nous sommes, car il devient plus facile de l’acculer à nous répondre. Quand les sujets deviennent épineux, Anne Hidalgo opte pour trois techniques : la franchise – ce qui peut surprendre quand on ne connaît que sa façade assez lisse –, le mutisme ou la délégation. Elle laisse alors la parole à son premier adjoint Bruno Julliard, puis, depuis la démission de ce dernier, à son directeur de cabinet Frédéric Lenica. Celui-ci est un énarque, issu de la même promotion qu’Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée, ou encore qu’Audrey Azoulay, l’ex-ministre de la Culture… 

En somme, en face à face, Anne Hidalgo n’en impose pas. Elle s’en vante souvent. Elle en fait même un atout lorsqu’elle met en avant son attachement au « terrain », toujours à la « rencontre des Parisiens et des Parisiennes ». Son absence de longues formules tend à rassurer. Il dévoile aussi un certain amateurisme dans le rouage communicationnel de la Mairie. En revanche, la grandiloquence ne lui fait pas peur quand il s’agit de prononcer un discours. Lors de ses vœux de 2018, Anne Hidalgo a commencé son allocution en évoquant Paris, « ville-capitale », « ville-monde ». Avec un besoin perpétuel de se comparer aux autres mégalopoles. Lors de nos entretiens, ce côté-là transpirait. Oui, Anne Hidalgo a dîné avec Bloomberg à San Francisco. Oui, elle a rencontré Obama qui l’a « très impressionnée ». D’ailleurs, quand l’ex-président des États-Unis lui a dit « I love your city », juste après les attentats de janvier 2015, l’édile a répondu, dans un réflexe qui tenait plus de Marilyn Monroe que d’une agence de communication : « And my city loves you, Mister President. » « J’avais l’impression d’avoir trois ans d’âge mental », nous a-t-elle avoué. 

Hormis ces maladresses, ses discours ne reflètent pas du tout l’Hidalgo naturelle et parfois un peu hésitante que nous avons rencontrée. Les termes techno-emphatiques abondent : innovation, démocratie, unité, transition écologique, mobilité, dynamique, solidarité, progrès, énergie créative, destin. Le nouveau quartier des Halles est un lieu de « respiration, de rencontre et de divertissement ». Ces mots censés mettre en valeur le territoire composent finalement des phrases ronflantes, vides et inaudibles pour le Parisien. Que dire des changements permanents d’appellations pour désigner les mêmes choses ? Les « Voies sur berges » sont devenues « Berges de scènes ». Les amendes sont devenues des « Forfaits post stationnement ». Ces tours de passe-passe n’ont rien d’innocent, ils servent à faire table rase du passé. Et dans ce domaine, reconnaissons que la Ville est championne. Mais rien qui séduise les Parisiens. Un ancien adjoint de Delanoë décrypte : « Bertrand avait plus de savoir-faire en termes de communication. Il sentait beaucoup mieux les évolutions qu’il pouvait apporter pour animer le paysage politique. Quand Anne Hidalgo a été élue, une espèce d’agence de communication a pris le pouvoir. Elle n’a pas mis les intérêts de Paris au cœur de leur travail. » 

On peut s’en étonner quand on sait que depuis son élection, Anne Hidalgo a créé 41 postes en plus des 273 dédiés exclusivement à la communication, qui existaient déjà à la mairie de Paris. Et si l’on regroupe toutes les directions de la Ville, on monte à 417 spécialistes de la com’ dans tout l’organigramme de la capitale. Ces chiffres astronomiques représentent plus de 21 millions d’euros en dépenses annuelles. Et pourtant, les erreurs de communication sont nombreuses. À commencer par l’affaire Michel Déon, où les adjoints se sont emmêlés les pinceaux par comptes Twitter interposés. « C’est un regret immense », reconnaît Anne Hidalgo. Les adjoints nous l’ont rabâché à plusieurs reprises : « On n’a pas toujours été bons dans l’explication. » Même lorsqu’il s’agit de souligner les bonnes innovations pour les Parisiens, comme le fait de pouvoir garer gratuitement son deux-roues motorisé entre les voitures, la mairie échoue à les mettre en évidence. « C’est vrai que ça mériterait une campagne de communication à la rentrée », nous a même lâché Christophe Najdovski, à l’été 2018.

À qui la faute ? Est-ce parce qu’en 2014 Anne Hidalgo a voulu ratisser large pour composer son équipe municipale – ses adjoints sont communistes, progressistes, socialistes ? Cette pluralité politique donne souvent l’impression d’une cacophonie dans le discours. Ainsi Ian Brossat, adjoint au Logement, n’est pas de l’avis de la maire sur le travail le dimanche. Christophe Najdovski est plutôt contre la voiture électrique, ce n’est pas l’avis d’Anne Hidalgo et de son adjoint Emmanuel Grégoire. Ces dissensions sont d’ailleurs à l’origine de nombreux départs dans l’équipe municipale, de Bruno Julliard à Mao Peninou, en passant par le directeur de cabinet d’Anne Hidalgo, Raphaël Chambon…

La cour 
Omniprésente et influente

« Son sentiment de toute-puissance la perdra. » Ce sont les mots d’un ancien membre du cabinet d’Anne Hidalgo, officiellement parti « pour raisons personnelles », en réalité las de devoir toujours lutter contre le flot de critiques virulentes qu’elle suscite. Comme toute personne en position de pouvoir, Anne Hidalgo réunit autour d’elle une cour sinon bienveillante, tout du moins lénifiante. Un petit cercle restreint d’adjoints et de conseillers qui ont bien compris qu’avec la maire, la flagornerie restait la meilleure assurance de pérennité, même si cela devait la mener à la faute. « Quand elle est obsédée par quelqu’un, c’est chaud », résume notre interlocuteur. Entendez : nul ne lui fera entendre raison et toute personne qui distillerait un semblant de nuance serait considérée comme un opposant. La cour va toujours dans son sens. Le premier du premier cercle s’appelle Jean-Marie Vernat. Cet ancien directeur de cabinet du maire du 18e est parvenu à se hisser au rang de conseiller stratégique de la maire, quoiqu’il préfère toutefois rester dans l’ombre. Tout-puissant, il a validé le choix de Caroline Fontaine à la direction de la Communication contre l’avis de plusieurs adjoints, court-circuitant ainsi la « shortlist » des candidats à ce poste, sur laquelle cette dernière ne figurait pas. La lauréate n’avait pas vraiment brillé à son ancien poste de responsable de marque chez Air France, où son unique fait d’arme fut d’avoir trouvé le nom de « Joon ». Autre figure incontournable de l’entourage de la maire, le chef de cabinet Paul-David Regnier, son « doudou », ou encore son « baume apaisant », comme le surnomment les adjoints. Dans le second cercle, on trouve David Godevais, le conseiller Culture, l’ami depuis vingt ans d’Anne Hidalgo en qui elle a toute confiance. La maire l’a recruté il y a peu quand les ennuis commençaient, et que sa parano s’est amplifiée. Réflexe psychologique typique de quelqu’un qui ne supporte pas qu’on doute d’elle et veut qu’on la conforte dans son point de vue. Il y a aussi Serge Orru, un écologiste corse qui a, par exemple, initié sur l’île l’opération « Halte aux sacs plastique ». Il a été directeur général du WWF pendant six ans et a lancé avec Anne Hidalgo en 2012 une alerte sur les mégots abandonnés ! Cet écologiste, très friand de com’, ambitionnait à l’origine la mairie du 18e. Les résultats d’un sondage l’ont fait renoncer. Enfin, Frédéric Lénica, membre du Conseil d’État, remplaçant de Raphaël Chambon, qui est retourné à son corps d’origine après plusieurs années de bons et loyaux services. Passé par le CSA, ce nouveau « dir’cab’» a dû, en qualité d’adjoint, gérer la piétonnisation de la rive droite avec une maire arc-boutée sur sa décision. C’est dire s’il ne risque pas de lui faire de l’ombre.

Extrait du livre de François Delétraz, Yohan Blavignat et Étienne Jacob, "La Reine maire de Paris", publié aux éditions du Rocher. 

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