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Emmanuel Macron débat avec des intellectuels… mais avec des juristes, ça non ! Pourquoi ?
©ludovic MARIN / POOL / AFP

L’intendance suivra !

Le lundi 18 mars 2019, le Président de la République a reçu soixante-quatre intellectuels à l’Elysée. Il s’agissait, au terme du grand débat national, de confronter, pendant plus de huit heures d’échanges, les propositions qui en sont issues au « vaste monde des idées et du savoir ».

 Basile Ader

Basile Ader

Basile Ader est avocat au barreau de Paris, spécialiste du loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, en particulier de la diffamation en droit français. Il est l'avocat historique du groupe Amaury (L'Équipe et Le Parisien), de Radio France et de la Fédération de la presse. Il est par ailleurs directeur de la rédaction des revues Légipresse et Légicom. Il est l’avocat d’Atlantico dans l’affaire des écoutes de Patrick Buisson.

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Laure Lavorel

Laure Lavorel

Laure Lavorel est directrice juridique et administratrice du Cercle Montesquieu.

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Il y avait là : douze économistes, huit philosophes, dix sociologues, six politologues, onze scientifiques, six historiens et neuf essayistes et écrivains, et seulement trois juristes, tous trois professeurs de droit. Aucun magistrat, aucun avocat, ni aucun juriste d’entreprise ou d’administration, soit aucun praticien de droit ne furent invités à disserter. Pourquoi cette disproportion, voire cette absence ? Les juristes avaient-ils moins de choses à dire sur « les grands enjeux de la Nation », tels qu’on les a décrétés. C’est à dire, rappelons-les : la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’Etat et des services publics, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté c’est-à-dire en réalité que des questions de droit. 

Le droit est un outil indispensable à la croissance, au progrès et à la stabilité économique et sociale. Le droit est partout, et les juristes nulle part où l’on décide du cours des choses ; drôle de paradoxe !
Le juriste est en effet l’éternel oublié des Conseils d’administration, comme de ceux de direction des grandes entreprises. Encore trop souvent considéré comme un pompier de service, c‘est l’innocent aux mains pleines, le mécanicien de l’ombre. C’est aussi le parent pauvre de la haute administration.


Et il a donc encore été le laisser pour compte, au moment où le président de la république a voulu débattre, en dernier lieu, avec « l’intelligence et le savoir du pays» sur l’évolution de notre démocratie. Car c’est bien la démocratie qu’interpellent violemment, tous les samedis, des citoyens vêtus de jaune, avides d’égalité politique et de liberté de consommer, pressés d’en découdre pour la défense de leurs droits, mais qui en oublient qui fabrique la loi et qui est là pour la faire respecter. 


Faut-il rappeler que ce sont des hommes de loi qui ont fait la République, que ce sont eux qui sont toujours au cœur des grands débat de société et des grandes réformes, qui sont les premiers défenseurs des libertés, en France comme dans le monde, comme le droit d’asile , la liberté d’expression, la lutte contre les discriminations, et tant d’autres sujets, que c’est le juriste qui veille à la protection des données personnelles, c’est-à-dire à la vie privée du citoyen, à l’accès au droit et à la justice, que c’est lui qui est le premier défenseur de l’entreprise, de ces investissements et de son patrimoine, le meilleur garant de l’attractivité de notre pays. 
Avoir à ce point négligé l’avis du juriste au moment crucial pour notre République où s’engagent les batailles de l’inégalité et de la détresse sociale, nous paraît bien surprenant. Il témoigne, à la vérité, de ce que ce pouvoir, pourtant avide de jeunisme et de modernité, a encore une vision bien archaïque de l’évolution de notre démocratie, cependant si fragile. La responsabilité d’offrir un avenir décent et un climat politique apaisé à nos compatriotes appartient aussi aux professions du Droit. C’est au prix d’une prise de conscience des classes dirigeantes des mérites qu’a la communauté des juristes, forte et unie, que nous mènerons à bon port, « le pays » vers l’avenir qui l’attend.

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