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En demandant 20 millions d’euros à Ford, la France confond protectionnisme et racket
©Reuters

Etat voyou

La France exige de Ford plus de 20 millions d’euros pour participer à la ré-industrialisation du site de Blanquefort et au reclassement des 850 emplois menacés.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Après que Ford ait finalement renoncé à participer au plan de reprise du site de Blanquefort en Gironde, le ministre de l’Economie veut présenter une facture de 20 millions d’euros au constructeur américain pour solde de tout compte. La proposition a très peu de chance d’être retenue tant elle est juridiquement fragile. Le comportement de Ford dans cette triste affaire est assez peu élégant, c'est le moins qu'on puisse dire, parce qu’il a fait croire pendant des mois qu'il y avait sans doute une solution, il a entretenu de faux espoir pour les salariés et les pouvoirs publics alors qu’il aurait dû préparer son départ et le financer.

Les recours, si recours il y a, seront juridiques mais ils donneront lieu à des procédures extrêmement longues et compliquées, qui ne correspondent pas à l‘urgence sociale et politique.

Dans le climat actuel, le ministre de l’Economie a préféré exiger un forfait de 20 millions d’euros, sans aucune autre forme de procès, en expliquant que - si Ford tenait à son image et à sa réputation, la moindre des choses serait de s’exécuter.

Personne ne sait comment Ford va réagir, parce que la procédure utilisée est quand même un peu violente même si elle répond à la violence sociale dont sont victimes les salariés.

Cette affaire, comme tant d’autres, montre à quel point le gouvernement français est désarmé face aux disfonctionnements économiques et sociaux.

Il est évident que depuis plus de 15 ans, la mondialisation accélérée de l‘économie a provoqué une mutation de l’appareil industriel. On a assisté à une spécialisation internationale des modes de production chère à Ricardo ou Adam Smith, qui s’est traduite par des délocalisations, lesquelles ont entrainé de la casse sociale dans les pays développés.

Les mouvements populistes dans la plupart des pays développés sont le pur produit de ces mutations mal gérées. Et face à des vagues de colères sociales, les gouvernements ont cédé à la tentation de se protéger. Partout dans le monde, le protectionnisme est venu entamer et limiter les propensions libérales en prenant le risque de freiner les activités et la croissance.

Il y a trois façons de se protéger et l’affaire Ford nous montre que la France malheureusement n’a pas opté pour la formule la plus intelligente et la plus efficace.

1ère forme de protectionnisme, le protectionnisme punitif et culpabilisant. C’est une pratique courante. C’est très européen.  Comme on ne veut pas toucher au pacte concurrentiel, et on a surement raison, on punit ou on menace les acteurs qui manqueraient d’égard au système dont ils ont profité. Ford devra payer 20 millions d’euros. Tout le débat sur la transition écologique fonctionne en France sur deux ressorts, la punition et l’interdiction. Les pollueurs seront les payeurs et si ça ne suffit pas, on interdira l’activité. Des décisions sont donc prises sans prendre en compte les dégâts collatéraux sur l’emploi et l’activité. Le seul intérêt de la campagne qui condamne les moteurs diesel sont purement politiques. Ils répondent à une pression des mouvements écolos sans prendre en compte la réalité des pollutions et de la casse que ça va entrainer dans le secteur. Le projet d’interdire le glyphosate avant même d’avoir trouvé des solutions alternatives va dans le même sens au détriment du secteur agricole.

La2ème forme de protectionnisme est beaucoup plus expéditive. C’est la méthode Donald Trump. On annonce des barrières tarifaires et non tarifaires et ensuite, on négocie avec ses adversaires. Au-delà des tweets vengeurs, Donald Trump réussit finalement à trouver des compromis. C’est ce qui se passe avec la Chine. Ses électeurs auront sans doute le sentiment d’avoir été trahis sur certains points, mais l’équilibre global aura été préservé. La méthode Trump ne fonctionne que dans un système commercial fondé sur des accords bilatéraux. Or le monde globalisé s’est construit sur des accords multilatéraux.

La 3e forme de protectionnisme revient à jouer le jeu de la compétitivité. En étant meilleur en rapport qualité/prix, le producteur protège ses marges et ses positions. C’est le modèle appliqué dans toute l'Europe du nord et qui a fait la fortune des Pays-Bas et surtout de l’Allemagne. Le monde entier n’achète pas des voitures allemandes parce qu‘elles sont moins chères. La planète toute entière acquière des marques de luxe françaises ou italiennes au prix du caviar, parce que ces griffes ont le meilleur avantage compétitif.

Mais en dehors du secteur du luxe, l’économie française a beaucoup de mal à relancer sa compétitivité perdue au cours des 30 dernières années. L’économie française préfère protéger son modèle social au détriment de son modèle économique.

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