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40% des nouveaux couples américains se rencontrent en ligne. Quel impact pour sur la physionomie des familles de demain ?
©Reuters

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Les chercheurs Michael Rosenfeld et Sonia Hausen de la Stanford University et Reuben Thomas de l'Université du Nouveau-Mexique ont estimé que 40% des couples aux Etats-Unis se formaient maintenant sur les sites de rencontre.

François Kraus

François Kraus

François Kraus est Directeur des études politiques au département Opinion de l'Ifop.

 

 

 

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Atlantico:  Quelle est la proportion en France de couples créés via des rencontres en lignes ? A-t-on constaté une augmentation ces 20 dernières années ?

François Kraus : 6% des personnes actuellement en couple ont rencontré leur partenaire sur un site de rencontre. C’est plus dans une ville comme Paris où c’est quasiment le double. Mais on est donc loin d’être sur une pratique majoritaire dans la population. Après, sur internet, les gens interrogés ont tendance à plus trouver leur partenaire sur les réseaux de rencontre, ce qui pour moi rend le chiffre que vous me donnez peu représentatif. On doit plus être autour de 20% aux Etats-Unis. Et 80% chez les gays. Cette tendance est facile à expliquer : plus l’usage des technologies, smartphones, et autres plateformes numériques s’intensifie, comme cela est le cas depuis plusieurs années, plus on a de chance d’avoir des rencontres sur internet ou les sites de datings.

Aujourd'hui quel est le profil sociologique type du Français s'inscrivant sur des sites de rencontre ? En existe-t-il seulement un ?

Ce qui est intéressant, c’est que les différences sociales d’accès aux sites de rencontre ont profondément reculé. Dans le temps, c’était un profile qui était assez similaire aux gens qui avaient des smartphones. Je rappelle qu’avant 2006, l’iPhone n’existait pas. A partir de là sont apparus les smartphones, et ceux qui en possédaient était des urbains, très jeunes, de CSP+, cadres, diplômés. Et c’étaient eux qu’on retrouvait le plus sur les sites de rencontre. Mais avec la généralisation des smartphones et du numérique à toutes les couches de la population, on a moins d’écart entre les cadres et les ouvriers par exemple dans les sites de rencontre. On a un investissement de ces sites par les catégories populaires, notamment parce que ce sont souvent des sites gratuits. Cela correspond aux rencontres que l’on pourrait faire dans un bar ou un bal, où le phénomène d’inhibition que l’on retrouve dans les autres situations de rencontres sont moindres.

On a vu un changement intéressant en ce que la fragmentation du marché du dating a favorisé une popularisation des sites grand public (comme Meetic) mais aussi l’apparition de sites de niche pour des Français à fort capital économique ou culturel qui constituent une sorte d’enclave et recrée une forme d’entre-soi. Pour les CSP+, c’est bien le signe qu’on n’aime pas fréquenter des gens qui ont le « même niveau ». Systématiquement, on observe des sites de match making qui recrée ce sentiment d’entre-soi et ce selon le degré d’élites qu’il concerne.

Est-ce qu'il y a donc moins de déterminisme social dans les rencontres en ligne ou au contraire a-t-on plus tendance à ne fréquenter que des gens qui "pensent comme nous" et sont issus de la même classe sociale ?

C’est un vaste débat. Il y a un biais certain dans l’utilisation des sites de rencontre. C’est une démarche de recherche de témoin qui est largement rationalisée, ce qui n’est pas le cas quand vous êtes dans un bar ou dans une fête, car là vous laissez plus de chance au « produit », le niveau d’alcoolémie pouvant bien sûr aider. Mais dans ces cas, rien ne permet de rester sur le long terme. Il y a une tendance à l’entre soi qui existe donc, car la tendance du marché fait que les gens se retrouvent autour de leurs activités culturelles, leur milieux sociaux, leurs représentations politiques, sexuelles ou autres. Cette logique de l’entre soi est permise par la facilité qu’offre internet notamment pour les minorités, religieuses, ethniques, ou sexuelles de rentrer directement en contact avec une personne de la même minorité, ce qui prendrait un temps fou dans la réalité vu le poids réel de ces minorités dans la population.

En même temps, l’utilisation de sites de rencontre peut aussi casser certaines barrières idéologiques ou géographiques parce qu’on saute les barrières de sélection qu’on pourrait trouver à l’entrée d’un club, d’une famille, d’un milieu social défini. Par exemple, les soirées de rallyes de la bourgeoisie ou de l’aristocratie montent des barrières autrement plus complexes que les sites de rencontre. Les sites de rencontre peuvent permettre des phénomènes de « déclassement » ou de « mésalliance » qu’on ne retrouverait pas dans d’autres cas, et ce grâce à ces outils qui permettent une connexion avec des personnes avec lesquelles théoriquement on ne pourrait pas rentrer en contact.

Quel rôle jouent les algorithmes dans les suggestions des profils ? 

Je ne suis pas spécialiste de ces technologies. Il y a un développement certain du match-making depuis des années, notamment sur les marchés allemands ou scandinaves, où l’on répondait à des enquêtes longues sur votre personnalité, en passant par toutes ses facettes afin de vous mettre en relation via un algorithme avec des personnes compatibles avec votre personnalité. C’est un concept qui existe encore mais qui a été balayé par les nouvelles applications à la Tinder ou à la Happen – ou Grinder pour les gays – qui ne demandent quasiment aucunes informations. Les systèmes d’algorithmes sont dès lors beaucoup plus légers (âge, géographie et quelques autres). 

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