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OPA sur la droite ? La stratégie d’Emmanuel Macron pour absorber les électeurs perdus par les Républicains
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Marche à droite

Les sondages montrent que grâce aux gilets jaunes, Macron est de retour en grâce chez les électeurs de droite

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico: Macron semble reprendre du poil de la bête, gagne-t-il de nouveaux soutiens à droite ?

Jérôme Fourquet : Dans le baromètre Paris-Match que nous avons publié il y a quelques jours, le président regagne six points de popularité mais le rebond est spectaculaire parmi l'électorat de François Fillon au premier tour de la présidentielle, il gagne la bagatelle de 18 points, passant de 41 à 59%. Si on raisonne en arrondis on avait 40% d'approbations en février et 60% maintenant, on passe de 40-60 à 60-40, 20 points c'est énorme, nous sommes près du cœur nucléaire de l'électorat de droite puisque ce sont ceux qui étaient restés fidèles à Fillon au premier tour de la présidentielle. Fillon au premier tour de la présidentielle c'était 20%, donc on n'est pas sur le centre-droit qui avait massivement voté pour Macron. Au cœur de l'électorat de droite on a donc 60% de satisfaits, avec un rebond de 18%. On a également une progression très significative de l'ordre de 20 points chez les artisans et commerçants, qui sont fortement pénalisés depuis des semaines par la crise des gilets jaunes et qui constituent souvent une clientèle traditionnelle de la droite.

Donc le principal enseignement de cette remontée, c'est que à l'occasion de la sortie de crise du mouvement des gilets jaunes (via le discours des vœux qui s'inspirait du discours de Charles de Gaulle en 1968), à l'occasion de mesures fermes vis-à-vis des manifestants sur le terrain, le vote de la loi anti-casseurs, du fait que Macron ait repris sa tournée sur le terrain en allant voir les maires ruraux, les élus, la France périphérique également, tout cela constitue autant de signaux envoyés à l'électorat de droite. A ses débuts, le mouvement des gilets jaunes, qui était avant tout perçu comme une révolte antifiscale, contre le matraquage fiscal, bénéficiait d'un soutien très large de l'électorat de droite. Mais à partir de « l'acte III » de ce mouvement, notamment quand des policiers ont été roués de coups, les beaux quartiers vandalisés, l'Arc de triomphe souillé, des magasins pillés ou détruits, l'électorat de droite s'est retourné.

Ce retournement n'a cessé de s'amplifier au fil des semaines et c'est là-dessus qu'Emmanuel Macron a joué pour tenter de s'adresser à cet électorat-là. Ce rapprochement entre une partie de l'électorat de droite et la majorité présidentielle à l'occasion de la crise des gilets jaunes s'incarne aussi dans la personnalité d'Alain Juppé, figure historique de la droite française, qui était resté assez discret dans son soutien à Emmanuel Macron (sur la question de l'Europe par exemple) notamment depuis l'affaire Benalla. Alain Juppé a de nouveau fait mouvement vers la majorité présidentielle à l'occasion du mouvement des gilets jaunes. Juppé a opéré un rapprochement, on se rappelle qu'il a été médiatisé opportunément qu'il était en retard de plus de deux ans de cotisations de LR (début janvier) et donc qu'il n'en faisait plus partie. Ce n'est pas un hasard, on a de nouveau des rapprochements en cours.


Quelle stratégie électorale s'offre à Macron ? Doit-il capitaliser sur le soutien d'une partie de la droite ou bien regarder à gauche ?

L'électorat de Macron comporte beaucoup de gens qui viennent de la gauche, c'est son socle initial, avec des centristes et une partie de l'électorat de centre-droit. Cet électorat de gauche est divers : on a un électorat très « macronien » qui a quelque part fait son coming out libéral à l'occasion de cette élection et n'est pas déstabilisé par cette politique, car il s'y retrouve. A côté de lui, on a au moins deux autres composantes d'électeurs de gauche. Premièrement, un bloc assez ancré dans ses convictions, qui s'est mordu les doigts quelques mois après l'élection, qui ne s'est pas du tout retrouvé dans la politique menée, avec sentiment de trahison, qui a repris sa liberté qui ne soutient plus Macron, les écologistes font par exemple un score non négligeable dans les sondages et font partie des déçus précoces du macronisme. Enfin, un segment pas très à l'aise avec la politique menée mais qui considère qu'il n'y a pas d'alternative à gauche. La fragmentation fait que les différentes figures de gauche apparaissent comme un rang d'opposants insignifiants, ça n'incite pas a reconstruire quelque chose.

On considère à l’Élysée que cette érosion a eu lieu et que cette fuite quelque part a été cautérisée, mise sous contrôle, ceux qui devaient partir étant partis situation stabilisée sur le flanc gauche, tant qu'il n'y a pas d'offre alternative ou d'union à gauche on fait parti qu'il ne se passera rien dans électorat de ce côté là. Pour compenser les pertes à gauche et élargir le socle électoral, il faut aller vers la droite modérée (et pas le centre droit qui est déjà macronisé). Il faut aller plus loin et terminer le travail de la présidentielle où il y avait deux partis de gouvernement, le PS dynamité et la droite fracturée qui a fait 20%. Depuis l'élection, on voit la domination d’Édouard Philippe, la domination de ministres de droite à Bercy, et nombreux signaux envoyés vers la droite modérée. On considère donc que dans la perspective des européennes – puisque toute une partie de la droite est pro-européenne et que LR est sur une ligne assez eurosceptique – et avec le contexte très particulier de la sortie de crise des gilets jaunes, il y a de nouveau des zones de convergences et des points d'attraction possible pour capter une partie de l'électorat de droite modérée. Une prise de guerre qui serait décisive en terme de symboles pour Macron, ce serait Alain Juppé.

Pour les électeurs de droite : le choix de Macron est-il contraint ou peut-on parler d'un vote d'adhésion ?

Jérôme Fourquet : Sans doute un peu des deux, on parle de choix électoral, vote toujours choix concurrentiel, assurément des éléments qui suscitent l'intérêt ou l'attraction à droite venant de Macron : stature présidentielle, discours européen, un certain nombre de réformes et l'autorité républicaine et la sauvegarde des institutions. Ce n'est pas maigre, ça fait un corpus assez important pour expliquer que toute une partie de l'électorat de droite peut se laisser aller à voter pour Macron. Ces transferts seront d'autant plus importants qu'on aura encore présent à l'esprit les troubles liés à la crise des gilets jaunes, la droite détestant par dessus tout le désordre, le dirigeant du parti au pouvoir incarne l'ordre et la stabilité des institutions. L'hémorragie de la droite sera d'autant plus forte que la droite ne parviendra pas à incarner ou engendrer une forme de dynamique, si elle se recroqueville sur elle-même, si elle ne parvient pas à trouver le bon ton vis-à-vis de Macron, l'électorat de droite risque de se dire : on est de droite mais sur l'Europe et sur les institutions, quelque part Macron c'est pas si mal, on va lui donner sa chance et le soutenir. Une partie basculera de manière convaincue, l'autre de manière un peu résignée, mais le soir du scrutin vous ne triez pas les bulletins, les gens qui ont voté pour vous ont donné leur voix.

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