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Gilets jaunes : la victoire de l’e-démocratie ?
©Zakaria ABDELKAFI / AFP

Bonnes feuilles

François-Bernard Huyghe, Xavier Desmaison et Damien Liccia publient "Dans la tête des Gilets jaunes" (VA Press). Cet ouvrage apporte un éclairage sur le mouvement des Gilets jaunes et analyse la crise d’identité qui oppose la France dite périphérique aux élites politiques ou médiatiques. Ce livre offre le premier éclairage sur la façon dont les réseaux sociaux donnent un visage et des armes symboliques à ceux qui étaient auparavant invisibles. Extrait 2/2.

Xavier Desmaison

Xavier Desmaison

Xavier Desmaison est CEO d’Antidox, groupe de conseil en stratégie de communication. Il est maître de conférences à Sciences Po où il enseigne les stratégies de communication d’influence et e-influence. 

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François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Aux manifestations physiques (blocages, manifestations, pétitions, tractages...) s’ajoute une dimension digitale, que n’ont pas manqué de relever les observateurs du mouvement. Les groupes et les pages Facebook dédiés aux Gilets jaunes ont particulièrement attiré l’attention. S’y développent, en effet, des configurations d’opinion, conversationnelles et organisationnelles qui rentrent difficilement dans les cadres habituels des mouvements sociaux. Une partie des revendications des Gilets jaunes ne sont pas liées à l’actualité récente, et entretiennent un lien plus ou moins relâché avec les réseaux sociaux. Les enjeux liés à la fracture territoriale et à la mobilité en particulier s’expriment depuis longtemps, en témoignent le mouvement des « Bonnets rouges » à l’automne 2013, ou l’impopularité des « 80 km/h » dans la France rurale. Pour autant, l’expression de ces mécontentements n’avait jusque-là pas abouti à la formation d’un mouvement social généralisé sur le plan national. 

Au-delà de l’augmentation des taxes sur les carburants, les conditions d’émergence du mouvement ont ainsi été permises, en partie, par la mise en place d’un nouveau cadre conversationnel digital. Originellement destinées à favoriser les interactions entre personnes réelles et à relancer l’engagement déclinant sur Facebook, les nouvelles règles de fonctionnement de la plateforme renforcent la visibilité des contenus personnels et communautaires au détriment des pages de médias et, par capillarité, les « bulles de filtre » au sein de cercles proches. L’influence prise par le réseau social de Mark Zuckerberg dans le débat public converge en effet avec une forme antérieure de rejet des corps intermédiaires de la part d’une frange de la population française. Celle-ci est perceptible depuis longtemps à travers la montée de l’abstention, le déclin du syndicalisme ou encore la défiance à l’égard des médias – qui ne signifient pas pour autant un désintérêt des Français à l’égard de la politique. Dans une certaine mesure, les réseaux sociaux et en particulier les groupes et les pages Facebook ont ainsi pu se substituer aux cadres traditionnels du débat social et politique en France, en offrant des chambres d’écho et de nouvelles manières de s’organiser aux Gilets jaunes. 

Pour autant, il ne faut pas incriminer l’algorithme de Facebook dans les différentes phases du mouvement ni faire une analyse de ce phénomène social et idéologique en termes de techno-déterminisme seulement. S’il faut logiquement souligner le rôle joué par Edgerank, l’algorithme de Facebook, il ne faut pas pour autant tomber dans l’écueil visant à accorder à la dimension technique, voire techniciste, du mouvement une causalité explicative de son développement. Le narratif co-construit de manière ambigu, erratique et paradoxal avec le monde médiatique - et nous faisons ici référence aux passages médias de « porte-paroles » des Gilets jaunes sur le plateau de Cyril Hanouna ou sur les chaînes en continu type BFM TV, LCI ou encore CNews - a joué un rôle tout aussi déterminant dans la médiatisation et l’influence du mouvement, ainsi que dans sa capacité à toucher d’autres segments de la population par-delà son écosystème originel.   

Extrait du livre "Dans la tête des Gilets jaunes" de François-Bernard Huyghe, Xavier Desmaison et Damien Liccia, publié aux éditions VA Press. 

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