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Digne de James Baldwin
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Cette adaptation d'un roman de l'un des écrivains afro-américains les plus révérés dans le monde, est une réussite, car elle dépasse la charge primaire contre le racisme pour proposer une histoire originale, réaliste et poignante, brillamment racontée.

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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CINEMA

« Si Beale Street pouvait parler »  

de  Barry Jenkins

avec Kiki Layne, Stephan James, Colman Domingo…

RECOMMANDATION : EN PRIORITE

THEME

Dans les années 70 à Harlem. Tish et Fonny, deux jeunes afro-américains s’aiment depuis toujours. Alors qu’ils s’apprêtent à se marier car Tish attend un enfant, Fonny est arrêté par un flic raciste et incarcéré pour un viol qu’il n’a pas commis. Aidée par sa famille, Tish va s’engager dans un combat acharné pour prouver son innocence et le faire libérer. Mais…

POINTS FORTS

- Pour son nouveau film, Barry Jenkins a choisi d’adapter un roman de  James Baldwin, l’un des intellectuels afro-américains  parmi les plus révérés dans le monde, qui se trouve être, aussi, son écrivain préféré. Ce n’est pas par hasard que le cinéaste a retenu Si Beale Street pouvaitparler. Car s’il dénonce  le racisme de la société américaine - comme toutes les autres œuvres de son auteur - ce roman le fait par le biais d’une histoire d’amour déchirante, de la force et de la pureté de celle que Shakespeare avait inventée pour son Roméo et Juliette. Une particularité qui permettait au créateur de Moonlight  de réaliser un film hautement romantique –comme il les aime- sans occulter la difficulté d’être noir en Amérique.

- Mêler, dans un même film,  manifeste politique et  tragédie personnelle... Pour que l’un n’empiète pas sur l’autre de façon abrupte, il fallait que le scénario soit aussi habile que subtil. Il l’est, parce que Barry Jenkins pourtant homme de convictions et de courage, déteste la violence, la colère et leurs débordements. Même si, ici, il n’a pu échapper à quelques séquences spectaculairement plus « rudes », il montre les injustices et les iniquités avec le plus de retenue possible. C’est cette sobriété de ton qui rend son film si bouleversant.

- L’histoire de Tish et de Fonny date d’il y a cinquante ans, mais elle paraît avoir été écrite aujourd’hui tant elle semble raconter la période Trump. En Amérique aussi, l’histoire se répète…

- A causse de son sujet, d’aucuns pourraient penser que Jenkins signe un film sombre, voire noir. Il est au contraire baigné de couleurs chaudes, d’une grande beauté formelle

Evidemment sa distribution est impeccable. 

POINTS FAIBLES

Mis à part un portrait un peu trop caricatural du flic qui accuse Fonny, je n'ai remarqué aucun point faible.

Certains pourront reprocher à ce film la lenteur de son rythme; les autres (dont je suis) diront que cela ajoute à sa capacité d'envoûtement.

EN DEUX MOTS

En 2017, son Oscar pour Moonlight l’avait brutalement fait sortir des placards d’Hollywood… Avec ce splendide et poignant Si Beale Street pouvait parler (encore trois nominations aux Oscars 2019 !), Barry Jenkins confirme qu’il est bien l’un des réalisateurs les plus doués de sa génération, l’un des plus singuliers aussi. Car,  aujourd’hui, on compte sur les doigts d’une main  les cinéastes qui, comme lui, prônent l’humanisme, la bienveillance et la tendresse pour combattre les injustices et les horreurs du monde.

UN EXTRAIT

« J’ai le sentiment que la puissance de James Baldwin tient en partie au fait qu’il touche beaucoup de gens. On peut tous être émus par les phénomènes qu’il évoque. On pourrait dire que son écriture est universelle, mais je ne le formulerai pas ainsi. Ses livres étaient d’une grande force parce qu’il puisait son inspiration de plusieurs sources. Il a vécu à  Harlem, en France et en Turquie, et ce parcours…a donné lieu à un regard unique dont on peut seulement dire qu’il le caractérise ». (Barry Jenkins, réalisateur)

LE REALISATEUR

Diplômé de la Florida State University,  Barry Jenkins, né  à Miami le 19 novembre  1979, réalise son premier long métrage, Medicine for Melancholy, en 2009. Bien que son film soit alors salué par le New York Times comme l’un des meilleurs de l’année et qu’il soit nommé pour plusieurs prix, dans les années qui suivent, le réalisateur trentenaire n’arrive à concrétiser aucun de ses projets. Il quitte donc  provisoirement  le métier pour devenir, d’abord charpentier, puis patron d’une agence de pub. C’est en écrivant des scénarios pour la série The Leftovers, qu’il va revenir au cinéma.

En 2015, il co-écrit avec Tarell Alvin McCraney , Moonlight, puis le réalise…

C’est la fin de son purgatoire : ce film, sorti en 2016 obtient huit citations aux Oscars 2017 et décroche  celui  du meilleur film . Il remportera aussi de nombreux autres prix dont le British Independent Film Award.

SiBeale Street pouvait parler est le troisième long métrage de ce cinéaste désormais très courtisé, qui est par ailleurs devenu conservateur au Telluride Film Festival et membre de United States Artists Smith.

ET AUSSI

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-« Minuscule 2- Les mandibules du bout du monde » d’Hélène Giraud et Thomas Szabo- Film d’animation.

Quand le froid arrive, il devient urgent de faire des provisions pour l’hiver. Mais quand on appartient au monde des « minuscules », cette opération n’est pas sans risque. La preuve, une petite coccinelle va se retrouver malencontreusement  piégée dans un carton en partance pour les Caraïbes. Son coléoptère de père, mais aussi une fourmi et une araignée, vont se démener pour la sauver. Quel voyage ! Quelles aventures !

Chic ! Voilà sur le grand écran la suite d’un film d’animation  épatant  qui était sorti dans plus de 50 pays, avait rassemblé  plus de cinq millions de spectateurs de tous âges et s’était vu décerner en 2015 le César du meilleur film d’animation..

 Grâce à la magnificence de la région où il se déroule, ce numéro 2- 100% français-  est encore plus bluffant que son ainé, plus profond aussi car , sous la poésie et l’inventivité de son écriture visuelle, on y traite, mine de rien, d’écologie, d’entraide et d’amitié. On craque d’autant plus pour ce film d’aventures sans aucun dialogue, qu’il  est porté par une musique sublime, signée Mathieu Lamboley. 

Recommandation : excellent

-« Sorry to Bother You » de Boots Riley- Avec Lakeith Stanfield, Tessa Thompson…

Attention, accrochez-vous !  Voilà un film hors norme,  à la fois barré, drôle, grinçant, subversif et rageur comme  on en voit peu souvent sur les écrans !

De quoi s’agit-il ? De la  fulgurante ascension sociale de Cassius Green, un petit démarcheur téléphonique noir qui, après avoir fait des débuts assez minables, découvre une méthode magique pour faire gagner beaucoup d’argent à son entreprise et en est récompensé par des royalties pharamineuses. Sa méthode est  simple comme bonjour : pour obtenir la confiance de ses clients, il prend  la voix d’un blanc BCBG. Alors que ses collègues du bas de l’échelle se rebellent contre leurs misérables conditions de travail, lui franchit tous les échelons de la hiérarchie et finit par atteindre le Saint des Saints : la direction de l’entreprise. Il va vite  découvrir qu’elle recèle un secret, terrible et stupéfiant…

Pour son premier film, le rappeur Boots Riley n’y est pas allé de main morte. En un seul  opus de 1h45, il a trouvé le moyen de  signer une comédie sociale qui dénonce à la fois les dérives du capitalisme galopant, la corruption des sphères du pouvoir, et l’esclavagisme dans les entreprises, le tout, sous-tendu par une dénonciation du racisme plus que rampant dans l’Amérique actuelle. Ajouter que ce cinéaste pourtant débutant a tourné son scénario en empruntant aux mises en scènes de deux réalisateurs hors pair, Michel Gondry et Charlie Kaufman. Evidemment, forme et fond, son film décoiffe.

Pourtant ovationné au festival de Sundance  Sorry to bother you a failli ne jamais arriver sur les écrans français, les distributeurs européens le jugeant d’un casting trop « afro-américain » pour le public européen ! Universal a fini par relever le gant. Tant mieux.  

Recommandation : excellent.

-« Pearl » d’Elsa Amiel avec Julia Föry, Peter Mullan…

Après des années d’entraînement, de privations et d’humiliations infligées par son amant de coach, Julia, championne de culturisme, s’apprête à concourir, sous le nom de Léa Pearl, pour le prestigieux titre de Miss Heaven. Mais à quelques heures de la finale, Ben, son ex-mari, débarque en compagnie de leur fils qu’elle n’a pas vu depuis 4 ans. Elle va en être chamboulée.

Pour son premier film, Elsa Amiel  -actrice et assistante de réalisation sur de nombreux longs métrages- nous entraîne dans les coulisses d’un monde peu représenté au cinéma : celui des bodybuildeuses, dont les corps surdimensionnés attirent autant qu’ils repoussent. La cinéaste filme son héroïne (l’étonnante Julia Föry),  presque tout le temps  en gros plans, comme si, sous l’apparence costaude de celle-ci, elle cherchait à en débusquer la vulnérabilité. Pearl est un premier film. On pardonne ses maladresses scénaristiques tant il bouleverse, aimante le regard.

Recommandation : bon

-« L’Intervention » de Fred Grivois- Avec Alban Lenoir, Olga Kurylenko…

 Février 1976, à Djibouti, dernière colonie française. Des terroristes prennent en otage un bus d’enfants de militaires français et s’enlisent à quelques mètres de la frontière avec la Somalie. Pour débloquer la situation, la France envoie une unité de tireurs délite de la gendarmerie.

Aussi hétéroclite qu’indisciplinée, cette équipe va pourtant marquer la naissance du fameux GIGN…

C’est donc en s’inspirant de faits réels (et passionnants) que Fred Grivois (La Résistance de l’air en 2015) a signé son nouveau film. Un film de genre tendu et maitrisé, musclé par un montage efficace dont le cinéaste, ancien monteur devenu fils de pub et de clips, a le secret. Alban Lenoir est formidable.

Recommandation : bon.

-« Les Estivants » de Valeria Bruni Tedeschi- Avec  Valeria Bruni Tedeschi, Valeria Golino, Pierre Arditi…

Plaquée par son acteur de compagnon, Anna part écrire son nouveau film dans la sublime propriété que sa famille possède sur la Côte d’Azur. Elle va y retrouver notamment sa mère, son beau-frère et aussi quelques amis branchés qui traînent là leur oisiveté et  leur spleen, en passant leur temps, entre deux baignades, à disserter, vainement, sur le monde.  En clin d’œil à Maxime Gorki, cela s’intitule les Estivants. Mais sous la référence théâtrale, on voit bien qu’il s’agit, comme d’habitude maintenant avec la cinéaste, d’un film plus ou moins autobiographique. Elle s’y met en scène, avec ses névroses, ses défauts, ses difficultés d’être, son hypersensibilité et même, par moments, son hystérie. Son film est parfois trop bavard, mais il est  presque tout le temps brillant et drôle, et, quoi qu’il en soit, toujours spontané, inattendu, sur le fil de l’émotion. La distribution en tête de laquelle on découvre  la réalisatrice en personne et Pierre Arditi, est impeccable.  

Recommandation : excellent.

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