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Emmanuel Macron surestime-t-il sa capacité à retourner la salle ?
©PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP

Master of ceremony

A Bourgtheroulde, à défaut de rencontrer les Gilets jaunes, Emmanuel Macron a tenté de convaincre un parterre d'élus.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Emmanuel Macron arrivera-t-il à retourner l'opinion en sa faveur avec le Grand Débat qui tient du "seul contre tous"? L'exercice auquel il s'est livré devant quelque six cent maires de Normandie avait quelque chose de bluffant, tant par sa durée que par la précision des réponses apportées à ces édiles venus déposer les premiers Cahiers de Doléances, et s'en faire les porte-voix, mêlant les récriminations de leurs administrations à leurs propres tracas  d'élus. Car cette réunion marquait le lancement du Grand Débat, une séquence imaginée pour tenter de venir à bout de la crise née du mouvement des Gilets Jaunes qui secoue la France depuis le mois de novembre. Le Chef de l'Etat voudrait que cet exercice (- qu'il va reproduire dans toutes les régions), soit le prélude à "l'Acte 2 du mandat", manière de reconnaître que le quinquennat est actuellement en panne. Positivant, il pense et espère que "Nous pouvons faire du moment que traverse la France une chance".

Après avoir écouté les interventions des édiles de communes de l'Eure, de Seine-Maritime, de l'Orne, on imagine que la synthèse qui, dans deux mois consignera les doléances au plan national, ressemblera beaucoup à celles qu'ont exposé les maires ruraux normands: des problèmes liés à l'éloignement de grands centres urbains, avec l'absence de transports en commun, de l'absence de soins médicaux de proximité liés aux départs en retraite d'une génération de médecins généralistes qui ne trouvent pas de successeurs ou à la fermeture de maternités ; des problèmes budgétaires provoqués par la baisse des dotations de l'Etat, des tracas administratifs de tous ordres engendrés  par la loi NOTRe (sur les collectivités territoriales votée sous le mandat de François Hollande ). Une quarantaine d'interventions réparties en deux séquence de questions. A son arrivée Emmanuel Macron avait prévenu l'assistance:" J'ai tout mon temps". Il l'a pris, bien au delà de ce qu'on attendait puisqu'il a pris la parole pendant près de  trois heures au cours de cette séquence qui  a duré de 15H à 22H30. Toujours dans le registre de la séduction, percutant, sans jamais se départir  de son style direct ("Je suis comme ça, je ne changerai pas "), alternant humour et autodérision "On veut toujours trouver un coupable...j'ai le sentiment de remplir ce rôle, et je l'assume", et  sans démagogie lorsqu'il refuse de se prononcer contre la fermeture de la  maternité de Bernay, en lançant au maire : "Je ne suis pas sur que vous enverriez votre épouse accoucher dans cette maternité". Tout en affirmant que l'ISF n'est pas un "tabou, ni un totem", il en conteste le rétablissement avec une réplique qui fera date "Il ne faut pas raconter de craques, c'est pas parce qu'on rétablira l'ISF que les gilets jaunes iront mieux, c'est de la pipe", et concède que la suppression de l'ISF doit être "évaluée, et si les mesures sont contre-productives, elles seront corrigées". Il se veut pragmatique face aux protestations contre les 80km/heure  qui décidément ne passent pas dans les campagnes: la mesure sera elle aussi "évaluée". On cherche la porte de sortie. Questionné sur le Référendum d'Initiative Citoyenne , il a (déjà), livré son point de vue -négatif :"si on revient tous les matins sur ce que les parlementaires ont déjà voté,  le référendum d'initiative citoyenne tue la démocratie parlementaire" , lance-t-il, tout en reconnaissant qu'une "réflexion sur nos différentes formes de démocratie" avait sa place dans le Grand Débat. Celui-ci ne fait que commencer et ses contours sont encore flous. En multipliant les réunions avec les maires, Emmanuel Macron arrivera vraisemblablement à se réconcilier avec une partie de ces corps intermédiaires auxquels il a apporté si peu de considération depuis son arrivée à l'Elysée. Mais ces rencontres seront-elles suffisantes pour recréer du lien avec les Français dans leur ensemble? Et surtout, en apportant des réponses précises au fil des réunions organisées dans les régions, Emmanuel Macron  laisse-t-il encore de la place aux discussions dans les Mairies ou les Salles des Fêtes ? Avec ces rencontres multiples , il conforte l'idée que le Grand Débat ne peut  se dérouler qu'avec lui seul, voire qu'il  est déjà forclos , laissant le champ ouvert à ceux qui en contestent l'utilité.

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