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Pourquoi vous devriez (aussi) vous désencombrer dans votre vie digitale
©David Becker / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Il n’y a pas que les placards à vider

Le "digital hoarding", comportement consistant à conserver toute photo, mail ou objet numérique. Mais quels mécanismes nous poussent à cette attitude presque pulsionnelle ?

Michael Stora

Michael Stora

Michael Stora est l'auteur de "Réseaux (a)sociaux ! Découvrez le côté obscur des algorithmes" (2021) aux éditions Larousse. 

Il est psychologue clinicien pour enfants et adolescents au CMP de Pantin. Il y dirige un atelier jeu vidéo dont il est le créateur et travaille actuellement sur un livre concernant les femmes et le virtuel.

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Atlantico : Quels types de mécanismes entrent en jeu dans le "digital hoarding" ?

Michael Stora : Cela correspond à un concept existant déjà, la difficulté à se séparer. Dans notre smartphone se trouve une mémoire affective puissante : messages échangés, photos de ses enfants… L'image du smartphone permet de combler à certains moments un sentiment de solitude. J'avais évoqué le smartphone comme un "doudou sans fil", car le rôle d'un doudou est de pallier une absence. Ça peut être terriblement addictif, d'autant plus avec la sensorialité du tactile qui rajoute cette idée d'emprise, de contrôle. On peut imaginer que pour certains, effacer une photo correspond à couper un lien.

Lorsqu'il s'agit de changer de téléphone, on peut être confrontés à la perte de photos et l'on remarque bien que la personne est confrontée d'une façon violente au fait de déchirer une partie de soi.

En quoi est-ce particulièrement lié au numérique et à ses évolutions technologiques ?

Une chose intéressante que l'on a actuellement est le cloud. Le cloud nous permet de se dire que rien n'est jamais perdu et nous permet de rester toujours connectés, de garder en mémoire dans ce nuage immatériel tout ce qu'on souhaite. Dans le fonctionnement psychologique de base, cela correspond à ce qu'on qualifie de comportement "obsessionnel". Cette obsession de la rétention, cette "constipation" qui nous pousse à garder à tout prix sa mémoire pallie l'angoisse de s'affranchir de ça.

On peut également être confronté à l'inverse. J'ai travaillé sur la question du deuil et dans ce domaine, certains peuvent vouloir repousser cette mémoire et "déchirer" les photos de l'être aimé. On peut donc vouloir rompre ce souvenir affectif virtuel qui est toujours là.

Ces pulsions de rétention de la mémoire, faut-il s'en affranchir et comment pourrait-on le faire ?

Ces pulsions "d'autoconservation" numérique dépendent de chacun. Nous avons des mécanismes de défense qui nous sont propres, tout le monde n'a pas un rapport fétiche aux objets, aux photos. Actuellement, avec des photos qui paradoxalement ne sont pas en papier mais immatérielles, nous pouvons avoir l'impression que les supprimer revient à les détruire physiquement.

Je ne cherche pas à donner de conseils mais il faut tout de même raison garder. Nous ne sommes pas dans un mécanisme pathologique. Mais l'on pourrait dire que la personne concernée se retrouve forcée à accepter quelque chose de l'ordre de la séparation. Il faut comprendre que ce n'est qu'une image, chose qu'il faut replacer dans son contexte : cette problématique de tout photographier.

Si quelque chose n'est pas photographié, il n'existe pas. Garder cela en mémoire virtuelle, c'est garder quelque chose de sa mémoire sensorielle. Nous gardons avec beaucoup plus de sensibilité, voire de puissance, ce que l'on photographie.

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