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Du Gabon en RDC, le continent africain au bord de l’explosion ?
©Steve JORDAN / AFP

Coup d'Etat

Lundi sept janvier, un coup d'état a été stoppé au Gabon. Résultat : sept putschistes arrêtés, deux autres tués.

Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy est enseignant en géopolitique à l'Université Catholique de Lille, à l'Institut Supérieur de gestion de Paris, à l'école des Hautes Études Internationales et Politiques. Il est également président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). 

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Atlantico : Ce lundi, une opération militaire ayant les contours d'un coup d'Etat a eu lieu à Libreville. Par ailleurs, les résultats des élections en RDC n'ont toujours pas été dévoilés. Est ce des phénomènes spécifiques à chaque pays ou est-on à la veille d'une instabilité sur le continent ? 

Emmanuel Dupuy : Il faut bien différencier les deux évènements. Premièrement, ce qu'il s'est passé à Libreville s'apparente à un coup d'état particulièrement amateur, et qui correspond, me semble-t il à l'archétype même de ce qu'il ne faut surtout pas faire dans un pays comme le Gabon ou dans n'importe quel pays africain, si tant est que l'on puisse légitimer un coup d'état. On ne prend plus le pouvoir en s'attaquant uniquement à la radio nationale du pays et donc en émettant un bulletin dont on sait forcément qu'il sera remis en cause et que la première réponse sera le blocage de l'Internet. 

Je crois que de ce point de vu là, on a assisté à une tentative extrêmement maladroite de coup d'état. Ce que cela révèle, c'est que l'instabilité liée à l'absence de pouvoir à la tête du pays, avec la maladie du président Ali Bongo Ondimba pèse très lourdement sur la crédibilité du Gabon et pèse très concrètement sur la stabilité à la fois politique et institutionnelle mais aussi économique alors même que le président est à la tête de la communauté économique des états d’Afrique centrale.

Cette particularité du Gabon est liée à un processus électoral qui, évidemment, a été reconnu par une partie de l'opinion publique et par un certain nombre d'états et pour lequel l'absence même de celui qui a été élu en 2016 pose un problème, par rapport aux changements constitutionnels qui sont advenus au lendemain de son AVC. 

En ce qui concerne la RDC, c'est une toute autre thématique. Nonobstant les velléités de changer de constitution, on voit bien que ce que cherchent avant tous les chefs d'Etats et de gouvernements en place, c'est évidemment de se maintenir au pouvoir, d'une façon ou d'une autre. La candidature d'Emmanuel Ramazani Shadary n'est rien de plus que la continuité de Joseph  Kabila, qui ne peut représenter pour le moment et qui se représentera de toute façon à l'occasion de la fin de l'éventuel mandat de son poulain. 

De ce point de vue là, la question de la RDC s'apparente plus à une lente décrépitude du pouvoir alors même que ces élections ont été moultes fois repoussées. Cela montre à quel point il y a une forme de hiatus de plus en plus évident entre les différentes forces vives, entre une société civile qui  est organisée avec des mouvements, qui sont légitimés par leurs actions et par le charisme de leurs leaders. On pourrait d'ailleurs remonter en 2015, avec le mouvement citoyens au Burkina Faso. Il y a là une société civile de plus en plus consciente et qui est de plus en plus reconnue comme un acteur politique au delà des frontières. 

C'est le cas notamment avec la nomination du docteur Denis Mukwege comme prix Nobel de la paix, il y a encore quelques semaines. On voit bien que se joue là un jeu qui dépasse largement la RDC.

Quelles vont être les conséquences de la situation actuelle et des processus électoraux actuels pour le continent africain ?

Tout dépendra de la manière dont la communauté internationale et la communauté régionale au niveau panafricain va réagir. Évidemment, si l'ensemble des signaux indiquent que le candidat du pouvoir n'a aucune chance d'être élu et que nonobstant cela, la communauté internationale valide ce processus, comme pourrait le laisser penser le blocage de la résolution de l'ONU par le fait du veto russe et chinois ;  cela pourrait avoir des conséquences par rapport à une instabilité qui deviendrait hélas meurtrière et qui délégitimerait la démocratie représentative au profit d'une forme de rapport de force qui se jouerait dans la rue. 

On parle là, d'un pays dans lequel les violences sont récurrentes et dans lequel, depuis plus de 25 ans maintenant, la communauté internationale a estimé nécessaire d'y implanter une force onusienne. On voit bien que la déflagration ne sera fera pas seulement en RDC, mais dans tous les pays du voisinage et on sait l'impact que cela pourrait avoir sur la stabilité des républiques centrafricaines.  On pourrait imaginer l'impact que cela aurait au vu des connexions entre les mouvement rwandais à l'est de la RDC, on voit bien que la question des grands lacs pourraient être relancée si d'aventure le processus électoral été bafoué. Ce qui se joue c'est la réalité et la crédibilité des futures élections sur le continent africain.


Que peuvent faire les états africains et la communauté internationale pour éviter que cette situation ne s'envenime ?  


Elles peuvent être très vigilantes, comme cela a été le cas avec l'ensemble des missions d'observations. Elles doivent par ailleurs 'être cohérentes entres elles, et ne doivent pas proposer des discours qui sont contraires, selon les intérêts des uns et des autres. Il doit y avoir une coopération entre les pays européens, qui ne doivent pas prendre de positions différentes selon les intérêts économiques des uns et des autres. On sait par exemple que l'Espagne a des intérêts économiques importants en RDC, au même titre que la France. 

Il faut également qu'il y ait une cohérence avec la très forte vigilance de la part des Etats-Unis, qui ont parfaitement compris que, s'ils ne remettaient pas un pied dans cette région du monde, ils seront prochainement remplacés par la puissance émergente qu'est la Russie, qui a par ailleurs, signé un certain nombre d'accords de défense en mai 2018.

Il se joue là non seulement une partition régionale, mais également l'influence de puissances émergentes telles que la Russie ou la Chine. Il faut donc qu'il y ait une conscience collective de ce qui se joue par le biais du multilatéralisme, mais aussi par le biais de la capacité d'action des puissances émergentes.

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