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Du mélenchonisme appliqué aux bourses mondiales : la convergence des chutes
©SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

La lutte finale

Pourquoi assiste-t-on à cette dégradation généralisée de l'écosystème boursier ? Et comment en sortir ?

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Le Mélenchonisme appliqué aux bourses mondiales ? Pour détruire le capitalisme et ses excès ? Ou pour nous pousser à plus de courage, d’analyse et de coopération ? A voir. Ce qui est sûr, c’est qu’iI ne faut pas énerver Donald Trump et augmenter les taux courts américains, quand il veut qu’ils se stabilisent ! On aura reconnu ici ses violentes critiques contre Jerome Powell, le patron de la Banque centrale américaine. Le voilà en passe de devenir son pire ennemi, alors qu’il l’a choisi pour le poste ! Sous les cris de Donald Trump, le Nasdaq perd 7 %, le Dow Jones et le S&P 9 %, pour l’essentiel en fin d’année. La faute à Powell ! Mais ce n’est rien par rapport à ce qui arrive aux autres, menacés de pire encore. Il ne faut pas lambiner pour s’armer quand on est le Japon, ni fréquenter autant la Chine : Nikkei – 12 %. Il ne faut pas hésiter à quitter l’Union européenne, quand on a voté le Brexit : FTSE – 14 %. Il ne faut pas que le jeune Macron continue ses critiques et discours pro-multilatéraux : CAC 40 – 13 %. Il faut que les Mercedes cessent de franchir l’Atlantique pour rouler à New York, ou bien qu’elles soient faites à Détroit : DAX – 21 %. Enfin, il faut que la Chine baisse ses droits de douane, cesse de manipuler le yuan et de voler les idées américaines : Shanghai : -22 %.

Bien sûr, le tweet de Trump ne peut, ni ne fait tout. Les bourses mondiales ne sont pas (entièrement) à son service. Mais ce tweeteur vociférant est, avouons-le, assez bien secondé par les robots électroniques responsables de trois quarts des transactions. Ils accentuent ses moindres invectives. Mais il leur faut quand même une base de départ.

Quelle est donc cette « base » qui accentue les effets des tweets trumpiens ? Une idée : l’économie mondiale va ralentir. Et nous ne savons pas qui descendra, jusqu’où, ni comment chacun s’en sortira. D’où les inquiétudes de tous.

Donc, d’abord, la convergence des chutes boursières, c’est le ralentissement économique prévu et « accepté » par tous. Il vient pour une bonne part de la cassure des échanges mondiaux, avec une nette responsabilité politique américaine. On peut débattre des raisons de cette politique (soutenir la prééminence des États-Unis, freiner la Chine, conduire les « alliés » à se prendre plus en main…), mais l’effet est là.

Ensuite, puisque ce ralentissement mondial vient d’une tension politique majeure, il peut empêcher de recourir à la solution de la crise financière précédente : la coopération monétaire des puissances capitalistes. C’est elle qui a évité la catastrophe en 2007-2008, avec le quantitative easing (achat de bons du trésor par la Banque centrale) aux États-Unis d’abord, puis partout. Une nouvelle phase de coopération sera-t-elle acceptée, en commençant par le Sénat des États-Unis, si les choses se détériorent ? La Banque centrale américaine va-t-elle cesser ses ventes mensuelles de 50 milliards de dollars, tirées de sa cagnotte ? Racheter des bons du trésor ? La Banque centrale européenne va-t-elle annoncer la poursuite de ses taux courts à 0% et du réinvestissement total de sa propre cagnotte, avec le successeur de Mario Draghi, jusqu’à ce que les choses « se normalisent » ?

Vient un troisième souci : celui de la remontée des taux courts et longs. Il vient un peu des taux courts américains et de (légères) tensions inflationnistes locales. Il vient surtout des risques qui pèsent sur les pays émergents et les entreprises (des pays émergents, ou non) fortement endettés, notamment en dollars. Ce qui attirait les investisseurs, la quête de rendements élevés (high yield) pour sortir des taux bas du quantitative easing, pourrait s’avérer dramatique, pourri : junk. L’activité ralentit, le risque monte.

Le quatrième souci arrive alors, le pire, celui de la baisse de la liquidité en dollars. Si les taux courts américains montent, si la banque centrale américaine vend toujours ses bons du trésor en portefeuille, la liquidité en dollars va se tendre. Si des problèmes naissent sur des secteurs, entreprises, marchés ou pays trop « léveragés », la crainte va s’étendre. Les Banques centrales peuvent alors, directement ou non, se voir exposées à des pénuries de dollars. Elles ne pourront s’atténuer que par des prêts, temporaires mais massifs, en dollars de la Fed (swaps). Et si la Fed hésite ? Et si le Congrès attend, réduit, refuse ?

La chute des bourses est un avertissement sérieux, avec une base réelle (les échanges en baisse) et politique (la situation hégémonique des États-Unis en question). Pour l’atténuer, en même temps que des accords USA-Chine sont nécessaires, il faut des politiques pro-croissance et pro-profit en zone euro. L’économie française, gilets jaunes ou pas, n’est pas à la taille du problème (et sa pensée politique à des années-lumière du sujet). La BCE est dans une position de protection, c’est le maximum qu’elle peut faire si des mesures politiques ne sont pas prises pour renforcer la zone, y soutenir la recherche, assouplir l’emploi, réduire les impôts et renforcer des liens d’échanges, avec le Japon, l’Australie, l’Inde et surtout la Chine. Facile et rapide dira-t-on ! Mais l’avantage des marchés, c’est qu’ils achètent la nouvelle (et vendent la réalité). C’est donc le moment pour se différencier, sauf à ce que les bourses européennes ne continuent à baisser, le moral, la croissance et l’emploi avec. 

Au fond, cette convergence des chutes boursières, des valeurs et des patrimoines, illustre les craquements telluriques en cours. Elle vient d’une convergence des peurs : un sentiment majoritairement inquiet anime les marchés. Mais cette convergence est inégale et profite aux États-Unis, pays qui « baisserait le moins », comme les chiffres le montrent. Aussi longtemps qu’on confond les forces en jeu dans le monde actuel, et leur échelle, avec des ronds-points, par peur d’expliquer et d’agir, on devient la victime de ceux qu’on croit critiquer. La convergence des chutes boursières, c’est notre dernier avertissement sans (très gros) frais.

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