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Et la reine Elizabeth souhaita aux Britanniques une année 2019 apaisée malgré leurs profondes divisions : qui pour tenir ce rôle en France ?
©Andrew Milligan / POOL / AFP

Cherche rassembleur désespérément

En Angleterre, la reine Elisabeth II joue son rôle d'arbitre et appelle les Britanniques à l'apaisement. En cette période de trouble, de nombreux pays se rattachent à la figure monarchique du roi ou de la reine comme symbole d'union nationale : Belgique, Espagne…

Jacques Charles-Gaffiot

Jacques Charles-Gaffiot

Jacques Charles-Gaffiot est l'auteur de Trônes en majesté, l’Autorité et son symbole (Édition du Cerf), et commissaire de l'exposition Trésors du Saint-Sépulcre. Présents des cours royales européennes qui fut présentée au château de Versailles jusqu’au 14 juillet 2013.

 

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Atlantico : En quoi un monarque permet-il de rassembler une population ?


Jacques-Charles Gaffiot : En Occident, la figure royale apparaît dans toute sa signification dans le cours du XIIe siècle, lorsque la société, jusqu’alors structurée de façon binaire opposant faibles et forts en son sein, se mue en un corps ternaire, au sommet duquel le roi apparaît comme un arbitre. Cette évolution résulte de l’adéquation que les intellectuels de ces temps ont voulu établir entre la cité d’En-haut et celle d’en-bas. Dans l’histoire des idées, en effet, la proclamation au même moment du dogme du purgatoire a eu d’incalculables conséquences, car en ordonnançant l’espace céleste non plus en deux (le paradis et l’enfer) mais en trois empires, dont celui du milieu mêle bons et méchants, cette nouvelle architecture du ciel a interpellé le tréfonds des consciences ayant ainsi échappé à l’antique conception manichéenne de l’Au-delà. Placé au sommet de la pyramide sociale, il ne suffit plus au souverain d’appartenir au clan des « forts » (potentes) pour imposer aux « petits » (minores) sa domination et par là même parvenir à un règne glorieux. Dans l’exercice de ses fonctions, chacun de ses pas doit le conduire vers l’instauration de la justice, couronnement de l’autorité dont il est investi. Ainsi, l’image d’Epinal représentant saint Louis rendant la justice sous le chêne de Vincennes est révélatrice de la mutation opérée.
Le roi est tout d’abord un arbitre dont l’accès est permis à tous les sujets (songeons par exemple à l’origine de l’expression « tendre la perche », ou au palais de Versailles dans lequel chacun peut entrer librement… jusque dans la chambre du souverain). En ce sens, Emmanuel Macron, en adoptant la figure de Jupiter comme référent, ne saurait parvenir à cette proximité presque fusionnelle d’Elisabeth II avec son peuple, bien que cette dernière soit démunie de tout réel pouvoir. Au sommet de l’Olympe, les récits mythologiques l’ont suffisamment rappelé, Jupiter se rit des hommes et s’en amuse comme de simples marionnettes.
L’avantage d’Elisabeth II est de n’appartenir à aucun parti. C’est ainsi qu’elle peut apparaître comme un arbitre. Emmanuel Macron avait réussi à ouvrir, entre la droite et la gauche, une troisième voie qui pouvait faire ressortir le juste milieu, la mesure, le bon sens. Cependant l’apparition dans la sphère politique du nouveau parti LREM a été pour lui un piège qu’il n’a pas su éviter. Jupiter devait rester en dehors de l’arène.
Une dernière idée me semble importante : dans les temps difficiles que nous allons traverser, les souverains auront le vent en poupe. En effet, pour paraphraser une expression du comte de Chambord, leur « principe est tout » et leur « personne n’est rien ». Comme nombre de leurs prédécesseurs, ils peuvent avoir le sens du sacrifice et de l’abnégation et devenir des modèles dans lesquels les gouvernés peuvent se reconnaître. Enfin, ils règnent dans la durée, tandis que les présidents de la République restent toujours de passage.  


On voit qu'il y a une demande chez certains Français d'une personne capable d'incarner ce rôle d'arbitre. La structure républicaine de la France serait-elle compatible avec une telle figure ? Qui pourrait l'incarner ? 


Le général De Gaulle s’était emparé de la question et y a remarquablement répondu dans la Constitution de la Ve République. 
Par définition, en démocratie, la loi votée par le Parlement est parfaite et doit s’appliquer. Or voici que la Constitution de 1958 place un organisme au-dessus des deux Chambres en lui octroyant une compétence pour discuter de la validité des textes législatifs : le Conseil constitutionnel. 
Le droit est-il l’expression de la justice ? De tout temps la question reste posée et c’est à un arbitre d’en décider. Les constituants de 58, en parvenant à donner corps à l’arbitrage nécessaire à l’aspiration des gouvernés, ont apporté un formidable outil à la continuité des institutions. Cependant, l’évolution de la composition des membres du Conseil montre combien son affaiblissement peut être précipité.


Quel symbole, ou concept émancipé, pourrait unir la population durablement, sans nécessairement revenir à un modèle monarchique ?


Avant même les symboles, les Français d’aujourd’hui recherchent une figure, cependant le modèle monarchique, en France, peut apparaître épuisé. Cependant, les ingrédients sont toujours les mêmes et restent finalement assez simples. Il faut un homme, une femme, porté par un parti, par une grande masse de citoyens ou par les évènements, sachant ne pas s’assujettir à une force politique, ayant enfin le sens de n’être qu’un des maillons d’une chaîne forgée depuis la fin du bas-empire et dont il doit contribuer à élaborer les anneaux suivants en évitant de distordre toute la chaîne.
Assez curieusement, des noms circulent parmi les Gilets jaunes !

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