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Haut conseil pour le climat : le retour de la coûteuse maladie française des comités Théodule
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Commissionnite

Mis en place afin de faire mieux avec moins, les comités sont cependant souvent pointés du doigt pour leur inefficacité... et leur coût.

Atlantico : Emmanuel Macron veut créer un "Haut Conseil pour le climat". Ce conseil d'experts aura pour but de "susciter moins de crispations" dans la mise en œuvre de la politique énergétique.  Comment apprécier cette initiative qui s'inscrit dans le mouvement de contestation des Gilets Jaunes ?

Tris Acatrinei-Aldea : Bien que la volonté du Président de la République de lutter contre le réchauffement climatique soit parfaitement louable et compréhensible, vu les enjeux en la matière, cette annonce de création d'une nouvelle entité administrative ne paraît pas être en adéquation avec les interrogations des Gilets Jaunes. De façon triviale, cela illustre parfaitement cette phrase que nous avons pu entendre "on nous parle de fin du monde alors que nous parlons de la fin du mois".

Il ne me paraît pas exact de penser ou de présenter - à ce stade -  les Gilets Jaunes comme des personnes n'ayant pas des préoccupations écologiques. Elles ont simplement des échéances plus urgentes et plus impératives. 

Répondre à cette problématique du pouvoir d'achat par une nouvelle entité administrative n'est pas la mesure concrète et immédiate attendue.

Par ailleurs, on relèvera avec amusement que la transition écologique semble toujours devoir être portée par les particuliers alors qu'il existerait des mesures très simples à mettre en œuvre au sein des entreprises et administrations.

Enfin, la question qui m'apparaît comme sous-jacente à l'ensemble de ce mouvement de contestation n'est pas encore soulevée, à savoir celle du logement. En effet, la dépendance des individus à leur véhicule n'est pas forcément volontaire mais l'éloignement de leur lieu de travail, combiné à l'augmentation des prix du logement dans les grandes zones métropolitaines et la médiocrité des transports collectifs obligent les personnes à utiliser un véhicule et participent à cette baisse du pouvoir d'achat. 

Concrètement à quoi pourra vraiment servir ce Haut Conseil ?

À ce stade, il paraît difficile de dire précisément quelles pourraient être les fonctions et les moyens d'actions de cette entité, dont on vient de nous annoncer la création et une composition probable, mais non officielle. De la même manière, cela ne répond pas à la question réellement posée, qui est celle du pouvoir d'achat. 

N'y a-t-il pas une obsession française en la matière qui consisterait à créer des "autorités administratives" pour répondre à une problématique donnée ?

Sans vouloir dispenser un cours entier sur les institutions françaises, on notera que la technique de création des Autorités Administratives Indépendantes (AAI) est empruntée aux pays anglo-saxons, dans l'optique de rationaliser l'action publique, en clair, faire mieux avec moins. Intention parfaitement louable s'il en est mais qui dans le paysage français se traduit par une multiplication des Comités Théodules, qui certes, travaillent mais dont les recommandations ne sont pas nécessairement entendues car rien n'oblige le Gouvernement ou le Parlement à prendre en compte leurs avis. Elles doivent rendre compte devant le Parlement mais la réciproque n'est pas valable, d'autant qu'il n'y a pas vraiment de cadre constitutionnel.
On observera, avec malice, une multiplication des AAI à partir du quinquennat de Nicolas Sarkozy et de la RGPP. La meilleure réponse à cette question est finalement cette citation de Clémenceau "Quand on veut enterrer une décision, on créé une commission". 
Notons également qu'à ce stade, nous ne connaissons pas la forme administrative que prendra ce Haut-Conseil.

Quel bilan peut-on tirer de ceux qui existent déjà ?

Il est difficile de répondre précisément à cette question dans la mesure où nous avons un certain nombre d'AAI, avec des missions très différentes, des ministères de tutelles différents et des objectifs divers. On relira à loisir le dernier rapport du Sénat sur ce sujet.*

Par ailleurs, comment établir un bilan quand les moyens d'action sont limités ? En effet, ces administrations n'ont pas d'autres leviers que d'établir des recommandations, en dehors de celles qui ont des pouvoirs spécifiques comme la CNIL ou la CNCCFP. La mise en place relève de l'exécutif ou du Parlement. Si on prend l'exemple de l'ARCEP, cette dernière travaille depuis de trop nombreuses années sur la question de l'accès à Internet sur notre territoire, sans pour autant qu'il y ait eu de grandes évolutions en la matière. 

Je me permettrais de souligner que certaines AAI sont frappées du sceau du "lobbying", ce qui amoindrit leur action. On relira pour l'exemple les débats parlementaires autour de la création de l'ARJEL, avec cette déclaration tonitruante de Patrick Balkany "mesdames et messieurs, ce texte est d'importance, la preuve, je suis présent" [Son fils avait créé un site de poker en ligne en ligne et M. Balkany n'était pas connu pour son assiduité à l'AN].

Enfin, pour parler d'une AAI plus récente, à savoir la HATVP, je suis frappée par l'absence de bilan de cette dernière, dans le sens où elle se targue de ses bons résultats alors que la réalité est légèrement différente. 

Pourquoi ces rôles n’échouent-ils pas au Parlement ou au CESE?

C'est une très bonne question, d'autant que - on a tendance à l'oublier - le Parlement contrôle l'action du Gouvernement et donc de l'exécutif. À son niveau, le Parlement contrôle mais n'a pas matériellement les moyens d'opérer l'ensemble des missions de contrôle, d'investigation et de prospective qui échouent aux AAI. Dans certains cas, ce serait même contre-productif. Imaginons si les parlementaires devaient eux-mêmes faire le travail de contrôle des dépenses électorales, en lieu et place de la CNCCFP ?

Le CESE de son côté est victime d'un mauvais procès récurrent et auquel se livre aussi, à mon grand désarroi, le Chef de l'État, qui souhaite le supprimer. De l'extérieur, le CESE apparaît comme une institution vieillotte, dispendieuse et sans intérêt alors qu'elle a été pensée pour être un lieu de réflexion, d'échange et de représentation de la société civile, avec une composition paritaire. Les corps intermédiaires y sont pleinement représentés et la production de cette troisième chambre du Parlement n'a rien à envier au Sénat et à l'Assemblée nationale. Mais elles ne sont pas mises en valeur et elles ne sont pas exploitées. 

Il y a fort à parier que le CESE a déjà réfléchi à ces problématiques concernant la transition écologique encore faut-il qu'il soit écouté. 
Il me semble plus opportun d'intégrer pleinement le CESE dans les réflexions à venir - que ce soit sur la transition écologique ou autre - plutôt que de créer un énième commissariat. 

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