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La République en panne : comment la magie Macron s’est dissipée
©BENOIT TESSIER / POOL / AFP

Court état de grâce

Entre bourdes politiciennes, mépris des contre-pouvoirs et erreurs de communication, la confiance du pays envers Emmanuel Macron et son mouvement a été mise à rude épreuve.

Pierre Dumazeau

Pierre Dumazeau

Journaliste politique, auteur de "La République en panne" (éditions Du Rocher)

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Atlantico : Dans votre nouveau livre, "La République en panne" (Editions du Rocher), vous expliquer pourquoi le "nouveau monde" ne semble plus convaincre que les électeurs d'Emmanuel Macron. Comment expliquer que la bulle macronienne se soit si rapidement dégonflée ?

Pierre Dumazeau : Les raisons sont diverses, mais la première c’est sans aucun doute la prise de conscience des responsabilités. On a dit que l’arrivée à l’Assemblée nationale de députés issus de la société civile était une bonne chose, et je ne le conteste pas, mais entre temps ils se sont rendus compte que la tâche était plus difficile qu’ils ne le pensaient. Ils ont découvert les contraintes du métier : des horaires exigeants et un travail législatif différent et plus complexe que ce qu’ils pouvaient s’imaginer.

Deuxièmement, ce début de quinquennat a été marqué par la fin du nouveau monde avec la révélation des premières affaires. Ce soi-disant nouveau monde apparaît désormais semblable voire pire que l’ancien. Dès le début, le quinquennat a été marqué par un certain nombre de démissions dont celle du Garde des Sceaux, François Bayrou, puis les scandales se sont multipliés notamment avec l’affaire Benalla.

Tout ça marque la fin d’une belle illusion. Une illusion qui s’est dissipée en 12 ou 14 mois avec les affaires.

N'en demandons pas trop et trop vite à Emmanuel Macron et à son gouvernement ?

Il est vrai que l’élection d’Emmanuel Macron a suscité beaucoup d’espoir les Français espéraient pouvoir ainsi sortir du vieux clivage gauche/droite. On lui a donc beaucoup demandé, mais cette attente il l’a créé de toute pièce en promettant un nouveau monde, des changements en profondeur et des réformes de fond.

Maintenant, était-ce trop lui demander ? Au vue de l’état du pays et de ses nombreuses promesses, je ne crois pas. Les Français exigeaient des changements rapides mais ce temp, c’est Emmanuel Macron, lui-même, qui l’a imposé (comme l’avait fait Nicolas Sarkozy avant lui). La déception est énorme aujourd’hui car on s’est rendu compte que sa méthode ne marchait guère.

Certes, il n’est pas resté inactif (comme avait pu l’être François Hollande par exemple), il a voulu réformer beaucoup et vite mais avec un cruel manque de pédagogie. Les réformes ne sont pas expliquées aux Français, et l’exécutif semble penser que s’ils ne le comprennent pas ce n’est pas bien grave. Cela joue beaucoup sur la manière dont elles sont ressenties et expliquent qu’elles soient mal reçues. On le voit bien aujourd’hui avec le mouvement des gilets jaunes qui dépasses toutes les catégories socioprofessionnelles et toutes les classes d’âges. Ainsi, on ne peut pas dire qu’Emmanuel Macron n’a pas agit, il a réformé mais mal : beaucoup de Français ont l’impression que ces réformes ne sont pas pour eux, que la plupart des territoires ont été oubliés.

Vous décrivez un "nouveau monde" moins uni qu'il ne le paraît, notamment lors de l'affaire Benalla, où chacun tente de sauver sa peau. N'est-ce pas des forces qui l'ont portées à la victoire, notamment son mouvement En Marche !, que vient sa faiblesse ?

C’est indéniable, il y a une partie de sa faiblesse qui vient de là. Emmanuel Macron s’est rapidement rendu compte que son parti était très faible : il n’a pas derrière lui la machine de guerre que pouvaient avoir Nicolas Sarkozy ou même Français Hollande. Pour pouvoir gouverner efficacement, il faut être à même de s’appuyer sur ses députés or ces derniers apparaissent aujourd’hui mal à l’aise (c’était évident notamment durant l’affaire Benalla).

Or, En Marche n’est pas structuré, le mouvement n’a pas de réel chef à sa tête et si cela provient d’un désir de revenir à plus de verticalité, on se rend compte aujourd’hui qu’en 2018 cela ne fonctionne plus. Ce parti pourrait être un véritable appui pour Emmanuel Macron mais sans personnalités majeurs il n’en est rien. En Marche n’a été qu’un instrument nécessaire à la victoire, et depuis il n’a pas été consolidé. Or, à l’heure actuelle le président de la République doit s’en mordre les doigts.

Le mouvement actuel des gilets jaunes ne serait-il pas, au delà des possibles récupérations, la matérialisation de ce que pourrait être un parti citoyen parfaitement opposé à En Marche ?

Je ne sais pas si l’on peut cette grille de lecture, bien qu’elle soit en partie vraie. Aujourd’hui, il n’y a pas de réceptacle à la colère anti-Macron, aucun syndicat ni parti politique n’est parvenu à la capter.

Cette colère, elle s’exprime dans l'abstention et sans réceptacle traditionnel elle se manifeste sous la forme d’un mouvement citoyen qui s’organise pas lui-même et exprime, seul, son mécontentement. L’absence de leader est peut-être également sa force : il s’agit de français comme tout le monde, provenant de classes sociales différentes et issus de toutes les générations qui s’unissent et manifestent.

Emmanuel Macron se dit très embarrassé par son image de Président des riches, mais sa communication ne montre-t-elle pas qu'il n’essaye pas réellement de s’en défaire ?

Bien sûr qu’Emmanuel Macron, essait et à tout à intérêt à le faire, de se donner l’image de président de tous les Français. Cependant, c’est encore plus difficile pour lui que cela ne l’avait été pour ses prédécesseurs à cause de son mode de communication. En effet, Emmanuel Macron privilégie les petites phrases chocs, la provocation et la spontanéité. Un style qui ressemble à celui de Nicolas Sarkozy à la différence que, l’ancien président savait aussi s’adresser à la France des territoires alors que l’actuel chef d’Etat ne le fait pas encore.

Aujourd’hui, il tente de se rattraper avec des prises de paroles préparées dans l’urgence dans le but de rassurer les Français mais cela ne prend guère car il est apparu en décalage et ses réflexions les ont blessé, vexé.

Comment l'entourage d'Emmanuel Macron envisage-t-il aujourd'hui la suite du quinquennat ? Et la prochaine présidentielle ?

Depuis la semaine dernière, ont voit dans les prises de parole du chef de l’Etat une volonté de changer sa manière de communiquer. C’était le cas, par exemple, lors de son interview au 20h de TF1 au cours de laquelle il a fait un mea culpa.

Macron réorganise donc sa communication, notamment parce qu’à l’approche des élections européennes, il s’inquiète. Les intentions de vote dans les sondages sont bien basses pour les européennes (selon un récent sondage LREM ne rassemblerait que 20% des voix) et davantage encore pour les municipales.

L’inquiétude est donc assurément omniprésente. En ce qui concerne les prochaines élections présidentielles, le schéma est différent : la droite et la gauche sont toutes aussi faibles. Cependant, la situation actuelle illustre un quinquennat qui se révèle difficile : il va falloir faire preuve de plus de pédagogie et surtout enclencher le dialogue avec les territoires sinon une partie de la France sera bloquée.

Pierre Dumazeau vient de publier La République en panne" aux éditions Du Rocher.

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