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Pénalisation de la prostitution, PMA, GPA : le bal des hypocrites
©LOIC VENANCE / AFP

Marchandisation du corps

A l’initiative du gouvernement l’Assemblée Nationale a durci les lois contre la prostitution. Les critiques adressées à ce durcissement font un parallèle avec mères porteuses.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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On accepte qu’une mère porteuse loue son ventre mais pas qu’une prostituée loue le sien. N’y a-t-il pas là une incohérence ? 

Bertrand Vergely. Il s’agit là d’une polémique avec la vigueur et les limites de la polémique. 
Les adversaires de la GPA avancent qu’il existe aujourd’hui une contradiction. Les députés de la majorité pénalisent la prostitution alors qu’ils n’ont pas l’intention de pénaliser la GPA qui devrait être légalisée si la PMA l’est. À brûle pourpoint l’argument n’est pas aberrant. Comment peut-on accepter ici ce que l’on refuse là ? Si l’on accepte que les femmes puissent devenir des mères porteuses, il faut dépénaliser la prostitution. Si on pénalise la prostitution, il faut pénaliser les mères porteuses. 
C’est vrai. On ne peut pas faire commerce de tout. Tout ne s’achète pas. L’amour ne s’achète pas. Un enfant ne s’achète pas. Quand tout- s’achète, on vend son âme. On crée un monde où il n’y a plus besoin d’aimer pour avoir de l’amour. On crée également un monde où il n’y a plus besoin d’un couple homme-femme pour faire un enfant. On crée un monde hors amour et hors vie. On installe un monde où tout devient une affaire de fric. Un monde inégalitaire où les plus riches peuvent tout se payer et tout faire. On crée un monde où la femme est l’esclave des désirs sexuels et des désirs de parentalité des hommes. Fondamentalement, le parallèle entre GPA et prostitution n’est pas choquant. S’élevant contre le fait que tout s’achète, amour et enfant, il témoigne d’un sens de la dignité de l’Homme face à l’argent et de la femme ainsi que des femmes. Les femmes ne doivent pas être des ventres et des sexes que l’on achète. Même si la vente se fait entre des gens sympas dans une bonne ambiance.  C’est une question de principe. On ne joue pas avec tout et tout ne s’achète pas. 
Compte tenu de cela le gouvernement ainsi que les députés de la majorité sont ils incohérents quand ils durcissent les lois à l’égard de la prostitution et notamment des clients des prostituées ? Oui. Ils sont incohérents.
Quand le gouvernement décide de s’attaquer à la prostitution, ceci veut dire qu’il est contre le fait que tout s’achète et que tout se vend. Il pénalise les clients mais pas les prostituées. Ce n’est pas cohérent. Qu’il  ne pénalise pas les prostituées parce que ce sont des femmes à la dérive, soit, mais en les laissant se prostituer, il pénalise le fait que tout puisse s’acheter mais pas que tout puisse se vendre. Ce qui est hypocrite. En outre, autre hypocrisie, s’il pénalise les clients, il pénalise indirectement les prostituées qui ne vont plus avoir de clients. Sans compter qu’un certain nombre de problèmes pratiques vont se poser. Pour faire la chasse aux clients la police va-t-elle se lancer dans une campagne de chasse aux clients? Va-t-elle les arrêter, les ficher, les poursuivre en justice comme hier on le faisait pour les prostituées ? Si elle le fait, cela va-t-il pas entraîner une prostitution souterraine ? Si elle ne le fait pas, à quoi bon faire des lois répressives ? 
Hier, on pénalisait les prostituées mais pas le client. Aujourd’hui on s’attaque au client pas aux prostituées. Hier, l’attitude à l’égard de la prostitution était pro-mec. Aujourd’hui, elle est anti-mec. Entre les deux, rien n’a changé. La prostitution est toujours là. Hier, on étranglait les prostituées directement. Aujourd’hui, on les étrangle indirectement.  Quel est le résultat de tout cela ? Un seul : le fait de lancer un message pro-féministe à propos de la prostitution, pas de régler la question en profondeur.
Derrière la prostitution que trouve-t-on ? La quête de l’argent facile pas un certain nombre de jeunes femmes à la dérive, des réseaux de souteneurs qui profitent de cette quête d’argent facile. Avec, par dessus cela, la misère sexuelle,  le plaisir de se prostituer et le plaisir d’aller voir des prostitués et des prostitués. 
Argent facile. Plaisir facile. Exploitation de l’amour facile et  du plaisir facile. C’est tout ce que l’on trouve dans la prostitution. Qu’est-ce qui est fait contre ce culte du facile ? Que faisons nous contre ? Ce qui se passe avec la prostitution n’en sommes-nous pas tous responsables du fait de la facilité dans laquelle nous nous complaisons ? Paul Ricoeur disait que la violence est le problème de tout le monde à tout moment. La prostitution ne relève-telle pas de la même chose ? N’est-ce pas notre problème à tout moment ? Si nus n’évoluons pas, si nous ne changeons pas, elle continuera comme elle le fait. Changer, un vœu pieux ? Pas tant que cela. On commence à faire attention aujourd’hui à la Nature. On fera peut-être attention demain à nous. 

Il y a une limite dans ce type de parallèle. Laquelle ? 

On pourrait dresser un parallèle entre prostitution et mère porteuse si la prostitution était taxée mais pas les mères porteuses. Or, actuellement cela n’a pas grand sens. La PMA n’a pas encore été votée. Quant à la GPA il n’est pas pour l’instant question qu’elle devienne une loi. 
Pour l’heure le climat en ce qui concerne la PMA est à la prudence. Il paraît peu probable qu’elle ne soit pas votée, mais le malaise est là et promet d’être là durablement. Témoin les États généraux de la bioéthique qui ont fait  état d’avis très partagés sur la question. Si la PMA est votée mais que 50% de Français et de Françaises sont contre, ce vote ne va pas être une victoire. 
S’agissant de la GPA la France est encore sous le choc du formidable coup médiatique réussi par Marc-Olivier Fogiel faisant la une des journaux et des télés en présentant ses filles nées sous GPA. On pénalise les clients des prostituées qui vendent leur sexe. 
On devrait pénaliser les utilisateurs des mères porteuses qui vendent leur ventre. On ne le fera pas. Parce que ce n’est pas la même chose. Les mères porteuses ne sont pas des prostituées et les prostituées ne sont pas des mères porteuses. On est plus sévère à l’égard des prostituées et de leurs  clients qu’avec les mères porteuses et leurs utilisateurs. Paradoxalement, parce que ce que font les prostituées et leurs clients est moins grave. Les prostituées jouent avec le sexe et l’argent. Comme cela excite on sen veut d’être excité par ce jeu. Comme on s‘en veut on les fait payer. D’où la sévérité à leur encontre, cette sévérité agissant comme une réaction conjuratoire. Avec les mères porteuses il en va autrement. 
Comme c’est la vie, l’enfant et la mère,  qui sont en jeu, on joue avec le sacré. Comme on veut préserver le sacré de la  vie de la mère et de l’enfant, on est beaucoup moins sévère. En fait, on a peur, on est terrifié, sidéré par ce qui est en train de se passer. Et comme il y a danger parce qu’on joue avec l’essentiel, pour préserver l’essentiel on ne commet surtout pas l’erreur de confondre mère porteuse et prostituée. En quoi on n’a pas tort. 
Les adversaires de la GPA ont tenté un parallèle entre mères porteuses et prostituées qui n’a de sens que dans des limites. Tout ne s’achète pas. C’est vrai. Un enfant, l’amour ne s’achètent pas. Reste que la mère porteuse et la prostituée ne sont pas la même personne, ce que fait la mère porteuse en touchant à la vie, à la mère et à l’enfant étant infiniment plus grave que ce que fait la prostituée.  

Il est question non pas d’interdire la prostitution mais de pénaliser le client. Dans le cas d’une légalisation de la GPA quel serait le bon encadrement ? 

Cette question, cela va être aux partisans de la GPA de devoir y répondre, la question  étant de savoir qui va payer. Est-ce l’État ? Si il ne paye pas, les associations gays vont être furieuses et crier à la discrimination homophobe. Du coup, seule une minorité de riches va pouvoir se payer des enfants. Ce qui va faire grincer des dents au sein de la communauté gay mais aussi dans les relations entre cette communauté et l’État.  Si l’État paye, c’est le contribuable, la Cour des comptes et Bercy qui vont grincer des dents. L’État va-t-il accepter de rembourser des GPA à 150 000 euros en Californie ? Si les pouvoirs publics veulent encadrer la GPA il va falloir répondre à cette question qui sera la question. Or, sera-t-il en mesure d’y répondre ? 
Il sera possible d’y répondre : si demain la famille telle que nous la connaissons disparaît et si les enfants sont fabriqués soit par la science soit par un État organisant la PMA et la GPA pour tous les enfants en supprimant le couple homme-femme et la famille père-mère. Il n’y aura alors plus aucun problème. Comme le couple homme-femme et la famille père-mère auront disparu, la GPA ne posera plus aucun problème et sera acceptée puisque les enfants seront fabriqués ainsi. Une seule question demeurera cependant. 
Il s’avère que cette société si elle voit le jour porte elle porte un nom : elle  s’appelle le totalitarisme. D’où cette question : les Français et les Françaises l’accepteront-ils ? Aldous Huxley prévoyait dans la société du Meilleur des mondes une société où les enfants seraient fabriqués par éprouvette. Le monde de demain acceptera-t-il de devenir le meilleur des mondes pour que la parentalité pour tous les couples puisse exister ? On n’a pas encore commencé à se poser cette question. Celle-ci ne va pas manquer de se poser dès que la GPA aura été adoptée. On en parlera de plus en plus. Au point de ne plus parler que de ça. La GPA ne sera pas alors encadrée. Elle sera hyper-encadrée. 

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