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Bruxelles : si l’Italie veut vivre son aventure populiste, ce sera sans l’Union européenne
©Mladen ANTONOV / AFP

Atlantico Business

L’Italie doit présenter un nouveau projet de budget 2019 plus conforme à la règle européenne, sinon pas question que l’Union européenne fasse ses fins de mois et paie ses factures.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La semaine va être compliquée pour l’Italie et ses partenaires européens. Le gouvernement italien avait jusqu’à aujourd‘hui, mardi 13 novembre au plus tard, pour présenter une nouvelle mouture de son projet de budget 2019 à la Commission européenne.

A priori, le gouvernement n’avait pas l’intention de bouger et d’aller jusqu'au bras de fer avec Bruxelles.  La Commission, pour sa part, a fait savoir qu‘il n’était pas question de céder.  Elle est d’ailleurs soutenue par la quasi unanimité des partenaires de l’Union européenne sur cette question, comme exactement sur le Brexit. 

Pour les chefs d’Etat et de gouvernement, l’Union Européenne ne peut plus se permettre de positions trop conciliantes qui reviendraient à décrédibiliser la construction européenne déjà fortement bousculée par les courants populistes. 

Bruxelles a donc mis au point une sorte de bréviaire pour répondre de façon assez ferme aux gouvernements qui tenteraient de ne pas respecter les engagements européens. La fermeté se résumant à ce qui a été proposé à la Grande Bretagne. On ne peut pas être « in » et « out » à la fois. 

Bref, le mot d’ordre qui s’applique à toute la zone euro, c’est que « la stratégie du beurre et de l’argent du beurre », c’est fini !

Bruxelles a déjà été clair : « ce projet de budget présenté par le nouveau gouvernement italien, représente une déviation claire, nette et assumée par rapport aux précédents engagements pris par l’Italie ». Moralité, c’est inacceptable. 

Sous entendu, si l‘Italie veut vivre son aventure, qu‘elle la vive mais sans embarquer le reste de l’Union européenne

Alors ce qui est intéressant, c’est que la Commission de Bruxelles, mandatée par le conseil de chefs d’Etat et de gouvernement a été particulièrement précis dans ses remarques et ses demandes. Et Bruxelles ne reste pas sur le terrain technique et juridique. Bruxelles va beaucoup plus loin. 

1er point, sur le plan technique et juridique, la Commission européenne reproche au budget italien un déficit public de 2,4 % en 2019, alors que le précédent exécutif s’était engagé à une cible de 0,8 %, pour commencer à faire décroître la dette italienne. La dette publique est la plus élevée de la zone euro (131% du PIB), juste après la Grèce. Plus grave, Bruxelles a calculé que le déficit public italien serait de 2,9 % en 2019, avec une croissance de 1,2 %. Rome compte sur une hausse du PIB de 1,5 % l’an prochain.

Le ministre italien de l’économie conteste la compétence de la Commission pour pointer de telles dérives, sauf que les calculs de Bruxelles correspondent à ceux des analystes de marché. L’Italie ne peut pas espérer une croissance économique capable d’endiguer le chômage endémique.

Pour Philippe Waechter (d’Ostium Asset management) : « Sans croissance, et donc sans capacité à générer des surplus, la productivité est quasiment à zéro et l’économie n’a aucune marge de manœuvre pour s’adapter ». 

2e point : au-delà du diagnostic purement technique, les experts de Bruxelles n’hésitent pas à déborder sur le terrain politique. A la Commission, on considère que le budget présenté n’est pas dans l’intérêt des Italiens. Sa seule logique est d’agréger les engagements divers du mouvement 5 Etoiles, et ceux de la Ligue. Le budget accumulé, les baisses d’impôts, le revenu universel, une réforme des retraites à contre-courant, un programme d’investissements publics. Tout cela sans cohérence et sans financement. En clair, le budget ne répond pas aux besoins réels de l’économie italienne, il répond essentiellement à une logique politique. Il revient à demander aux partenaires européens de payer la facture des promesses faites. 

Pour Bruxelles, c’est inacceptable, comme l'étaient les demandes de la Grande- Bretagne qui voulait sortir de l’Union européenne en en gardant les avantages. La stratégie du beurre et de l’argent du beurre est désormais refusée par la Commission de Bruxelles et les chefs d’Etat et de gouvernement. 

Du coup, que peut-il se passer? Si Rome n’a pas renvoyé de nouveau projet de budget à Bruxelles, la Commission va habilement se contenter de réexaminer la première version reçue et formulera un avis à la fin du mois. 

Cet avis sera négatif, mais la Commission ne pourra pas engager de procédure pour déficit excessif dans l’immédiat. Elle doit attendre que le budget soit exécuté, pour constater ensuite le dérapage.

Du côté de Bruxelles, on compte évidemment sur le comportement des marchés pour contraindre le gouvernement italien de revenir dans les clous. Les marchés ne peuvent que se méfier d’une telle situation. Les taux d’intérêt vont donc continuer d’augmenter en Italie, rendant le processus d’endettement plus difficile et plus couteux. Parallèlement, il faudra évidemment surveiller le comportement des épargnants italiens qui détienne plus de la moitié de la dette publique et qui (pour les plus riches) vont être très tentés de partir déposer leur argent à l’étranger. 

Le « spread », c’est à dire l’écart entre les taux allemands et les taux italiens à dix ans, oscille désormais autour de 300 points de base, contre une moyenne de 130 enregistrée sur les quatre premiers mois de 2018. Il y a donc un risque sur la solidité des banques italiennes qui va devenir préoccupant. 

Sur le plan politique, la situation va être délicate à gérer. L’intransigeance de Bruxelles peut en effet donner du grain à moudre aux populistes qui vont crier au déni de démocratie. Sauf que « la démocratie n’est pas de proposer aux peuples des mesures que le pouvoir ne peut pas financer ». 

Bruxelles, sur le bras de fer avec l’Italie comme dans la négociation sur le Brexit, est investi par la légitimité politique des Etats membres qui ont approuvé les règles que Bruxelles applique. L’Union européenne n’a pas de leçon de démocratie à recevoir, ni des Anglais, ni des Grecs, ni des Italiens.  

Être laxiste ou excessivement permissif avec Rome ou Londres reviendrait à affaiblir la crédibilité des règles communes et ceux qui les ont décidés. 

La seule réponse que l'Europe peut donner aux courants populistes, c’est l’affirmation de positions solidaires, mais fermes et responsables.

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