Discrète friture sur la ligne entre LR et le PPE : mais au fait, pour quelle politique voterez-vous vraiment à Bruxelles en choisissant la liste des Républicains ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Manfred Weber, le 8 novembre à Helsinki.
Manfred Weber, le 8 novembre à Helsinki.
©Markku Ulander / Lehtikuva / AFP

Autre vision

Le Parti populaire européen (PPE) a choisi l'Allemand Manfred Weber comme "Spitzenkandidat" pour les élections européennes de mai 2019. Un homme s'affichant comme plus pro-européen que Laurent Wauquiez.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Dans la perspective des élections européennes, et dans l'attente de la désignation de la tête de liste LR, que peut-on anticiper de ce que la nomination de Manfred Weber comme Spitzenkandidat du PPE (le mode de désignation du président de la Commission européenne : Manfred Weber succédera à Jean-Claude Juncker si le PPE reste le premier parti au Parlement européen) aura comme résultat pour les électeurs du parti de droite français? La désignation de Manfred Weber ne présente-t-elle pas une différence avec la ligne politique de Laurent Wauquiez ?

Christophe Bouillaud : Comme membre de la CDU-CSU, Manfred Weber,  apparaît comme officiellement plus fédéraliste ou tout au moins plus intégrationniste que les positions de LR, héritier direct du défunt RPR. Mais, en pratique, les positions de la CDU-CSU et de LR ne sont pas vraiment éloignées. Que ce soit la base de la CDU-CSU ou celle des LR, il s’agit d’électeurs conservateurs et libéraux qui ne veulent pas en réalité des contraintes que représenteraient pour eux, et surtout pour leurs finances personnelles, une intégration fédérale plus poussée. Le statu quo actuel leur convient en fait très bien dans ses grandes lignes.

Pour ce qui est de la ligne de Manfred Weber, elle est tout aussi opportuniste que celle de Laurent Wauquiez. En effet, Manfred Weber, un Bavarois, a longtemps été considéré comme faisant partie des membres du PPE les plus proches de la ligne incarnée par Viktor Orban, et, tout d’un coup, parce qu’il voulait être éligible à la Présidence de la Commission, il a fait basculer lors d’un récent vote au Parlement européen la majorité du vote du groupe PPE en faveur de la mise en cause de la Hongrie pour manquement aux normes démocratiques européennes. De même, il est de notoriété publique que Laurent Wauquiez a été proche jadis d’un politicien très européiste, avant d’afficher un temps des positions eurosceptiques. Aujourd’hui, comme chef des LR, il s’essaye à concilier les deux lignes, à la fois pro-européenne et eurosceptique. Lui aussi doit faire du « en même temps ».

Il s’agit cependant d’une conciliation en paroles, parce que, si Manfred Weber devenait effectivement Président de la Commission, il le serait obligatoirement à la tête d’une coalition des trois partis intégrationnistes : PPE, ALDE et PSE. Il est en effet vraiment impossible que le PPE bascule d’un coup et d’un bloc dans la constitution d’une majorité de toutes les droites, y compris les extrêmes droites – coalition entre le PPE et les partis à sa droite qui n’aurait d’ailleurs pas de majorité au regard des sondages disponibles actuellement.  De ce fait, l’électeur eurosceptique des LR est prévenu : quoi que dise Laurent Wauquiez d’un peu eurosceptique, les élus LR participeront à la « majorité de concentration européenne » pour « sauver l’Europe » des « populistes ».

Alors que plusieurs chefs d'Etat ont pu faire savoir leur désapprobation du système du Spitzenkandidat, ne peut-on pas également anticiper un désaveu de cette procédure qui conduirait Emmanuel Macron et -si celle-ci est encore en poste- Angela Merkel à désigner une tête à la Commission européenne ? Comment les électeurs peuvent anticiper de tels scénarios ?

Comme je l’ai remarqué dans un précédent entretien dans vos colonnes, Manfred Weber n’a pas les attributs nécessaires pour être Président de la Commission. Il n’a jamais été même Ministre dans son propre pays. D’autres que moi notent cette caractéristique et évoquent la candidature de réserve de Michel Barnier. Quoi qu’il en soit, il est évident que le choix par le PPE d’un candidat au cursus honorum limité au seul Parlement européen ouvre le jeu. Le PSE a choisi un cheval de retour, Franz Timmermans, actuel numéro 2 de la Commission Juncker. L’ALDE, qui vient d’encaisser le ralliement de LREM et de Ciudadanos, ne présentera sauf suprise personne. Tout cela est cousu de fil blanc : sauf si Manfred Weber se révèle être le « Obama » européen de 2019 et réussit le pari impossible d’être le premier politicien réellement européen de l’Histoire, les chefs d’Etat et de gouvernement se réservent le droit de choisir la personne qu’ils jugeront adéquate.  Les électeurs sont donc prévenus.

Mais, de toute façon, lorsqu’on vote aux européennes, on choisit surtout de donner plus ou moins de poids à une orientation idéologique au sein de la législation européenne. En somme, les électeurs LR peuvent aller voter le cœur en paix : que ce soit M. Weber ou pas, le conservatisme qui leur tient lieu de viatique sera représenté à l’exacte mesure de sa force ou de sa faiblesse électorale. Et il sera sans nul doute dans la « majorité de concentration européenne ».

Alors que le Brexit a pour effet de soustraire du Parlement les élus britanniques, en quoi l'influence du PPE peut-elle en sortir renforcée ? N'est-ce pas une "chance" pour les futurs élus LR ?

Il faut effectivement noter que, si le Brexit a bien lieu le 29 mars 2019, les Britanniques n’auront plus d’élus. Cela fait perdre des élus au groupe PSE avec le Labour, au groupe ALDE avec les Libéraux-démocrates, mais pas au groupe PPE. Les Conservateurs britanniques avaient déjà organisé autour d’eux de nouveau depuis 2010 leur propre groupe parlementaire (Conservateurs et réformateurs européens, CRE).  Mécaniquement, le groupe PPE est donc le moins affecté par le Brexit.

Au sein de ce groupe PPE, qui devrait donc  rester le plus important du Parlement européen, les élus LR devraient pouvoir jouer un rôle d’autant plus important qu’à en juger par les sondages, ils feront partie des délégations importantes dans ce groupe. Les Italiens de ForzaItalia (Berlusconi) et autres modérés centristes, auront par exemple très peu d’élus à en croire les sondages.

Enfin, comme les élus britanniques, toutes obédiences partisanes confondues, faisaient partie des meilleurs éléments du Parlement européen en terme d’implication dans le travail parlementaire, cela laisse de la place pour des élus français, qui pourraient du coup gagner des postes importants. Or, si l’on regarde l’état du champ politique français, LR est le seul vieux parti de gouvernement qui peut être sûr d’envoyer au Parlement européen une délégation importante. Le PS pourrait en effet passer sous la barre des 5% et ne pas avoir d’élus du tout. Selon ce que l’on lit dans les médias, LREM va être tenté pour appâter le chaland  de mettre des personnalités dans ses listes, aussi connues  du grand public que probablement inefficaces comme parlementaires européens (à en juger par les cas semblables). LR pourrait jouer contre cet amateurisme la carte de la compétence. Avec l’opportunité du Brexit, les élus LR auraient donc un rôle plus important que dans le Parlement actuel. Cela serait une très bonne nouvelle pour l’influence française au sein des institutions européennes.

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