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L'UMP est-elle menacée à terme d'implosion sur la 
question du FN ?
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Pomme de discorde

La question du rapprochement avec le FN tenaille l'UMP depuis l'entre-deux-tours de la présidentielle. Alors que le Front national pourrait créer plusieurs triangulaires à droite lors des élections législatives, certains membres de l'UMP appellent à une droitisation de son discours, pour contrer Marine Le Pen. Pour d'autres, c'est justement cette ligne dure qui a fait perdre la présidentielle à Nicolas Sarkozy.

Chantal Jouanno et Jean-Paul Garraud

Chantal Jouanno et Jean-Paul Garraud

Chantal Jouanno est sénatrice UMP de Paris.

Jean-Paul Garraud est député de la Gironde, membre du collectif de la Droite populaire.

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Jean-Paul Garraud a créé la polémique, lundi, en indiquant que "de nombreuses questions se posent qu'il va falloir trancher rapidement et qui tournent autour de la recomposition de la droite" et en ajoutant que "qu'on le veuille ou non, la dynamique est sur le FN depuis 2002". Chantal Jouanno a elle estimé que la défaite de Nicolas Sarkozy s'explique par le fait que "la campagne a donné trop de place à l'immigration et à la sécurité".

Atlantico : Après la défaite de Nicolas Sarkozy, y-a-t-il un risque d'implosion de l'UMP tiraillé entre courants aux sensibilités de plus en plus différentes ?

Chantal Jouanno : Aujourd'hui non, dans la mesure où la victoire de François Hollande s’est jouée de peu, avec un faible écart de points. Chacun sait que nous avons la possibilité de faire un bon score aux législatives, voire d’être majoritaire. Il n’y a donc qu’un mot d’ordre dans l’immédiat, c’est l’unité. Et le fait que les législatives soient dirigées par une instance collégiale et participative devrait permettre à toutes les sensibilités de s’exprimer, si cette instance est composée de façon équilibrée bien sûr. Jean-François Copé a annoncé qu’après les législatives, il remettrait sur la table la question des mouvements au sein de l’UMP, ainsi qu'à la rentrée la question de la présidence du mouvement. Je crois que ce que nous devons réussir, c’est surtout de permettre à l’UMP de redevenir ce qu’elle est : un mouvement pluriel et divers.

Jean-Paul Garraud : Tout va dépendre de ce qui sera fait dans les jours qui viennent. A titre personnel, j'ai toujours défendu l'unité de l'UMP. Elle est essentielle. Mais comment doit-elle se manifester ? Lundi, Jean-François Copé a indiqué qu'après les législatives des courants structurés pourront mieux fonctionner au sein de l'UMP. C'est une bonne chose, mais contrairement à lui, je considère que ces courants – et surtout la Droite populaire qui dans l'esprit des gens est le courant majoritaire – doivent pouvoir s'organiser avant les législatives. Aujourd'hui, il est capitale de faire comprendre à des gens qui se sont égarés, qui sont allé vers le Front national alors qu'ils ne sont pas extrémistes, qu'ils sont représentés au sein de l'UMP, grâce à la Droite populaire. Mais cela doit être fait avant les législatives. Après, ça n'a plus aucun intérêt.

On me caricature pour ce que je dis, mais ça m'est égal car c'est l'avenir de mon pays qui m'intéresse. Et mon pays, ce n'est pas la place de la Bastille, ce n'est pas les drapeaux rouges avec la faucille et le marteau, ni les drapeaux étrangers – que je respecte par ailleurs mais pas un soir d'élection présidentielle en France. Ce n'est pas ma France. Et c'est pour cela que je me battrai pour faire gagner l'UMP aux législatives.

Chantal Jouanno, vous parlez du mot d'ordre de l'unité. Celle-ci n'était pas présente lors de la campagne présidentielle ?

Chantal Jouanno : Nous aurions dû défendre le bilan de Nicolas Sarkozy de manière beaucoup plus claire. C’est faux d’avoir laissé entendre que le bilan de Nicolas Sarkozy n’était pas bon. Il a remarquablement géré le pays pendant ces années de crise.
Mais ce que je regrette surtout, c’est que toutes les sensibilités ne puissent plus s’exprimer au sein du parti, et ce depuis longtemps. Je pense que le parti a eu tort de donner tant de place à la droitisation, bien avant la campagne. Cela fait bien longtemps que la parole dominante est celle de la droite populaire, et dès que vous avez un petit son de voix – surtout s’il est féminin- un peu différent, vous vous faites vilipender.

La cohabitation est-elle possible entre les partisans d'une ligne sociale et ceux en faveur d'une droitisation du parti ou qui considèrent comme Gérard Longuet que Marine Le Pen peut être un interlocuteur de l'UMP ?

Chantal Jouanno : Il y a des valeurs qui nous unissent : la méritocratie, l’autorité, la valeur travail… La seule manière pour que le terme « unité » ait un sens dans ces législatives, c’est d'éviter les insultes et de respecter les idées de chacun. Un parti ne peut pas se réclamer de l’unité lorsqu’il tolère les insultes et pas les idées. Quand la Droite populaire parle, jamais il ne me viendrait à l’idée de les traiter d’extrémistes ou dire qu’ils sont ridicules. J’attends juste le même respect quand j’exprime mon point de vue.

L’instance collégiale qui va être mise en place aura pour mission de veiller à l’application irréprochable, partout, de l’absence d’alliance avec le FN ; elle va aussi définir les thèmes principaux de la campagne. Je souhaite que l’on parle  de la crise, de l’écologie, de l’économie, et que l’on ne donne pas la priorité absolue et systématique aux seuls sujets d’immigration et de sécurité. Ce sont des sujets stratégiques, mais ils ne peuvent dominer tous les autres. C’est la base de tout.

Jean-Paul Garraud : C'est la question que l'on peut se poser. Mais à la Droite populaire, nous sommes humanistes, sociaux, nous sommes des démocrates parmi les plus grands qui soient, puisque nous voulons éviter que les gens aillent vers les extrêmes.

Si on ne fait pas notre boulot, on se retrouvera avec un pays entièrement dans les mains de la gauche socialo-communiste alors qu'il est en réalité majoritairement à droite. Je sais que la politique socialo-communiste, au bout de quelques mois, mettra à néant tout ce que nous avons fait jusqu'à présent et qui commençait à porter ses fruits.

Quand on veut faire croire que j'ai sauté le pas, que j suis allé vers le Front national, c'est faux. Je ne suis pas une passerelle vers le FN, mais une digue qui permettra d'éviter d'aller vers le FN. Car si on va vers les extrêmes, on s'éloigne de la démocratie.

Selon certaines projections, il pourrait y avoir 100 à 150 triangulaires à droite. L'UMP peut-elle gagner les élections législatives en refusant toute alliance avec le Front national ?

Chantal Jouanno : Plus nous serons forts, clairs sur nos valeurs, unis et respectueux, moins le Front national sera fort. Le FN est une sorte de sangsue, qui se nourrit de nos propres faiblesses. D'ailleurs, Hénin-Beaumont a voté à gauche, pas à droite. C'est bien la preuve que le FN n'est pas l'ami de l'UMP.

Il faut une droite qui ait une rigueur morale et un attachement absolu au respect des règles. Les électeurs du Front national ne l'attendent pas sur son programme économique, qui est du grand n'importe quoi. Ils attendent de l'autorité et de la rigueur morale. Il n'est pas question de tomber dans les hystéries de Marine Le Pen sur l'immigration et le dénigrement de l'autre, mais nous devons affirmer une rigueur morale.

Je suis convaincue que le vote Front national, comme le vote Front de gauche, est un vote populiste qui se nourrit de l'idée qu'il y a une élite corrompue en haut, et en bas un peuple oublié et méprisé. A ces électeurs, il faut expliquer que les élites ne sont pas corrompues. Leur vote pose la question du fonctionnement politique. Il faudra changer de méthode. Je trouve que cette question de la rigueur morale des politiques est fondatrice.

Je trouve parfaitement antirépublicain que le Parti socialiste s'allie avec le Front de gauche, car Front de gauche et Front national ont la même haine de l'autre :d'un côté les riches, de l'autre les immigrés. Les deux ont un discours de haine et de repli.

Jean-Paul Garraud : Le nombre de triangulaires peut évoluer, en fonction de beaucoup de facteurs : la participation, etc. Je ne rentre pas dans un calcul électoraliste. Les triangulaires peuvent évidemment être dangereuses, mais il nous reste un mois pour faire comprendre aux gens qu'ils sont représentés à l'UMP.

Au sein du parti, on donne quelquefois beaucoup d'importance à ceux qui ne reflètent pas un courant majoritaire. Il n'y a pas de guerre des courants à l'UMP, je m'estime autant social et humaniste que d'autres députés. Il faut simplement savoir que les 2 millions de personnes qui ont voté blanc et ceux qui ont voté FN sont plus sensible à ce que dit la droite populaire qu'aux autres courants. Il faut être pragmatique. Les thèmes portés par Nicolas Sarkozy ont failli le faire gagner et c'est une erreur fondamentale que de dire qu'ils ont fait monter le FN. Maintenant qu'il n'est plus là, à nous de prendre le relais. Il ne faut surtout pas commettre une erreur politique majeure qui finirait par nous faire éclater, qui serait de se recentrer sur un discours passe-partout tiède, qui n'est pas ce que veulent les gens.

Concrètement, je ne suis pas du tout pour une alliance avec le Front national. Ce que je veux dire, c'est que les gens qui se sont perdus en allant voter Front national car ils estimaient n'être pas représenté ailleurs, se sont trompés. Je ne parle pas au parti, je parle aux électeurs. Il faut très clairement dire qu'il n'y a pas 20% de l'électorat français qui est extrémiste !

L'UMP préfère donc perdre les législatives que de s'allier avec le FN ?

Chantal Jouanno : Gagner avec le Front national, c'est tuer la droite. D'ailleurs, on ne gagnera jamais avec le Front national. On y perdra notre dignité et on tuera le mouvement.

Selon un sondage à paru mardi sur Atlantico, 35% des électeurs estiment que JF Copé va mener l’opposition dans les années à venir, contre 34% pour Marine Le Pen. Chez les sympathisants UMP, la candidate du Front national passe devant Jean-François Copé, avec 38% contre 37%. Cela ne montre-t-il pas que les sympathisants UMP sont prêts à faire alliance ?

Chantal Jouanno : Non. Cela montre qu'ils veulent une opposition claire et forte. De toute façon, si on ne veut pas que l’extrême droite incarne l'opposition, on a deux priorités : être clairs sur nos valeurs, et faire que la crise ne l'emporte pas. On le voit dans tous les pays : la nourriture des populistes, c'est le chaos. Prenez ce qui vient de se passer en Grèce, c'est catastrophique.

Marine Le Pen est aujourd’hui une figure majeure de l'opposition, mais elle est elle-même opposante à la droite. Elle s'oppose à ce qu'elle considère comme le « système ». La menace en France aujourd'hui, c'est ce qu'elle a appelé le Rassemblement bleu marine, dont les principes et les méthodes seront les mêmes que le Front de Gauche ; et c'est contre cela qu'il faut se battre. Jamais la France ne s'est grandie en se repliant sur elle-même.

Le discours de l'UMP pour les législatives doit être le front anti-crise et l'ouverture au monde, à l'innovation. C'est quand même incroyable dans cette campagne qu'on ait si peu parlé de crise, que la gauche n'ait jamais parlé de compétitivité, que le monde ait été présenté comme une menace et pas comme une opportunité.

Jean-Paul Garraud : Cela confirme notre stratégie. Si les gens disent cela de Marine Le Pen, c'est qu'ils n'ont pas la réponse dans l'UMP. Cela prouve que nous sommes les pires ennemis du Front national. Si la Droite populaire prend toute la place qu'elle doit avoir dans l'UMP, nous remporterons les législatives haut la main, j'en suis persuadé.

Propos recueillis par Morgan Bourven

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