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Brexit : l'épineux dilemme politique pour Theresa May et l'avenir du Royaume-Uni au lendemain du vote
©DR

Bonnes feuilles

Avec ses rebondissements multiples et ses coups de théâtre, le Brexit ressemble à un vaudeville dont l’issue risque d’être dramatique. Avec "Une brève histoire du Brexit" publié aux éditions Odile Jacob, le grand historien de l’économie mondiale Kevin O’Rourke nous propose la perspective historique indispensable pour y voir plus clair. Extrait 1/2

Kevin O'Rourke

Kevin O'Rourke

Kevin O'Rourke, MRIA, est un économiste et historien irlandais spécialisé en histoire économique et en économie internationale. Depuis 2011, il est professeur d'histoire économique à l'Université d'Oxford. Il a publié "Une brève histoire du Brexit" aux éditions Odile Jacob.

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Le Royaume-Uni avait certes voté pour sortir de l’Union euro‑ péenne, mais encore fallait-il savoir quel type de relation il entendait conserver avec elle. Le référendum ne donnait guère d’indications à cet égard, puisque l’on avait simplement demandé aux votants : « Le Royaume-Uni doit-il rester membre de l’Union européenne ou quitter l’Union européenne ? » Le bulletin de vote n’évoquait ni l’union douanière ni le marché unique, et ceux et celles qui avaient voté pour le « Leave » avaient sans doute des idées très diverses à ce sujet. Au premier abord, la logique électorale semblait devoir conduire le gouvernement britannique à tenter d’obtenir un « Brexit doux », c’est-à-dire un Brexit qui permettrait au Royaume-Uni de rester soit dans le marché unique, soit dans une union douanière avec l’Union européenne, soit encore dans les deux. Après tout, 48 % des votants avaient voté pour rester dans l’Union, et de nombreux partisans du « Leave » avaient indiqué avant le référendum qu’ils ne voyaient aucun inconvénient à rester dans le marché unique. Il semblait donc raisonnable de penser que si l’on demandait aux votants de se prononcer sur leur type de Brexit préféré, une majorité d’entre eux soutiendrait celui qui permettrait au pays de conserver avec l’Union européenne des liens aussi étroits que possible, et qu’un « Brexit doux » serait un moyen de rassembler une société profondément divisée.

C’est sans doute ce que beaucoup d’observateurs, hors du Royaume-Uni, espéraient, en particulier dans les pays qui dépendaient beaucoup des échanges avec le Royaume-Uni, comme le Danemark, les Pays-Bas et surtout l’Irlande. Les premiers signes n’augurèrent cependant rien de bon. Theresa May prit la décision hallucinante de faire de Boris Johnson son secrétaire d’État aux Affaires étrangères. On s’en souvient, Johnson venait de comparer l’Union européenne à Adolf Hitler ; il était aussi connu pour avoir tenu des propos qui auraient certainement valu à un simple citoyen une accusation de racisme . Jean-Marc Ayrault, le ministre français des Affaires étrangères, rappela à ses compatriotes que « dans la campagne, il a beaucoup menti aux Britanniques ». May nomma aussi à des postes clefs deux grands partisans du Brexit : David Davis à la tête du nouveau ministère de la Sortie de l’Union européenne (DExEU pour l’acronyme anglais) et Liam Fox au nouveau ministère du Commerce international. Davis avait déclaré pendant la campagne référendaire que le Royaume-Uni pourrait, après le Brexit, négocier des accords commerciaux bilatéraux avec des États membres de l’Union européenne. En mai, il avait tweeté  : « Le premier point d’appel du négociateur du R.-U. sitôt après #Brexit ne sera pas Bruxelles mais Berlin, pour conclure un accord . » Apparemment, il semblait encore ignorer que les États membres de l’Union européenne n’ont pas le droit de négocier des accords commerciaux bilatéraux avec d’autres pays : comme nous l’avons souligné au chapitre 3, dans une union douanière, tous les membres doivent avoir les mêmes droits de douane extérieurs vis-à-vis des pays tiers, et tous les États membres de l’Union européenne sont donc liés par la politique commer‑ ciale extérieure commune de celle-ci. Quant à Fox, son ministère avait été créé pour conclure des accords commerciaux avec des pays n’appartenant pas à l’Union européenne, un des principaux avantages supposés du Brexit, bien que le Royaume-Uni ne puisse légalement pas le faire avant d’être effectivement sorti de l’Union. La mission qui avait été confiée à M.  Fox indiquait donc clairement que Theresa May ne croyait pas que le Royaume-Uni dût rester membre d’une future union douanière avec l’Union européenne *.

Il restait le marché unique. Mais, à l’été 2016, même les anciens partisans du Remain semblaient accepter le présupposé fondamental de la campagne du Leave, c’est-à-dire qu’il y avait trop d’Européens en Grande-Bretagne. Des commentateurs mais aussi des personnalités publiques, comme Gordon Brown, affirmaient que le Royaume-Uni devait rechercher un accord qui lui permettrait de rester dans la zone économique européenne (voir le chapitre  8) et dans le marché unique européen, tout en lui permettant en même temps de limiter la libre circulation des personnes. Le Liechtenstein (population : 37 000 habitants) ne bénéficiait-il pas d’un accord spécial en matière d’immigration ? Avec de pareils partisans du Remain, ceux du Leave pouvaient dormir tranquilles.

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