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Sous les cendres de Vichy : découverte passionnante d'un aspect du gaullisme, resté en friche
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Atlanti-culture

Paul Beuzebosc pour Culture-Tops

Paul Beuzebosc pour Culture-Tops

Paul Beuzebosc est chroniqueur pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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LIVRE

Sous les cendres de Vichy

De Laurent Lasne

Editions Le Tiers Livre LU 

RECOMMANDATION

           EXCELLENT

THÈME

Le titre, énigmatique, hérité de l’état de la France à l’été 1944, aurait pu être autre : « Dans les coulisses du gaullisme social », matrice historique et œuvre inachevée du général lors de ses expériences au pouvoir. Car c’est dans l’ombre de l’action gaullienne que cette pensée s’est progressivement forgée, des premiers cercles restreints de réflexion de l’entre-deux guerres jusqu’à l’échec final du référendum de 1969. Cette dimension, aussi enracinée que masquée, constituait un pilier de l’intention du général de Gaulle, comme une clé de voute synthétique de la troisième voie qu’il a cherchée sans cesse entre capital et travail. 

Le grand mérite de ce livre riche, dense et instructif est de retracer ce qui furent les sources intellectuelles et historiques de cette quête inaccessible d’élan collectif, d’appel au peuple, de libération économique dont les fruits ont manqué. Dans un contexte socio-politique marqués par les peurs, les luttes et les pesanteurs de la modernisation du pays, la belle idée de Participation, faute de croyants et de combattants dans son propre camp, n’a pas été à la mesure du « vaste renouvellement » initié en 1940

POINTS FORTS

En cherchant « sous les cendres de Vichy », Laurent Lasne revisite, dans la lignée de ses travaux précédents, l’épopée gaullienne par un chemin de traverse. Il enquête sur les origines spirituelles et morales de la pensée singulière, non conformiste, ancrée à la fois dans la perspective historique et la modernité, sensible à tous les courants de la question sociale, nourrie de lectures et de réflexions parties prenantes du « fil de la pensée » de Charles puis du général de Gaulle. Il est passionnant de redécouvrir, combien les auteurs et les mouvements français, de Fourier et Proudhon jusqu’à Bergson, Marc Sangnier et la doctrine sociale de l’Eglise, avaient été précurseurs dans leur vision de l’histoire et de l’impératif de la réconciliation de la société française, qui reste une utopie en friche.

POINTS FAIBLES

Plus que ceux du livre qui n’en compte guère, c’est à postériori que la question de fond est posée : pourquoi un tel hiatus, notamment à son retour au pouvoir à partir de 1958, entre la pensée et l’action sociale du général de Gaulle ? Même si les circonstances géopolitiques et économiques ont été rudes, si l’œuvre de rénovation institutionnelle et de reconstruction socioéconomique a été menée, la question sociale n’a pas été imposée comme centrale par le fondateur de la Vème République, qui a cru que l’invocation tardive de la Participation, en 1968, pouvait être une réponse à la crise sociétale de sa fin de présidence.

EN DEUX MOTS

Enfant de deux siècles, Charles de Gaulle s’était forgé une certaine idée de la société et avait la conviction que la part « sociale de l’histoire, toujours posée, jamais résolue », allait être une clé de son ambition et de son projet. Pour reprendre sa formule : « Hélas, hélas, hélas ! », après les mesures sociales fortes de la Résistance et de la Libération, la confrontation au réel, l’impossibilité de l’imposer à son camp, aux égoïsmes patronaux et bourgeois installés et aux forces économiques contradictoires, l’auteur décrit avec talent les contextes de ce malentendu et, finalement, d’un échec : une intuition forte réduite au symbole. Le noyau réduit de compagnons à la fibre sociale et les mesures limitées adoptées furent éloignées de l’aspiration initiale à une démocratie sociale directe issue des profondeurs du peuple.

UN EXTRAIT

Ou plutôt quatre:

- « A partir de l’affaire Dreyfus, affaiblissement de l’idéal militaire. Un soi-disant idéal social le remplace ». 

- « La seule querelle qui vaille est celle de l’homme et c’est l’homme qu’il s’agit de sauver ».

- "Vichy aime le travail mais se méfie des travailleurs".

- "La patrie, c’est une mission spirituelle assignée à une communauté d’hommes".

L'AUTEUR

Laurent Lasne, né en 1958, est journaliste, éditeur et écrivain. Rédacteur en chef du magazine Participer (mensuel de la Confédération des Scop) pendant dix ans (1993-2003), il vit à Montpellier. Il a publié une vingtaine d’ouvrages dont une partie consacrée au sport et à l’histoire sociale.

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