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La Machine de Turing : on ne lui doit pas que la pomme d'Apple !
©DR

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Charles Chatelin pour Culture-Tops

Charles Chatelin pour Culture-Tops

Charles Chatelin est chroniqueur pour le site Culture-Tops.
 
Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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THEATRE

La Machine de Turing

De Benoit Solès

Mise en scène : Tristan Petitgirard

Avec : Benoit Solès, Amaury de Crayencour

INFOS & RESERVATIONS

Théâtre Michel

38, rue des Mathurins

75008 Paris

Réservations : 01.42.65.35.02

http://www.theatre-michel.fr

RECOMMANDATION  

           EN PRIORITE      

THEME

Alan Turing, professeur d’université et chercheur en mathématiques, dépose plainte pour cambriolage auprès de l’inspecteur Ross. Décision funeste, car la police va rapidement établir que l’effraction est liée à la relation que Turing entretient avec un certain Arnold Murray, garçon de café de son état. En 1952, l’homosexualité est un délit au Royaume-Uni ; elle est punie, selon les cas, d’emprisonnement ou de castration chimique. Ross s’interroge sur la personnalité pour le moins étrange de son interlocuteur : à quel travail de recherche le mathématicien se livre-t-il ? quelle a été son activité pendant la guerre ? pourquoi reste-t-il si discret sur ce point ? et pourquoi les services secrets de sa Majesté semblent-ils surveiller le déroulement de l’enquête ?

La réponse est stupéfiante : Turing est l’inventeur des principes de base de ce que nous appelons aujourd’hui l’ordinateur. Génie absolu en matière de logique et de cryptologie, il a cassé le système de codage allemand Enigma pendant la Seconde Guerre mondiale. La Royal Navy, qui était en train de perdre la bataille de l’Atlantique contre les sous-marins nazis, et donc la guerre tout court, put ainsi redresser la situation en ayant connaissance des messages les plus secrets de son adversaire.

Mais en 1952, pour cause de Guerre froide, le silence sur l’affaire Enigma est absolu (il ne sera levé qu’en 1974). Turing ne peut rien dire, ceux pour qui il a travaillé se taisent. Lui qui a – littéralement – sauvé son pays, se retrouve seul, abandonné à des juges qui n’y voient qu’une banale affaire de déviance sexuelle. La descente aux enfers commence…

POINTS FORTS

Il y en a beaucoup:

- D’abord le jeu épatant de Benoit Solès : il “est” Turing, génial et bègue, flamboyant et complexé, dégingandé, toujours hors du monde commun… On le sent possédé par sa Machine, le calculateur casseur de codes qu’il assimile à Christopher, son amour de jeunesse, et qui est, dit-il, l’embryon du “cerveau artificiel” par lequel on comprendra un jour la nature de toute chose. Amaury de Crayencour lui donne remarquablement la réplique, tour à tour Ross, le flic, Murray, l’amant de rencontre, ou Alexander, le champion d’échecs et cryptologue. 

- Ensuite, il y a la mise en scène nerveuse de Tristan Petitgirard : il enchaine les effets de scène pour marquer les péripéties de l’enquête, les retours sur la guerre, les adresses de Turing aux spectateurs, bien servi par les jeux de lumière de Denis Schlepp. 

- Enfin, il y a la vidéo de Mathias Delfau, un mur d’images projetées en fond de scène, tour à tour décor banal de bibliothèque, défilé des chiffres du code Enigma ou rouages électromécaniques de la Machine de Turing en action… C’est – vraiment – bien fait.

POINTS FAIBLES

Je n'en vois aucun. Les cinéphiles diront que l’excellent film The Imitation Game, sorti en 2014, avec Benedict Cumberbatch et la sublime Keira Knightley, raconte l’histoire de Turing avec bien plus de moyens. Dont acte… Mais il y a décidément plus de magie dans le théâtre qu’au cinéma !

EN DEUX MOTS

Il y a dans l’histoire une anecdote étonnante (mais non prouvée) qu’on ne peut s’empêcher de vous livrer. Alan Turing était fasciné par les substances toxiques naturelles et par leur utilisation comme poisons. Une scène du film de Disney, Blanche-Neige et les Sept Nains (1937) l’avait frappé jusqu’à l’obsession : celle où la sorcière prépare la pomme empoisonnée qui doit être fatale à la jeune héroïne. Il semble avoir utilisé contre lui-même une pomme contenant du cyanure qu’on retrouva croquée dans son appartement. Il avait 41 ans et subissait le traitement chimique administré aux homosexuels condamnés. C’est pour lui rendre hommage qu’un géant de l’informatique – dont on vous laisse deviner le nom – aurait choisi comme logo la fameuse pomme entamée…

UN EXTRAIT

Alan Turing : « Bref, je suis une espèce de héros, mais qui, depuis bientôt dix ans, n’a le droit d’en parler à personne ».

L’AUTEUR

Outre qu’il tient le rôle d’Alan Turing, Benoit Solès est aussi l’auteur de la pièce. Il y montre un beau talent d’écriture (il avait auparavant livré un Appelez-moi Tennessee remarqué, en 2011, dans une mise en scène de Gilbert Pascal). Avant de monter à Paris, au Théâtre Michel, sa Machine de Turing a remporté un gros succès, cet été, au festival off d’Avignon. En 2017, il avait joué dans Rupture à domicile, écrit et mis en scène par son complice Tristan Petitgirard.

Acteur complet (théâtre, cinéma, séries télé…), Solès livre aussi des chroniques occasionnelles sur le théâtre dans le magazine Transfuge

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