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La reine Victoria, héraut avant l'heure du droit des animaux
©Paul ELLIS / AFP

Bonnes Feuilles

Si tout le monde a entendu parler de la marotte de Louis XVI pour la serrurerie, qui sait que Louis XIII a été un compositeur de musique et un graphiste hors de pair, que Pierre le Grand aimait à « collectionner » les êtres difformes et les monstres (il les recherchait dans toute l’Europe), que l’impératrice Joséphine avait une connaissance érudite de la botanique et de la zoologie de ses Antilles natales ? Ce sont ces "Royales passions" que Marie Petitot nous décrit (Editions Tallandier).

Marie Petitot

Marie Petitot

Marie Petitot travaille dans la communication culturelle. Férue d’histoire, elle anime le blog Plume d’histoire qui rassemble une large communauté. Elle est également chroniqueuse dans les revues Napoléon IerNapoléon III et Château de Versailles. Âgée de 25 ans, elle publie ici son premier ouvrage.

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À première vue, l’Angleterre victorienne semble offrir aux bêtes un véritable paradis. Pourtant, la population est réputée pour être l’une des plus cruelles envers les animaux.

Après un voyage en Italie effectué au début du siècle, la romancière irlandaise Lady Morgan raconte : « Les animaux domestiques se révèlent tous plus aimables et plus intelligents sur le continent que chez nous : peut-être parce qu’on les y traite mieux, car rien n’adoucit tant que la bonté. » Le 20 juillet 1868, Victoria en personne se fait l’écho de cette observation auprès de l’homme politique Gathorne-Hardy : « La reine est désolée de dire qu’elle pense les Anglais plus portés à se montrer cruels envers les bêtes que ne le sont d’autres peuples civilisés. » Souveraine paradoxale qui condamne avec fermeté les revendications des suffragettes pour le vote des femmes, mais n’a de cesse d’améliorer le sort des animaux…

Sur le terrain, l’un de ses premiers soutiens est William Wilberforce. Cet homme politique est le leader de la « Secte Clapham » qui milite pour l’abolition de l’esclavage et de l’exploitation animale. Il s’oppose avec vigueur aux jeux sanglants au cours desquels s’affrontent chiens et taureaux. Wilberforce et ses confrères estiment qu’en assistant à de telles horreurs « l’homme devient pire que la bête ». Mais d’autres membres des Communes et même certaines femmes d’influence, comme l’écrivaine féministe Mary Wollstonecraft, lui tiennent tête. Ils estiment que les pauvres vivent un quotidien suffisamment dramatique.

Qu’on ne leur demande pas en plus de se préoccuper de bonté envers les animaux et qu’on les laisse s’amuser…

La Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA) voit le jour dès 1824. Elle est soutenue par la duchesse de Kent puis par sa fille, à qui elle doit en grande partie sa réussite et sa pérennité. En montant sur le trône, Victoria autorise l’organisation à se prévaloir du patronage royal. Elle s’illustre même en tant que marraine de l’organisation, qui devient la Société royale pour la prévention de la cruauté envers les animaux, la RSPCA. Son président, Lord Aberdare, fait l’éloge de la souveraine en 1886 : « La Société ne compte pas de membre plus actif que la reine elle-même. Nombre de choses qui échappent à mon œil moins observateur attirent son attention, prouvant qu’elle est un vigilant apôtre de la bonté.» Elle s’implique personnellement dans le développement du Battersea Dog’s Home, un refuge pour chiens créé en 1860 et partage avec Albert une grande admiration pour les travaux de Charles Darwin. Elle-même est persuadée qu’il existe d’immenses similitudes entre l’espèce humaine et les animaux, considérant que les bêtes ont une âme et un cœur. C’est ainsi qu’elle refuse d’envisager l’euthanasie de ses chiens même lorsqu’ils sont condamnés. Elle s’oppose à ce que l’on coupe les oreilles et la queue des petits et interdit de recourir au sein de sa Cour à la pratique très courante de l’amputation de la queue des chevaux. Plutôt que de faire abattre ces derniers lorsqu’ils sont trop âgés, la reine insiste pour les mettre à la retraite dans ses domaines et les laisser paisiblement mourir de vieillesse. On imagine avec quelle angoisse Victoria suit les évolutions de la recherche scientifique, en particulier la vivisection. Déterminée à réglementer cette pratique cruelle, elle adresse une lettre au président de la RSPCA en 1872. Elle espère que « les avantages des découvertes relatives à l’anesthésie, dont l’homme a tiré tant de bienfaits dans le soulagement de la souffrance, seront largement accordés aux animaux ». Elle apporte un soutien inconditionnel aux parlementaires qui votent en 1875 le Cruelty on Animals Act, une loi prônant un contrôle plus strict de la vivisection et rendant obligatoire l’anesthésie des bêtes. Le 14 août 1886, elle rédige un mémorandum sur la manière dont les chiens doivent être traités et sur la cruauté envers les animaux en général. Elle interdit aux policiers d’abattre un chien à moins qu’un vétérinaire n’ait au préalable attesté que la bête est folle. Les muselières ne doivent être employées qu’en cas d’extrême nécessité et sur des animaux qui présentent un réel danger pour la société. Elle demande aussi à ce que des enquêtes soient menées dans les plus grands abattoirs de Londres, pour en savoir plus sur les conditions de mise à mort des animaux52… Particulièrement touchée par le sort des agneaux, innocentes victimes abattues prématurément, elle décide que leur chair sera exclue de la liste des mets préparés dans les cuisines royales. Cette initiative fait long feu : « La généreuse intervention de la reine en faveur des petits agneaux provoqua de si violentes protestations de la part des bouchers et des propriétaires de troupeaux de brebis que les inoffensifs protégés de la couronne ne tardèrent pas à reprendre le chemin de l’abattoir.»

Extrait de Royales Passions, de Marie Petitot, Tallandier, 2018.

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