Crise de confiance : les Français ne croient pas au retour du pouvoir d’achat alors que...<!-- --> | Atlantico.fr
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A la recherche du pouvoir d'achat
A la recherche du pouvoir d'achat
©JON LEVY / AFP

Atlantico Business

L’INSEE, la Banque de France et les chefs d’entreprise perçoivent la fin du trou d’air, mais les Français ne croient absolument pas en l’augmentation du pouvoir d’achat.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Emmanuel Macron est véritablement confronté à un problème de confiance. Au delà du désordre politique, au delà des questions de management du gouvernement, la situation économique évolue plutôt favorablement, mais les Français n’y croient pas.

Les bonnes nouvelles nous viennent de l’Insee ou de la Banque de France. Selon l’Insee, la croissance devrait s’accélérer au second semestre de l’année 2018, +0,5% au troisième trimestre et +0,4% au quatrième, soit 1,6% pour l’année 2018. La Banque de France, d’ordinaire plus sévère que l’Insee, est aujourd’hui plus optimiste en relevant sa prévision de 0,1%. 
Si on dessine le profil de l’année, tout le monde reconnaît que, pendant la première moitié de l’année, la France s’est retrouvée à la traine de l’Europe, le fléchissement y était plus accentué qu’ailleurs pour trois raisons : la grève de la SNCF, les hausses d’impôts et l‘augmentation des prix du pétrole qui ont plombé la consommation. Or, si notre croissance a été plus poussive que chez nos voisins, c’est essentiellement à cause du moteur de la consommation qui a baissé de tonus. 
Pendant le deuxième semestre, la France va rejoindre les moyennes européennes. 
Alors, les instituts de prévision ne peuvent pas se tromper. Ils tablent sur une (forte) hausse du pouvoir d’achat à partir de la fin de ce mois d’octobre quand la majorité des salariés bénéficieront de la baisse des cotisations sociales et de la réduction de la taxe d’habitation qui vont impacter mécaniquement le niveau de la consommation. Ces deux mesures vont revenir à redistribuer des milliards d’euros directement utilisables en dépenses de consommation, d’où la reprise de croissance liée à l’augmentation du pouvoir d’achat. Selon les calculs effectués par l’Insee, l'augmentation de pouvoir d’achat sera de 1,3% en 2018, c’est à dire à peu près le niveau de 2017 (1,4%) qui était un excellent cru. Donc de ce côté-là, on n’a aucune raison de sombrer dans le cauchemar.  
Cela dit, si tous les techniciens adhèrent à ces prévisions, les Français eux, dans l’ensemble, n’y croient pas. Ils croient aux mauvaises nouvelles, ils ne croient pas aux bonnes. En l’occurrence, tous les sondages réalisés depuis quinze jours montrent que le climat de confiance est au plus bas. Alors pourquoi les Français sont-ils devenus hermétiques à ces perspectives ? Pour 3 raisons. 
1. D’abord, l’augmentation du pouvoir d’achat est une moyenne,(1,3%) et comme toutes les moyennes, celle-ci dissimule une partie de la réalité ressentie. Il y a des catégories de Français qui ne  perçoivent aucune amélioration de leur situation, les jeunes, les chômeurs et une grande partie des retraités... Ajoutons à ces critères sociologiques les pratiques : la perception du pouvoir d’achat sera différente selon que nous sommes fumeurs ou pas, utilisons une voiture particulière ou pas.
2. Ensuite, ces chiffres dont on parle sont des chiffres macro- économiques, ils sont liés au nombre de ménages, or le nombre des ménages a augmenté, donc la masse de pouvoir d’achat a augmenté. La perception dépend aussi de l’activité professionnelle et de la résidence. On retrouve dans la prévision de pouvoir d’achat le clivage entre les Français qui habitent les grandes métropoles avec des jobs de cadres dans les services financiers, commerciaux ou digitaux et les Français qui résident en régions et qui ont perdu une grande partie du tissu industriel. En bref, entre les gagnants de la mondialisation et de la modernité et les perdants de cette évolution. 
Or, les Français qui vivent de revenus de production dans le secteur marchand ont un pouvoir d’achat mieux protégé que ceux qui vivent de revenus de redistribution. 
3. Enfin, les dépenses contraintes ont beaucoup augmenté. Ces dépenses contraintes, ce sont les impôts sous toutes leurs formes, les dépenses en énergie (essence ou chauffage), assurances de toute sorte y compris les complémentaires santé, dépenses digitales (mobile, internet) etc. Ces dépenses contraintes dépassent en moyenne 30% du budget de consommation, auxquelles il faut ajouter les dépenses de logement (entre 30 et 40%). En bref, il reste moins de 30% de ce qu’on gagne à dépenser. Il faut aussi signaler la part croissante des dépenses qui sont effectuées sous la forme de prélèvements automatiques. Le développement du e-commerce participe à cette évolution. Le consommateur manie de moins en moins l‘argent, le paiement se passe de plus en plus souvent sous forme scripturale, un jeu d’écriture automatique qui débite un compte et qui réduit d’autant le sentiment perçu de pouvoir dépenser.
Les économistes raisonnent en terme de pouvoir d’achat, ils ont raison. Les Français, eux, raisonnent en terme de pouvoir de dépenser. Qu’est ce qui reste à la fin du mois, pour acheter des vêtements, ou partir en week end ?

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