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Salubrité publique : pourquoi il faut savoir accepter d’être médiocre
©Sajjad HUSSAIN / AFP

Bonne attitude

L'auteur Tim Wu explique dans une tribune publiée dans le New-York Times que les gens, lorsqu'ils pratiquent des hobbies, le font maintenant presque toujours de manière compétitive.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico : Si vous aimez la peinture, le but serait de faire des expositions. Vous aimez courir ? Il faut viser le marathon. Comment expliquer ce phénomène selon vous?

Pascal Neveu : Permettez-moi dans un premier temps de réfléchir à la notion de hobbies en fonction de nos "cultures".
Car nous n'allons pas tous vivre notre hobby de la même manière, avec la même passion, intensité, selon la façon dont sont prônées ces activités: à travers  motivation personnelle, ambition personnelle, rencontre avec l’autre, acceptation ou non du « statut débutant »…
Hélas, alors que ce qui devrait être un moment de détente, peut devenir un challenge, une défiance, une compétition, une tentative de vouloir devenir le meilleur dans un domaine alors qu’il nous semble vivre un échec personnel dans notre réalisation de vie.
Il est donc là question de réussite et de narcissisme.
Il suffit de penser aux entretiens annuels où des objectifs sont à atteindre.
Il faut penser aux Etats-Unis où l’accès à la réussite est plus glorifiée qu’en France qui pense un repos nécessaire et bénéfique.
Sans oublier les nouvelles émissions « Nouveaux talents »…
Bien évidemment que viser un marathon, exposer une œuvre, chanter face à un public ou passer à la télé… stimulent nos potentiels, surtout au sein de lieux d’émulation.
Bien sûr que des talents ont été révélés « tardivement », mais ils sont rares face à celles et ceux qui dès leur plus jeune âge ont bénéficié de l’instruction, de la formation, de l’orientation leur permettant l’accès au panthéon de la reconnaissance : artistes, sportifs, politiques…
Il s’agit d’une structuration, d’une école de formation, d’un milieu, d’un environnement, d’une communauté… peu importent les noms… c’est une essence.

Quelles pourraient être les conséquences de cette compétitivité permanente?

Il faut sans doute avant tout se rappeler qu’un hobby doit rester un centre d’intérêt, un moment de détente et de plaisir, nous sortant de notre vie quotidienne. En fait une bulle de vie sans enjeux.
Dans le cas où nous exprimerions une compétitivité permanente, le hobby ne deviendrait plus qu’un exutoire à nos frustrations et notre non accomplissement.
En ce sens, ce « passage à l’acte » est à interroger.
-       penser nos frustrations qu’il nous faut panser
-       réfléchir à ce besoin de rester en compétition plutôt que vivre un lâcher-prise, ce moment de détente
-       « guérir » cette rivalité permanente qui peut prendre naissance dès l’enfance dans une fratrie ou le lien parental.
Autrement dit, dès qu’il y a enjeu et non plus plaisir, dès qu’il y a soif de distinctions et d’honneurs, alors que nous ne sommes pas dans une logique de réalisation « professionnelle » artistique ou autre, l’ego est à interroger.
Autant ce qui est du registre des insatisfactions mais également les parcours de vie contrariés. Celle ou celui qui rêvait d’une profession et qui pense maintenant la réaliser et la vivre.
Car cela risque de provoquer 2 réactions extrêmes : le découragement et sentiment de « nullité » ou bien la hargne, l’ambition, la mesure contre l’autre… pour un combat qui n’est finalement qu’intérieur.
C’est toute la question du Moi contrarié qui souhaite s’exprimer et se vivre.

N'y a-t-il pas un risque de se détourner alors d'éviter d'avoir des hobbies pour ceux qui cherchent à se relaxer dans le sens où la compétition omniprésente pourrait dissuader les gens de pratiquer ?

Comme je le précisais, les hobbies doivent rester des moments de détente.
Bien évidemment, il existe au fond de nous un besoin de se comparer, de se mesurer à l’autre, sans doute plus inscrit chez les hommes que les femmes… quoique… Vous le voyez clairement exprimé dans un film français tel que « Bowling ».
Mais faire son entrée dans une association, un club (déjà, ces 2 termes dénotent d’une vie interne différente) où la compétition fait loi ne peut que démotiver notre besoin d’un loisir.
Il existe un cas célèbre du monde musical qui valu à son sujet deux films il y a quelques années, l’un français avec Catherine Frot,  et l’autre américain avec Meryl Streep.
Florence Foster Jenkins était passionnée d’opera et se rêvait chanteuse lyrique.
Riche héritière, malgré son entourage dont son mari la décourageant de toute carrière lyrique, elle finit par se produire à Carnegie Hall, à 76 ans, quelques mois avant son décès, dont est issu un enregistrement légendaire, tellement elle se pensait telle la Reine de la Nuit… alors qu’elle chantait totalement faux.
Le hobby doit rester un loisir, un moment de liberté, un moyen d’expression sans pression, sans enjeux, un moment de repos.
Je me permettrai de livrer 3 citations qui résument, à mon avis, ce que devrait être un hobby.
« Je plains l’homme accablé du poids de son loisir » Voltaire
« Rien d’excellent ne se fait qu’à loisir » André Gide
« Un jour de loisir, c’est un jour d’immortalité » Proverbe Chinois

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