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Macédoine : un référendum qui risque de changer plus que le nom du pays
©ROBERT ATANASOVSKI / AFP

What's in a name

Les Macédoniens sont appelés aux urnes ce dimanche 30 septembre pour se prononcer sur le nom de leur pays, après des années de tension avec la Grèce.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Les Macédoniens sont appelés aux urnes ce dimanche 30 septembre pour se prononcer sur le nom de leur pays, qui pourrait passer de République de Macédoine à République de Macédoine du Nord. Quels sont les enjeux d'un tel scrutin ? 

Florent Parmentier Le scrutin du 30 septembre a plusieurs significations, suivant que l'on se penche sur la question qui est posée ou le type de réponses qui est attendu. L'adage selon lequel on ne répond pas à la question posée à l'occasion d'un référendum reste vrai ici. Et il est également vrai que le référendum est un baromètre politique, pour la politique macédonienne comme pour la politique des différentes puissances qui suivent ce scrutin. 

L'enjeu principal est clair : les Macédoniens doivent se prononcer sur le changement de nom de leur pays, qui pourrait passer, selon le résultat du référendum, d' "Ancienne République Yougoslave de Macédoine" (sous l'acronyme anglais souvent utilisé dans les instances internationales, FYROM) à "République de Macédoine du Nord". 

L'enjeu est bien entendu celui du changement de nom, mais cela aura de nombreuses conséquences, pour le pays comme pour la région ; pour ce pays, cela pourrait ouvrir la perspective d'une intégration dans les structures euro-atlantiques, comme l'OTAN et l'Union européenne. Pour le région, le message est autre : c'est essentiellement un message d'optimisme, montrant que les choix politiques courageux peuvent faire bouger des lignes. A l'heure où le multilatéralisme est décrié, où l'Union européenne est attaquée de toute part, à l'intérieur comme à l'extérieur de ses frontières, nous avons là une victoire possible de la coopération sur les nationalistes. C'est peut-être le fameux clivage entre progressistes et nationalistes-populistes, qui s'installent comme toile de fond des prochaines élections européennes, qui connaît une sorte de répétition générale.

Attention toutefois : n'ayons garde d'oublier que la victoire du "oui" devrait être validée par une majorité des deux tiers, tandis que le statut de ce référendum n'est que consultatif. 

Quelles sont les racines historiques qui pourraient justifier un tel choix par la population ? 

Les racines historiques du débat méritent d'être rappelées : la Macédoine renvoie dans l'imaginaire européen à Alexandre le Grand (-353 à -323), c'est-à-dire à un roi grec. Le nom de Macédoine est d'ailleurs le nom d'une région grecque, qui englobe notamment Thessalonique. A quoi correspond la Macédoine moderne ? La population n'est pas d'origine hellénique, mais slave ; c'est la logique même de son rattachement, en 1918, au "Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes", qui deviendra par la suite le pays des "Slaves du Sud" (par opposition à ceux du centre de l'Europe et aux Slaves orientaux), soit la Yougoslavie (nouveau nom donné au pays en 1929). Qu'en est-il de la Macédoine ? Population orthodoxe, elle a été plus difficilement absorbée par l'identité Serbe au sein du Royaume ; lorsque Tito prend la tête de la Yougoslavie après la Seconde Guerre mondiale, il souhaite, pour le dire simplement, une Yougoslavie forte au niveau internationale, mais dans laquelle la Serbie ne soit pas hégémonique. La création de la République socialiste de Macédoine tient donc à cette idée de lutte contre ce qu'il perçoit comme un risque d'hégémonie serbe, en n'hésitant pas à appuyer le développement d'une identité macédonienne autonome. En 1991, les résultats du référendum sur l'indépendance sont sans appel : près de 95% des Macédoniens souhaitent voir leur pays devenir indépendant. 

Pendant plus d'un quart de siècle, la Grèce a tenté de prévenir toute forme de captation d'héritage, craignant la montée de revendication contre son intégrité territoriale et son patrimoine historique. Le nom de "République de Macédoine du Nord" constitue un compromis entre Skopje et Athènes, élaboré après de longues discussions ; le Premier Ministre grec Tsipras a eu un rôle important pour la mise en place de cette solution, ce qui permettrait un retour de la Grèce sur la scène européenne, après en avoir fini avec les plans de sauvetage. Le compromis proposé est une manière, pour la Macédoine comme pour la Grèce, de reprendre l'initiative dans l'Europe du Sud-Est. 

Quelles sont les causes profondes qui animeront le vote pour les deux visions qui s'opposent ? Faut-il craindre des tensions dans le pays à ce sujet ? 

La majorité des deux tiers sera compliquée à atteindre : la coalition au pouvoir, les sociaux-démocrates et les représentants des minorités albanaises, n'ont pas cette marge. Et ce, d'autant plus que le Président macédonien, Gjorge Ivanov, a déclaré devant l'Assemblée Générale des Nations Unies vouloir s'abstenir sur le référendum. Les intransigeants de l'opposition voient une belle occasion de fragiliser le gouvernement actuel. 

 Le référendum intéressera également de nombreux acteurs politiques internationaux : Viktor Orban a ouvertement soutenu les efforts du parti d'opposition, arguant qu'il fallait refuser "de céder à la pression des puissances étrangères", une position partagée par la Russie, qui ne souhaite pas pousser la Macédoine vers une orientation euro-atlantique. La chancelière allemande, elle, a pris position très ouvertement en faveur du changement de nom, de même que les Etats-Unis. 

A l'occasion d'un référendum dans un pays de deux millions d'habitants, c'est donc bien à une répétition générale des élections européennes à laquelle nous assistons. 

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