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Mea culpa présidentiel : Emmanuel Macron peut-il espérer changer l’image qu’ont désormais de lui les Français ?
©Thomas SAMSON / POOL / AFP

Gaulois réfractaires

Habitué des petites phrases et des déclarations polémiques, telle celle sur les "Gaulois réfractaires au changement", le président de la République a changé de stratégie ces derniers jours. "Aidez-moi, j’ai besoin de vous, journalistes, population, élus", pour expliquer l’action de l’exécutif, a-t-il lancé jeudi depuis les Antilles.

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico : Jeudi 27 septembre au soir dans un entretien accordé à l'émission Quotidien, Emmanuel Macron est revenu sur sa formule polémique du "Gaulois réfractaire au changement" : "c'est une erreur. Et je l'assume", a-t-il dit. Pour autant, la veille, le président s'est fait remarquer avec une nouvelle phrase polémique : "La meilleure façon d'être haut dans les sondages est de donner de l'argent aux gens, ce n'est pas ce que j'ai proposé". Dès lors, comment évaluer le mea-culpa d'Emmanuel Macron ? Qu'en conclure de la personnalité du président ?

Arnaud Benedetti : Il faut bien comprendre que quelque chose en effet s’est déréglé dans la communication présidentielle. Cela a commencé avant l’affaire Benalla et cela s’est indéniablement ossifié depuis. Dès le printemps, l’exercice communicant est devenu en quelque sorte “parkinsonien", comme si le principe de cohérence du début de mandat s’était subitement évanoui. Reste à comprendre quelles ont été les raisons de cette perte de contrôle. Sans doute d’abord un excès de confiance suscité par une forme de “ divine surprise “ qui a vu in fine peu de résistance sociale opposée aux réformes les plus symboliquement explosives promues par la majorité : le code du travail et la réforme de la SNCF. Après l’improbable victoire du Printemps 2O17, cette marche en avant a gonflé, dopé l’égo d’un pouvoir qui a fini par croire à son storytelling, à s’auto-investir d’un rôle, d’une mission dont le caractère historique lui paraissait exclusif. C’est l’hubris dont non sans un certain bon sens a parlé le ministre de l’intérieur. Le macronisme a perdu pied avec la réalité et s’est cru autorisé à toutes les formes d’expression : brutale avec le recadrage d’un lycéen au Mont-Valerien, provocatrice avec la vidéo sur le" pognon de dingue", relâchée avec les images de la fête de la musique à l’Elysée, etc... S’est installé de manière diffuse dans l’écosystème médiatique plutôt bienveillant jusque là, puis dans les opinions un halo de perceptions où l’incompréhension le disputait à ce sentiment que décidément le président en faisait peut-être un peu trop... quoi qu’il en soit sa communication a perdu de sa lisibilité et en conséquence son exercice du pouvoir, dans un contexte de montée des doutes quant à l’efficience et à l’équité de sa politique, s’est abîmé. 

Son mea culpa concernant sa phrase sur les " gaulois réfractaires " marque t’il une prise de conscience des limites de son comportement et de sa com’? Tout ceci ne sera discernable que sur la durée, laquelle sera le vrai juge de paix en la matière.Dans l’immédiat il convient de noter qu’il s’agit d’un regret et non d’une contrition. Le président regrette mais rajoute : j’assume. Ce verbe fonctionne un peu comme le totem de la macronie. Il signe bien plus la fierté du pouvoir, son assurance que la reconnaissance d’une erreur... D’où l’extrême prudence avec laquelle il convient d’appréhender cette formule propiatoire. 

On comprend bien qu'Emmanuel Macron a pour ambition de se démarquer de cette image de président des riches" qui semble prendre les Français de haut. Il prévoit notamment de s'adresser à eux dans les prochains jours. Mais est-il possible en communication politique de corriger une image aussi fortement ancrée ?

Emmanuel Macron a les défauts de ses qualités. Il fut un moment où les premiers se dissipaient car les secondes constituaient une promesse d’action, de réussites, de page nouvelle. Le président allait écrire un nouveau chapitre. L’affaire Benalla, mal gérée dés le début, a opéré comme un révélateur et un condensateur de toutes les aspérités du macronisme. Elle les a réactivé de manière caricaturale : le " nouveau monde " apparaissait bien plus comme une baseline de marketing qu’une révolution politique, les avantages accordés à Benalla, la protection dont il semblait à tort ou à raison bénéficier renforçait ce sentiment d’un esprit de clan, voire de caste qui règnerait dans la haute atmosphère macronienne.

Pour infléchir une communication, il faut d’abord modifier son économie psychologique. C’est à dire pour le président commencer à accepter une forme de relativisation de ses certitudes et de son pouvoir. Le macronisme ne peut avoir raison tout seul. Dans nos régimes, tout se négocie, y compris les convictions. La démocratie est un ajustement permanent du pouvoir à l’esprit des opinions, à leur ressenti. Sans doute le Président est-il sincère dans sa volonté de redresser le pays, dans la force aussi de ses certitudes, mais encore faut-il qu’il sache entendre et écouter. Cela s’appelle la communication. Pour rompre avec une image fortement cristallisée de hauteur, de surplomb incandescent, d’excès d’assurance, le pouvoir devra immanquablement procéder à ce travail sur soi. Le vieux pays s’est mis à douter de la jeunesse de la team Macron... 

Quels seraient les moyens qu'il pourrait employer ?

Il lui faudra faire de la politique. Faire monter des figures rassurantes, expérimentées, en mesure d’apaiser et de rassurer ( le profil du ministre technicien est par trop non-communicant, froid, inaudible ). Accepter de revoir le storytelling binaire qui veut que la France et les français n’aient pas bougé depuis 40 ans- ce qui est bien évidemment faux car la France a encaissé d’énormes chocs d’adaptation depuis des décennies. Lisser sa communication en lui substituant une sobriété à cette écriture éruptive, électrisante que ne manque jamais de déployer ces petites séquences productrices de buzz le plus souvent allergisants. Donner de la respiration au parti majoritaire où le débat apparaît cadenassé, comme si " En marche " constituait d’abord une marque corporate avant d’être une organisation démocratique. Tout ceci suppose d’en finir avec la fable jupiterienne, de rompre avec le souci de l’image exclusivement esthétique, d’en revenir à une forme de modestie du pouvoir. Souvenez-vous de Pompidou : il a modernisé la France, plus qu’aucun autre peut-être, mais sans jamais maltraiter le corps social. 

A-t-on des exemples ou des précédents d'un président qui aurait vraiment réussi à corriger le tir tout en étant en fonction ?

Macron y est parfois parvenu. Après l’été 2017 où sa cote de popularité s’était fortement affaissée, il a su rebondir. Ce qui démontre qu’il dispose de ces qualités de plasticité dont un Prince doit faire montre. Faut-il encore qu’il soit moins concentré sur l’image qu’il veut projeter de lui-même que sur sa réputation, ce capital dont Machiavel avait compris qu’il était la matrice essentielle à la préservation du pouvoir. 

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