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Les peuples se révoltent contre une Europe qu’ils estiment trop libérale alors qu’elle souffre de ne pas l’être assez
©YVES HERMAN / POOL / AFP

Atlantico Business

Les pays membres de l’Union Européenne se plaignent d’une Europe trop libérale, alors que Bruxelles se veut protectrice, trop sans doute.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Après la Grèce, l’Autriche, la Pologne, l’Italie, la Grande Bretagne, la Hongrie, l’Autriche, des courants importants de l’opinion manifestent un rejet de plus en plus déterminé de l’Union européenne. 

Ces courants sont identitaires, nationalistes, ils se retrouvent dans l’opposition à une immigration non régulée et surtout un rejet parfois violent de l’Union européenne telle qu’elle fonctionne, sa technocratie, ses normes, ses régulations et son libéralisme. 

Aussi curieux que ça puisse paraître, ces mouvements se coagulent contre cette Europe qu’ils accusent d’être trop libérale alors que c’est l’inverse, si Bruxelles cristallise la grogne et la colère, c’est parce que Bruxelles trop autoritaire n’est pas assez libérale justement.  

Il faudra un jour expliquer pourquoi on en arrive à considérer que l’Europe aurait été pendant toutes ces années trop libérale, alors que c’est exactement tout le contraire qui lui a servi de moteur : l’Europe s’est construite pour se protéger des excès du libéralisme. Les populistes, ou du moins les leaders qui mènent la fronde, se trompent complètement en dénonçant l’Europe libérale. Ils se trompent ou alors le font exprès pour récupérer des forces de gauche en déshérence dans la plupart des démocraties. L’explication de ce paradoxe tient en peu de mots. 

L’Union européenne n’est pas une création des libéraux et même pas des ultra libéraux qui n’en voulaient pas.  L’Union européenne a été construite par toute une lignée de dirigeants politiques qui, depuis la guerre, n’a eu de cesse de tout faire pour éviter le retour de la barbarie nazie. Au départ, c’est un projet politique qui vise à empêcher la guerre. 

L’Union européenne s’est construite d’abord sur des fondations économiques et monétaires en faisant le pari que ces fondations  serviraient de points d’appui pour construire une union politique et qui sait, un jour ; une structure fédérale comme les Etats-Unis. 

L’Union européenne a donc été construite dans un souci de se défendre de la concurrence internationale dans un monde de plus en plus ouvert, avec l’ambition de protéger ses peuples et sa façon de vivre avec notamment un modèle social unique au monde. 

Tous ceux qui ont façonné cette construction de Jean Monnet au général de Gaulle, en passant par Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Delors, François Mitterrand, Jacques Chirac, François Hollande et Emmanuel Macron. Sans parler de tous les chanceliers allemands, tous ont été forgés par la pratique sociale-libérale-démocrate.  

L’Union européenne a été construite avec l’obsession d’harmoniser l’espace intérieur au niveau fiscal et social et d’amener progressivement toutes les régions d’Europe aux mêmes conditions. D’où au départ, cette politique de fonds structurels qui revenait à redistribuer des financements afin que les pays les plus en retard se mettent à niveau très vite. D’où ces contraintes qui visent à harmoniser les procédures et les modalités de fonctionnement budgétaires et administratives.  

L’Union européenne a aussi été construite avec le souci de préserver à chaque peuple son identité culturelle, sa langue, c’est à dire sa liberté. Le fameux principe de subsidiarité a été mal compris et mal géré.

Cette Europe-là s’est construite bon an, mal an, tant qu‘il y a eu de la croissance et de l’argent à redistribuer. La redistribution géographique et sociale a été l’énergie des gouvernements socio-démocrates. Parce que,  qu’on le veuille ou non, les gouvernements européens ont tous été, sous des vocables différents, d’inspiration socio-démocrate ou libérale-sociale. Des gouvernements qui recherchaient en permanence le compromis responsable entre les mécanismes de marché et l‘intervention de l’Etat, d’où le poids des technocraties dans toutes les capitales européennes. 

L’Union européenne a donc inventé un modèle de fonctionnement et de collaboration très éloigné des principes libéraux. 

Ce modèle a très bien fonctionné pendant la deuxième moitié du 20e siècle. De la fin de la 2ème guerre mondiale (1944) à l’année 2000. Parce qu’à l'aube du 20ème siècle, le monde a été traversé de crises qui annonçaient un changement des rapports de force sur la planète. Des premiers chocs pétroliers (1973,1979) qui ont marqué l’affranchissement des monarchies du Golfe puis de l’ensemble des producteurs de pétrole, à la dernière crise financière déclenchée en 2008 pour cause d’endettement excessif. 

Entre temps, le monde s’est ouvert avec l'arrivée sur le marché international des pays émergents et une révolution technologique qui allait bouleverser tous les logiciels d’organisation en fluidifiant la distribution (quasi gratuite) de l’information devenu le nerf de la guerre économique. 

C’est à cette époque que les européens ont cru bon d’intégrer (pour des raisons politiques) quantité de pays qui tapaient à la porte de l’UE,  pour profiter des avantages de Bruxelles et de l’euro. L’Europe est devenue un immense paquebot où certains montaient en espérant profiter de la croisière sans beaucoup d’effort.  

C’est à cette époque, juste après la crise de 2008, qui a touché gravement l'économie européenne, qu'un certain nombre de pays se sont mis à ruer dans les brancards et à se plaindre que l’Union européenne leur imposait un régime trop rigoureux. 

De fait, la réaction de l’Union européenne a été de se protéger et de protéger les populations contre ce mal de la financiarisation de l’économie venue du monde anglo-saxon.  

D’où la mise en œuvre de plans de soutien monétaire pour éviter les ruptures de liquidités. 

D’où la mise en œuvre de mesures sociales pour amortir les chocs. 

D’où la mise en place de nouvelles régulations et de contrôle pour les banques...

D’où une réflexion avancée mais douloureuse pour freiner la libre circulation des hommes. 

D’où le rappel à l’ordre général de la nécessité de respecter les équilibres budgétaires afin de ne pas mettre le feu aux taux d’intérêt. 

Un certain nombre de pays n’ont pas supporté dans le contexte économique d’alors, ces régulations, ces contrôles, ces disciplines. 

La Grande Bretagne a voté le Brexit, c’est à dire la décision de quitter l’Union européenne qui lui imposait une sorte de carcan règlementaire.

L’Italie a considéré que les solutions sociales libérales étaient trop contraignantes, qu’elles n’avaient apporté aucun résultat, et qu’il lui faudrait gagner une part de liberté et d’autonomie. 

Les mouvements populistes qui se développent en Pologne, Hongrie, Autriche et ailleurs vont dans le même sens. 

« Ras le bol de cette Europe trop libérale” disent-ils, alors que c’est de la régulation qu’ils souffrent et des contrôles dont ils veulent se dégager. 

Ce débat est intéressant, parce que dans ces pays, leurs dirigeants populistes réclament plus d’autonomie et de liberté de mouvement, mais ils n’ont pas expliqué que cette liberté avait un prix. Ce prix reviendra à perdre la protection et la garantie de l’Europe. C’est intéressant parce que la démocratie s’exprime, mais pas toujours dans le sens qu’on pouvait l’imaginer. 

La Grande Bretagne est prête, semble-t il, à plonger dans le libéralisme financier international, mais ceux qui ont voté pour le Brexit s’attendaient à autre chose. Plus de sécurité et de protection sociale. C’est à dire que dans ce monde globalisé, ils devaient revendiquer plus d’Europe au lieu de la rejeter. 

La Grande Bretagne, par sa situation, son histoire et sa puissance aura sans doute les moyens de s’en sortir dans la jungle libérale. 

Mais l‘Italie, la Pologne, la Hongrie, l'Autriche prennent des risques comme la Grèce, de se retrouver face au mur des réalités. Leurs dirigeants le savent bien. Ils ont tous fait ces dernières semaines un voyage à Pékin et à Washington pour quémander des aides et des soutiens. 

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