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Emmanuel Macron, les pays de l’est et “l’Europe de l’argent”  !
©LUDOVIC MARIN / AFP

Un peu de décence s’il vous plaît

"Emmanuel Macron, comme ses prédécesseurs, est en pleine contradiction. D’un côté, il se félicite d’un projet européen qui place l’égalité entre ses membres comme un principe cardinal, et va même jusqu’à envisager que la France renonce à son commissaire européen. D’un autre côté, il attend que tous se rangent derrière le couple franco-allemand, c’est-à-dire, dans son esprit, son seul panache".

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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La réunion informelle des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne à Salzbourg le 20 septembre a confirmé l’état de paralysie générale de l’Europe. Pour le Président Macron, l’explication de ce blocage est simple. Les responsables sont à trouver du côté des égoïsmes nationaux des pays fauteurs de trouble, comme l’Italie, qui refuse d’accueillir de nouveaux migrants, la Hongrie et la Pologne qui refusent leur répartition. Ces pays sont, selon les mots d’Emmanuel Macron, « ceux qui n’aiment l’Europe que lorsqu’elle donne de l’argent », les fameux fonds structurels qui profitent largement aux pays d’Europe centrale et orientale. Pour Emmanuel Macron, la menace doit être clairement formulée : « les pays qui ne veulent pas davantage de solidarité (…) ne toucheront plus les fonds structurels ».

Disons-le tout net, ces mots du Président de la République sont choquants, mais aussi contreproductifs, inquiétants et un peu pathétiques.
Ces mots sont choquants car ils s’inscrivent dans la lignée des déclarations arrogantes des dirigeants français à l’adresse des plus petits pays de l’Union européenne. Ils rappellent, par exemple, les mots de J. Chirac concernant les achats d’armement de la Pologne.
Ils sont contreproductifs car, comme à chaque fois, ils hérissent à l’encontre de la France l’ensemble des plus petits pays de l’Union européenne. En la matière, Emmanuel Macron, comme ses prédécesseurs, est en pleine contradiction. D’un côté, il se félicite d’un projet européen qui place l’égalité entre ses membres comme un principe cardinal, et va même jusqu’à envisager que la France renonce à son commissaire européen. D’un autre côté, il attend que tous se rangent derrière le couple franco-allemand, c’est-à-dire, dans son esprit, son seul panache.
Ces mots sont inquiétants car ils blessent l’Union européenne. Le Président français use de la menace pour obtenir d’Etats membres des concessions politiques sur un sujet, les flux migratoires, qui est au cœur de leurs compétences régaliennes. Faut-il rappeler que l’Union européenne est bâtie autour de compétences juridiques, donc certaines, qui correspondent à l’Europe fédérale, sont exclusives, c’est à dire dont l’exercice est entièrement confié aux institutions européennes ? La politique migratoire, et encore moins les institutions nationales n’en font partie ! Le chantage exercé sur les pays de l’Est est sans précédent et accentue plus qu’il ne résorbe la crise profonde que traverse l’Europe depuis la folle décision unilatérale de l’Allemagne en 2015 de créer un appel d’air migratoire.
Ces mots sont pathétiques, car ils trahissent en réalité l’incapacité à gérer l’irruption brutale de la volonté populaire et des identités nationales dans le débat européen. Deux réalités qu’ils avaient cru réussir à complètement occulter dans la construction d’une Europe de plus en plus fédérale et « translucide », sans racines et sans passé. Pas plus que dans les derniers mois, ces menacent ne parviendront à infléchir les positions des Etats membres désireux de préserver leur identité au nom de leur civilisation.
Enfin, la référence faite par Macron au rôle de l’argent dans la motivation de certains Etats pour appartenir au club européen ne manque pas de saveur. Si ces Etats paria ne sont en fait intéressés que par les subsides de Bruxelles, les pays vertueux seraient donc, eux, portés par un sens admirable de la générosité et du partage ? Un tel reproche, de la part d’Emmanuel Macron, est déplacé. L’UE à 28 de 2018 n’a plus grand-chose à voir avec l’Europe des Six des origines, fondée dans l’après-guerre sur un réel désir de paix et de rapprochement entre les peuples. Quelles sont aujourd’hui les grandes réalisations de l’Union européenne, ses grandes réussites et ses réels pouvoirs ? Le grand marché unique est une réussite pour les grandes entreprises européennes dont l’influence est prédominante pour la production des règles législatives au Parlement européen. La politique commerciale commune porte leurs intérêts à l’exportation dans les pays tiers. L’euro, le projet d’intégration fédérale le plus achevé, a été un triomphe pour les grandes banques dont il a permis l’expansion inconsidérée (taille de bilan). Sur tous ces sujets, l’UE est une réalité tangible, qui agit et use de pouvoirs très étendus, au plus grand bénéfice des grandes entreprises et des banques, qui savent, c’est leur droit et leur devoir, défendre leurs intérêts. Par comparaison, l’UE n’agit quasiment pas dans les autres domaines qui concernent en premier lieu les petites entreprises et les citoyens : l’éducation, la santé, la formation, l’immigration, les prestations sociales.
L’Union européenne, qu’Emmanuel Macron semble méconnaitre, est bien une Europe de l’économie, de la monnaie, du commerce, et donc, de l’argent. Ces déclarations témoignent de la dérive sans cesse grandissante du Président de la République qui ne voit pas et qui n’entend pas la réalité des nations et des peuples européens qui n’entendent sacrifier à rien la préservation de leur identité, car elle ne se monnaye pas.
En définitive, réduire le débat européen à un chantage mesquin aux financements de Bruxelles est un bien mauvais service à rendre à l’Union européenne. C’est surtout une caricature ! Il faut espérer que les élections européennes qui s’annoncent permettront des débats plus profonds. L’état de l’Europe l’exige.

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