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Zemmour contre Sy : deux visions dépassées de la France
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Guerre des prénoms

On aurait tort de voir dans la querelle sur les prénoms qui oppose Eric Zemmour et Hapsatou Sy, comme les médias nous y invitent, autre chose que le triste spectacle d’un conflit sans réel intérêt. Sauf à en faire un décryptage sans concession.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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Car sous la question se cache la rencontre entre deux thèses en apparence opposées mais qui ont en commun d’être aussi peu fidèles à l’idéal démocratique et républicain qu’elles prétendent pourtant défendre. 

Aucun des deux protagonistes n’a compris le sens profond de ce phénomène récent, légalisé en 1993, qui permet aux Français de prénommer leurs enfants comme bon leur semble, en toute liberté. Les plumes connues du journalisme politique, de Jérôme Béglé, à Franz-Olivier Giesbert en passant par Jean-Jacques Bourdin, Natacha Polony et Caroline Fourest ont pourtant pris parti pour ou contre Zemmour.
Tout a commencé chez Les Terriens du Dimanche, la joyeuse émission de Thierry Ardisson. L’invité « fil rouge » du jour, dont le dernier opus « Destin français » est numéro un des ventes sur Amazon, est venu discuter de ses  nostalgiques thèses nationales. On sait qu’il a reproché à Rachida Dati d’avoir appelé sa fille Zora, et à Carla Bruni d’avoir appeler la sienne Giulia. Là, il est sommé de se justifier en répondant à la question d’Hapsatou Sy qui lui dit que ces thèses sont une insulte à la France : « Vous voudriez que je m’appelle comment? ». En lui disant qu’il remplacerait bien Hapsatou, dont les sonorités nous invitent au voyage, par « Corrinne » Zemmour rempile et lui assène : « c’est votre prénom qui est une insulte à la France ».
Suite à ce débat, on a donc d’un côté Eric Zemmour dénonçant la décadence d’une société qui se détournerait de ses anciennes valeurs nationales issues de la chrétienté au profit, croit-il, d’un envahissement par la culture islamique via l’immigration et puis, de l’autre, la posture construite par réaction d’Hapsatou Sy, qui, pour contester le propos de Zemmour, qu’elle juge sans doute liberticide et anti-démocratique, s’engouffre dans l’indignation anti-raciste. 
Or il est bien navrant que Madame Sy ait choisi le terrorisme de la bien-pensance au profit, in fine, de sa notoriété. Car force est de constater que sa pétition agitée sur la toile, digne d’une grenouille de bénitier, en voulant interdire Zemmour d’antenne et si possible de lecteurs est bien peu soucieuse du débat démocratique. Appuyée par Jean-Jacques Bourdin sur RMC ou Caroline Fourest dans Marianne, elle prétend lutter contre celui qu’elle tente, en réalité, de diaboliser. 
A la fois réactionnaire et conservateur Zemmour se sent d’une autre époque et voudrait qu’on y revienne. Mais son retour aux prénoms d’antan prête au rire plutôt qu’à une vraie polémique, ou à cette psychiatrisation de ceux qui, comme lui, s’opposent au politiquement correct qui domine certains esprits. 
La thèse du pessimiste Zemmour sur la décadence de notre temps se retrouve aussi, avec des particularités, chez l’Académicien Alain Finkielkraut ou chez le romancier Michel Houellebecq, faut-il aussi leur clouer le bec? 
Et s’il est vrai que Zemmour critique l’introduction des prénoms issus de la culture arabo-musulmane, ou de consonances étrangères, dans la culture française, l’argument anti-raciste par lequel ses détracteurs le combattent se situe du côté d’une vision communautariste de la société, à l’inverse de l’individualisme politique, et de la liberté démocratique qu’ils auraient pu soutenir.
A condition qu’ils suivent, contrairement aux positions de Zemmour et d’Hapsatou, une analyse qui, selon moi, renvoie ce changement des prénoms aux développements modernes de la démocratie d’après un processus sociologique qu’a bien analysé Paul Yonnet dans son livre Jeux, modes et masses
Ce n’est pas tant l’immigration, ni l’idéologie anti-raciste, mais bien la mondialisation du libéralisme, sous la forme de l’individualisme libéral côté culturel, et du capitalisme, côté économique, qui a fait exploser les carcans culturels français qui pesaient autrefois sur les prénoms. 
De sorte que le choix des prénoms obéit désormais aux progrès de la liberté individuelle fondement de la démocratie moderne. Et quelle que soit leur origine, y compris celle qui conduit par véganisme à appeler son fils Racine, ce choix est bien plutôt dicté par les trois grands critères qu’isole Yonnet : « individualisme, caractère de masse et dé-politisation » qui déterminent l’« avancée concomitante de la modernité et de la démocratie », n’en déplaise aussi bien à Madame Sy qu’à Monsieur Zemmour.
Car à l’opposé, tous deux se cantonnent à des combats d’arrière garde : contre une soit disant décadence d’un côté, pour une idéologie anti-raciste de l’autre, sans intérêt du côté de l’avenir de nos enfants bien plus touché par la gestion culturelle et politique des progrès de l’intelligence artificielle, ou des nouveaux mode de procréation.

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