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Agaçante, sans doute, mais douée
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Côté création, 2018 est une bonne année pour Christine Angot: après un remarquable spectacle théâtral, "Dîner en ville', voici un roman, Angot pur jus, provocant mais intense, intelligent et vrai.

Marine Baron pour Culture-Tops

Marine Baron pour Culture-Tops

Marine Baron est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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LIVRE
UN TOURNANT DE LA VIE
DE CHISTINE ANGOT  
ED.  FLAMMARION
92 PAGES,
18 EUROS
Publié le      2018
RECOMMANDATION
Excellent

THÈME

Une femme vit une relation imparfaite mais tranquille avec Alex, un homme qui l’aime et avec lequel elle vit depuis plusieurs années. Elle croit mener une existence consistante et sûre jusqu’à ce qu’elle recroise par hasard Vincent, son précédent amour qu’elle a fui par peur de souffrir. La violence imparable du choc né de cette soudaine proximité ne peut que lui faire admettre qu’elle l’aime encore. La voilà partagée entre l’excitation de revoir Vincent, d’avoir le sentiment de vivre plus fort, de ressentir un bonheur sans appel et la volonté de préserver Alex tout en se préservant elle-même. Renouant malgré elle avec Vincent et se détournant peu à peu d’Alex, elle s’apprête à devoir choisir entre l’amour qui apaise et l’amour qui met en danger.   

POINTS FORTS

Le thème de l’opposition et du déchirement entre ces deux sortes d’amour, celui qui rassure mais risque de lasser et celui qui transporte mais peut blesser au plus haut point est à la fois archi-classique et universel. Chacun pourra se reconnaître dans ce dilemme et apprécier dans ce livre, du moins pour leur justesse, les descriptions des sentiments de plénitude ou de lassitude coupable et celles des sensations de l’évidence d’un amour sans appel, imposées par le corps lui-même.  
Le livre se lit d’un trait de la première à la dernière page ; la scène de départ plantant brutalement le décor de l’intrigue, le « tournant de la vie » de la narratrice prend, si l’on peut dire, un virage immédiat qui parvient à capter l’attention du lecteur ; et le retour de l’amant maudit est aussi attendu que savoureux.

POINTS FAIBLES

Une telle sincérité crue se dégage de l’écriture, écriture qui semble coller coûte que coûte aux dialogues les plus violents comme aux plus quotidiens, qu’elle pourra sans doute irriter certains lecteurs. Cette irritation pourra également naître du fait de la popularité polémique de l’auteur du livre ainsi que de celle de son amant (Bruno Beausir, alias Doc Gynéco, rappeur star des années 90) et de la difficulté de s’en abstraire. Cependant, il y a dans ce livre une distance jusque-là inconnue dans les romans de Christine Angot qui, pour la première fois depuis bien longtemps, transforme ici les prénoms de ses personnages, ne se nomme pas et donne à son histoire une impression de suspension dans le temps ; on pourra l’apprécier si l’on s’efforce de garder soi-même une distance nécessaire avec les personnes que l’on peut reconnaître dans le texte.

EN DEUX MOTS ...

Si la célébrité de Christine Angot et ses coups d’éclats télévisuels montés en épingle suscitent l’indiscrétion et un intérêt ambigu pour ses livres, il faut pourtant parvenir à oublier ce cirque médiatique pour apprécier « Un tournant de la vie ». Il s’agit d’un roman d’amour, mais aussi d’une histoire sur la part que tiennent dans l’amour le hasard et la volonté. Une femme est perdue entre deux hommes, une soudaine proximité avec celui qu’elle croise au détour d’une rue, le surgissement d’un vieux rêve, un appel impérieux de son corps la poussent à renouer la relation la plus intense et la plus toxique, buvant elle-même un poison qui, jadis, l’avait blessée, aux dépends d’un homme à qui elle tente malgré tout de rester loyale.  Mais son dilemme amoureux se résout à la fois par hasard et par un choix qui s’impose : guérir pour de bon celui ou celle qui ne fait jamais, au fond, que « s’empoisonner lui-même ».

UN EXTRAIT

« J'ai poussé la porte de la salle de bain. Un grand miroir allait d'un mur à l'autre. Je me suis vue. Je me suis souri. J'ai pensé : « Je ne sais pas où j'en suis. On verra. Pour l'instant je ne réfléchis pas. » J'étais heureuse. C'était le sentiment qui dominait. La baignoire était en marbre vert. J'ai ouvert le robinet. L'eau sortait à gros bouillons d'une bouche de lion en bronze. Un peignoir était suspendu de chaque côté de la porte. Pour me rendre compte de l'épaisseur du tissu, j'ai pris un pan dans ma main, et je l'ai froissé entre mes doigts ». p110.

L'AUTEUR

Christine Angot, écrivain et chroniqueuse pour l’émission de télévision « On n’est pas couché », est l’auteur d’une vingtaine de romans dont « Vu du Ciel » (1990), «Pourquoi le Brésil » ? (2002) et « Les Désaxés » (2004). 
Elle s’est fait connaître du grand public en 1999 avec la publication de «L’Inceste », roman dans lequel elle décrivait les relations sexuelles destructrices imposées par un père à sa fille. 
Elle est également l’auteur de pièces de théâtre et de chroniques littéraires.
Elle a obtenu le prix de Flore en 2006 pour « Rendez-vous ». 
Son roman précédent, « Un amour impossible », vient de faire l’objet d’une adaptation cinématographique dont la sortie est prévue pour novembre 2018.

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