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Plan santé : la réforme présentée par Emmanuel Macron pour les 50 prochaines années ne tiendra pas un an
©ETIENNE LAURENT / POOL / AFP

Atlantico Business

Il y a de bonnes choses dans le plan Santé, mais certainement pas de quoi révolutionner le système français pour le siècle à venir.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Ce plan Santé présenté par Emmanuel Macron en personne n’a pas bouleversé les professionnels, ni les malades et encore moins les assurés sociaux (c’est à dire ceux qui paient). L’annonce avait été bien préparée, les services du gouvernement nous avaient promis une réforme historique capable de répondre aux besoins pendant un demi siècle au moins. Cette réforme ne tiendra pas un an. Les projets sont tellement conservateurs, prudents et timides qu’ils passent à coté des contraintes et des besoins.

1er point, il y a de bonnes choses dans le projet. La reconnaissance des performances du système de soin et sa protection, la mise à disposition d’assistants médicaux pour les médecins est sans doute une bonne idée, la fin du numerus clausus aussi, la mise à disposition d’un budget de 3 milliards d’euros supplémentaires, pourquoi pas... le développement de la médecine de proximité, la lutte contre les déserts médicaux. Tout cela est attendu certes. Tout cela correspond à des revendications légitimes de la profession et des patients.

Et même la notation des médecins ou des équipes médicales sera acceptée par le corps de soignants qui y voit un outil d’émulation et de stimulation, donc de progrès.

Tout cela est absolument utile et nécessaire, à condition d’oublier les incohérences. Quand on promet aux patients installés en campagne qu’on va remédier au désert médical, le patient comprend qu'on va installer des maisons de soins ou des hôpitaux. Or, pourquoi ne dit-on pas qu‘il y déjà trop d’hôpitaux en France (environ 30%), que les hôpitaux français sont peu fréquentés, moins qu’en Europe, et qu’il faudrait en fermer, pour les regrouper, encore et toujours. Depuis 20 ans, les ministres de la santé se sont efforcés de rationaliser la répartition géographique des équipements. Ils n’ont guère réussi face à la résistance des maires et des présidents de conseil général.

La réorganisation et l'accroissement des effectifs seront bien accueillis, mais ne faudrait-il pas, avant, dénoncer les ravages faits dans l’organisation de la loi des 35 heures?

Enfin, on parle de la médecine pour le demi siècle prochain sans prendre en compte les progrès que va apporter le digital dans le système. Digital pour le diagnostic, la gestion d’informations pour la prévention et le changement révolutionnaire pour l’opération. Le digital, c’est la communication, c’est la gestion de data sur le patient, c’est l’intelligence artificielle et l’arrivée massive des robots.

Le plan santé n’en fait pas état ou alors à la marge, alors que les experts considèrent que le digital va structurer l’organisation de la médecine moderne.

2e point : Le plan santé a surtout un déficit de vision stratégique sur le contenu de la médecine, son ambition et son financement.

Le système de santé devra changer ses priorités. Jusqu’alors, le système de la santé français a priorisé dans ses investissements de recherche et ses dépenses de fonctionnements, le système de soin. Du coup, la médecine française est une des meilleures du monde.

Par contrecoup, on a délaissé la médecine préventive. On sait diagnostiquer les maladies, on sait les traiter, les soigner et très souvent réparer le malade. Mais on sait mal prévenir la maladie, mettre les conditions en place pour l’empêcher de se développer. On a su grâce aux vaccins (grâce à Pasteur) éliminer les grandes maladies infectieuses, mais on a du mal à faire reculer les maladies les plus graves et les plus mortelles souvent : les cancers et les maladies cardio vasculaires. Or, on a repéré les facteurs de risques qui pèsent sur ces maladies : le tabac, l’alcool, certaines habitudes alimentaires.

Cette prévention nécessaire est du ressort de l’Etat, pour récolter l’information, sortir des normes et multiplier des contrôles. Cette prévention est du ressort de l'école et de la formation des jeunes, mais cette prévention est aussi et surtout de la responsabilité individuelle des hommes et des femmes.

La santé est un bien public, mais inégalement distribué. La maladie est injuste. Toujours. On ne sait pas toujours pourquoi on contracte telle ou telle maladie, mais la science nous permet de dire que certains sujets fragiles et vulnérables au cancer, aux maladies cardiaques ou à l’obésité. Le gros fumeur, le gros mangeur ou le gros buveur a, qu’on le veuille ou non, une responsabilité dans la gestion de son risque santé.

Cette prise de conscience que nous avons chacun par notre comportement, cette  responsabilité individuelle, a fait quelques progrès, L’entreprise a favorisé parfois cette évolution pour diminuer sa propre responsabilité dans le risque santé de ses salariés.

Passer de la solidarité à l’assurance. Si le système de santé réussit par la prévention à diminuer le nombre et la gravité des soins, parce qu’il y aurait moins de malades à traiter, le système de financement en serait bouleversé, dans le bon sens. On pourra passer d’un système fondé sur la solidarité à un système fondé sur l’assurance.

Le système de solidarité actuel géré par la sécurité sociale fait que le financement est assuré par une cotisation sociale assise sur les salaires. L’Etat qui perçoit l’impôt, garantit l’équilibre avec beaucoup de difficultés parce que le système de soins est performant (donc couteux) parce que l’allongement de la vie a révélé l’existence de nouvelles maladies etc.

L’arrivée des mutuelles et des assurances privées en complément de l‘assurance maladie a commencé à changer les règles du jeu. La mutuelle perçoit des cotisations dont le niveau est fonction du niveau de risques que les assurés veulent couvrir. Parallèlement, la mutuelle s’est octroyée un droit de regard sur le cout des soins et l’organisation des prestataires. A terme, on assistera à une individualisation de la prime d’assurance payée en fonction de son âge, de son activité, de ses antécédents et de ses habitudes de vie. Selon que l'on sera grand fumeur ou grand sportif, on devra payer un malus dans le premier cas et peut être profiter un bonus dans le deuxième cas.

L'introduction d’une logique assurancielle (qui prévaut dans l’automobile, ou le crédit immobilier) entrainera évidemment un changement structurel profond dans l’organisation du système de soins.

Le financement de la santé est absent de la réforme du siècle, tout comme l’impact du progrès scientifique, du digital et l’émergence d’un quatrième âge qui sont pourtant les grandes lignes d’évolution du secteur. On n’échappera pas à ré-ouvrir ce dossier et particulièrement le jour où les partenaires sociaux seront appelés à sonner à Bercy pour que le contribuable fasse la fin de mois de la sécurité sociale. 

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