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Qui y-a-t-il encore dans l’avion de la macronie pour sauver le président de lui-même en cas de besoin ?
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Démission de Frédérique Dumas de LREM

L'annonce du départ de la députée LREM Frédérique Dumas ne s'est pas fait sans qu'elle n'émette quelques critiques. Même si la députée "souhaite la réussite d'Emmanuel Macron", elle évoque les "désaccords profonds, sur le fond et sur la méthode", ainsi qu'un oubli des "fondamentaux du macronisme". C'est sur la méthode que Frédérique Dumas pointe l'absence de débat en interne.

Jean-Philippe Moinet

Jean-Philippe Moinet

Jean-Philippe Moinet, ancien Président de l’Observatoire de l’extrémisme, est chroniqueur, directeur de la Revue Civique et initiateur de l’Observatoire de la démocratie (avec l’institut Viavoice) et, depuis début 2020, président de l’institut Marc Sangnier (think tank sur les enjeux de la démocratie). Son compte Twitter : @JP_Moinet.

 

 

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Atlantico : Au regard des critiques formulées par Frédérique Dumas, quelles seraient les personnalités susceptibles de convaincre Emmanuel Macron d'en revenir au "macronisme originel" ? Quelles sont les "dérives" qui ont pu être effectivement observées et quelles sont encore aujourdhui les personnalités proches d'Emmanuel Macron qui pourraient canaliser la situation ? 

Jean-Philippe Moinet : Emmanuel Macron est assez paradoxal dans sa méthode, comme l’opinion l’est dans ses attentes : il est « horizontal », au sens où son mouvement LREM a d’abord été conçu comme «venant de la base citoyenne  », bien plus participatif que les partis traditionnels, grand ouvert aux acteurs de la société civile (notamment du monde de l’entreprise) ; en même temps, Emmanuel Macron a très vite senti qu’il fallait répondre à une demande d’autorité « verticale », restaurer une fonction présidentielle qui avait perdu de sa hauteur et se distinguer d’une présidence « normale » qui, en 2017, était totalement déconsidérée. Alors, concernant ces « dérives » observées du jupiterisme, qui existent sans doute, je pense que le chef de l’Etat, et son entourage qui se moule avec lui dans le modèle gaullien, les assument pour grande partie. Quitte à subir les critiques sur « l’exercice solitaire du pouvoir », qui sont récurrentes depuis le début de la Vème République. Souvenons-nous du violent procès en « coup d’Etat permanent »  intenté par François Mitterrand au Général de Gaulle, aux critiques portées aussi par Giscard, qui a  lui-même subi ensuite le procès en monarchisme, Mitterrand étant également après lui critiqué comme un « Sphynx », froid et distant quand il s’est installé à l’Elysée pendant 14 ans ! Souvenons-nous encore de « l’hyperprésidence » que Nicolas Sarkozy a conceptualisée, puis mise en œuvre, abaissant son Premier ministre François Fillon au rang de simple « collaborateur ».

Du coup, de ce point de vue, revenir au « macronisme originel » d’avant l’élection de 2017 me semble une intention assez vaine : une forme de Monarchie républicaine est non seulement inscrite dans les institutions de la Vème mais bien ancrée dans notre culture politique nationale car, comme le dit à sa manière Zemmour – sur ce point, je suis d’accord avec lui sans être un adorateur de ces modèles – la France s’est forgée sur les Rois et Napoléon. Ca laisse des traces ! Néanmoins, pour être en phase avec les temps actuels, il faut aussi qu’Emmanuel Macron ne s’enferme pas dans des modèles du passé qui, dans une certaine mesure, peuvent être obsolètes en terme de référence. C’est dans cette nuance et « certaine mesure » que des conseils de personnalités peuvent lui être utiles, en cette période de « trou d’air » concernant son rapport à l’opinion.

Ces personnalités, j’en vois notamment deux parmi ses alliés, situés à l’extérieur du pouvoir exécutif et qui, par leur distance vis-à-vis de la gestion quotidienne du pouvoir et par leur expérience, peuvent mieux voir les choses et le lui dire en toute franchise. Le premier, c’est  François Bayrou, qui veut infléchir à la fois la méthode et certaines réformes. C’est le sens de sa récente interview au Figaro, son intervention dimanche soir au 20 heures de TF1 ayant rassuré la garde rapprochée d’Emmanuel Macron sur l’enrobage modéré de ses critiques. En coulisses, le Président du MODEM, par sa culture girondine et son appréciation philosophique des contre-pouvoirs, tend à adoucir le centralisme jupitérien et césariste du chef de l’Etat. Il le lui conseille en tout cas. Sachant que la question du « cap » à bien fixer et clarifier dépasse le simple sujet de la méthode et du style.

La seconde personnalité est Daniel Cohn-Bendit. Sa culture, écologique et allemande, est très « horizontale » et son propos très direct avec Emmanuel Macron, comme l’a reflété le documentaire réalisé par Romain Goupil, « La traversée », avec cette scène où le chef de l’Etat se retrouve dans un café, en spectateur amusé d’un débat entre les deux compères de Mai 68. Cohn-Bendit estime que la modernité politique c’est être dans une logique de coalition politique, où des composantes différentes interagissent entre elles pour aller dans une même direction. C’est assez loin de la culture française, pyramidale, mais dans les circonstances actuelles, et après la démission choc de Nicolas Hulot, l’apport de cette culture politique des compromis à l’allemande peut être utile à Macron pour qu’il assouplisse ce qui apparaît à l’opinion comme des certitudes rigides.  Ces deux personnalités là – qui ne s’apprécient d’ailleurs pas l’une, l’autre – François Bayrou et Daniel Cohn-Bendit, seront peut-être les « accoucheurs » d’une ouverture formelle pour le macronisme.

En revanche, même s’ils discutent évidemment de tout, je ne pense pas qu’Edouard Philippe puisse jouer aussi pleinement ce rôle. Il est à la fois trop dans l’action quotidienne et son caractère, à lui aussi, est fait d’un certain nombre de certitudes, qu’il ne soumet pas naturellement à la discussion. Il aime agir vite, et sans palabres inutiles. Du point de vue de la méthode, et même si le Premier ministre est venu originellement du rocardisme « co-gestionnaire », les deux hommes qui dirigent l’exécutif se ressemblent. Comme le Juppé de 1995, ils adorent être « droits dans leurs bottes » ! A l’intérieur du Gouvernement, l’un des aînés, Gérard Collomb, peut en revanche jouer le sage conseiller modérateur (il l’a d’ailleurs publiquement fait en parlant des vertus de « l’humilité », ce qui pouvait également viser le Premier ministre). Il y a aussi une « jeune », comme Marlène Schiappa : par une proximité qui remonte aux débuts de la campagne présidentielle, elle peut lui dire, aussi, les choses de manière assez « cash ».

Concernant ses proches conseillers, sa "garde rapprochée", quels sont les profils qui pourraient avoir un impact sur l'attitude du président ? 

Ses plus proches conseillers, à l’Elysée, et cela fait partie de leur mission, doivent normalement lui dire ce qu’ils pensent réellement et franchement aussi sur la méthode. C’est ce qu’attend tout politique de ce niveau. Avec sur chaque épisode, par exemple concernant les grandes réformes en vue ou les sujets importants qui surgissent, une, deux ou trois hypothèses que ce premier cercle énoncent sur ce qui peut opportunément être défini comme parole présidentielle. Un trio de grande confiance, dont les liens remontent à la campagne victorieuse de 2017, est dans ce rôle premier à l’Elysée : Sylvain Faure, qui prend la direction de la communication de l’Elysée, est et sera central dans ses conseils, en temps réel, sur tous les grands sujets d’actualité ; le discret Ismaël Emelien, dans l’élaboration de ses conseils stratégiques, est déterminant aussi dans ses préconisations concernant les interventions du chef de l’Etat ; et Alexis Kohler bien sûr, pilier institutionnel en tant que Secrétaire Général de la présidence, est celui vers lequel tout converge naturellement, il est un passage-clé en terme de décisions et de stratégie politiques. Tous les trois, par la confiance dont ils bénéficient de la part d’Emmanuel Macron, ont une influence naturelle auprès de lui. Une grande réflexion est d’ailleurs entamée depuis la rentrée, en flux continu à l’Elysée, sur le bon moment et le bon vecteur (thématique et médiatique) à définir pour lancer une pédagogie présidentielle, prochainement, avec force et efficacité.  

Sur une telle question, un cercle plus proche mais moins politique ne pourrait-il pas convaincre Emmanuel Macron d'humaniser sa communication ? 

L’humaniser, je ne sais pas si c’est le mot, mais l’améliorer, oui : des amis de longues ou de fraîches dates peuvent le faire un peu changer d’avis sur sa méthode de communication, lui fournir de bonnes idées. Comme par exemple éviter ses petites phrases qui interpellent voire brutalisent, dans ses déplacements, séquences qui sont sans doute plus élaborées dans leurs objectifs qu’il n’y paraît – comme sa sortie sur « le pognon de dingue » des dépenses publiques et sociales – sans être forcément aussi efficaces que lui-même ou ses proches le souhaiteraient.

La personne qui, à l’évidence, peut moduler son propos,  donner plus d’empathie dans sa démarche, c’est sa femme, Brigitte Macron. Dans toute sa campagne pour l’accession au pouvoir suprême, elle a été non seulement très présente mais très active auprès de lui, notamment sur le registre relationnel. Elle a complété le dispositif politique personnel de l’ancien Ministre de l’Economie par un apport culturel et une sensibilité particulière qui ont contribué aussi au résultat qu’on sait en 2017. Dans cette période de rentrée mouvementée et après une quinzaine d’août assez recentrée sur le couple au fort de Brégançon, Brigitte est certainement bien présente aussi dans ses conseils, notamment de forme sur ses prises de paroles, sur ce qui pourrait lui permettre de rebondir. On le sait, la théâtralité est l’une de ses spécialités et c’est même cela qui les a uni. Aucune raison que l’ex-professeure de théâtre cesse subitement d’avoir des idées de bonnes mises en scène.

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