Macron et les chômeurs : traverser la rue, vrai revenu universel, relance économique ou réforme de l’euro... qui a vraiment besoin de quoi pour s’en sortir ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Macron et les chômeurs : traverser la rue, vrai revenu universel, relance économique ou réforme de l’euro... qui a vraiment besoin de quoi pour s’en sortir ?
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Job

Ce samedi 15 septembre, Emmanuel Macron a déclaré à un jeune chômeur : « Je traverse la rue, je vous trouve du travail ».

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

Voir la bio »

Atlantico : En prenant en compte un problème économique relevant de l’offre c’est à dire ici la difficulté des employeurs à recruter, Emmanuel Macron ne prend-il pas le risque de cliver le débat, en le rendant idéologique, alors que la lutte contre le chômage mériterait une approche globale (offre et demande) qui pourrait lisser ce clivage ? L’erreur de cette déclaration n’est-elle pas justement d’opposer les solutions au lieu de les additionner ? 

Michel Ruimy Aujourd’hui, le marché du travail en France est coupé en deux. D’un côté, il y a ceux qui sont bien formés et qui, généralement, bénéficient d’un emploi stable. De l’autre, il y a ceux qui sont peu qualifiés et qui enchaînent les contrats courts et les périodes de chômage. Il en résulte un taux de chômage élevé depuis des années comparé à celui de nos partenaires. Malgré des politiques de relance par la demande successives, le nombre de chômeurs a faiblement décru. 

En fait, il faut considérer que l’offre et la demande sont deux points d’un même cercle. Soit on décrit le cercle, dans le sens d’une aiguille d’une montre c’est à dire de gauche à droite, soit de droite à gauche. Dans le contexte actuel, il est difficile d’aller dans les deux sens. Il faut donc choisir un sens c’est à dire de suivre une voie. Tout est une question d’idéologie et de pragmatisme... La realpolitik guide les hommes politiques. Déjà, dans le passé, devant la réalité des chiffres des grands indicateurs économiques, M. Mitterrand avait mené successivement une politique de relance par la demande en 1981 puis, quelques mois après, en 1983, une politique d’offre notamment en désindexant le SMIC à l’inflation.

En fait, depuis près de quarante ans, selon leur coloration idéologique, les hommes politiques ont mené des politiques soit keynésiennes libérales, soit libérales keynésiennes. Emmanuel Macron s’inscrit, lui aussi, dans cette mouvance en menant une politique d’offre et de demande mais privilégiant la seconde option et non la première. 

Le projet de société d’Emmanuel Macron est celui d’une société où le travail jouerait un rôle émancipateur et permettrait de sortir de sa condition et de se faire une place dans la société. C’est pourquoi, la lutte contre le chômage est son credo, plus que la réduction des dépenses publiques. Il fait le pari qu’en diminuant le nombre de personnes au chômage en les incitant à se prendre en charge, les dépenses sociales diminueront - et donc les dépenses publiques - et qu’en travaillant, ces personnes consommeront plus c’est-à-dire une demande globale plus vigoureuse, ce qui relancera la croissance. 

Emmanuel Macron s’inscrit, dès lors, dans une démarche libérale de pensée où, de manière succincte, le chômage est considéré comme « volontaire » car les chômeurs ne sont pas incités à travailler du fait d’un « salaire de réserve » (allocations et aides sociales) élevé. Il souhaite abaisser le niveau d’assistance, par exemple en réformant l’assurance-chômage, afin d’amorcer l’incitation, pour un chômeur, à reprendre un emploi. Le travailleur doit se sortir, lui-même, de sa situation et non attendre une aide de l’Etat. 

Or, si, en théorie, cela semble pouvoir marcher, tous les demandeurs d’emploi, entre ceux qui sont qualifiés ou occupent des métiers en tension et les autres, n’ont pas les mêmes marges de manœuvre dans leurs décisions de reprise d’emploi. C’est là tout le problème. Les entreprises et les individus sont sensibles aux incitations financières et y réagissent de manière rapide dès qu’ils en ont la possibilité. Tout l’enjeu est alors de cibler, en priorité, ceux qui peuvent ajuster leurs comportements. 

Par ailleurs, pour que le taux de chômage baisse de manière significative, il faudrait que le rythme annuel de la croissance économique se maintienne suffisamment longtemps à un niveau proche de 1,5 à 2%, ce qui n’a été que très rarement le cas ces dernières années. 

Aujourd’hui, nous sommes en fin de cycle économique. Et nous assistons au paradoxe suivant : François Hollande a bénéficié, durant sa mandature, une croissance de plus en plus dynamique mais il n’a pas ou peu engagé de réformes alors qu’Emmanuel Macron, qui envisage de réformer la France, risque de devoir conjuguer ses efforts avec un ralentissement du taux de croissance. 2017, année où la France a enregistré un taux de croissance de 2,2%, pourrait être, pour le président de la République, sa meilleure année de mandature en termes de croissance économique.

Dans quelle mesure un traitement global du chômage devrait prendre aussi bien en compte ses causes macroéconomiques (dont la politique monétaire européenne qui n'a pas pour objectif de rechercher le plein emploi, comme le fait la Federal Reserve aux Etats Unis) que les problèmes d’offre de l’économie française ? Quels sont les situations, du point de vue géographique, des catégories sociales et de secteurs économiques qui auraient besoin d'un traitement par l’offre et celles qui mériteraient un traitement par la demande ? 

Excepté la politique monétaire, les Etats membres de la zone euro n’ont rien de commun. Si l’on regarde les résultats de la stratégie de la Banque centrale européenne, les chiffres parlent pour elle : les prix sont relativement stables. Elle remplit donc son objectif principal. Toutefois, elle doit mener des politiques non conventionnelles pour remplir, pour le mieux son objectif implicite, c’est-à-dire une croissance économique qui permettrait de réduire le taux de chômage. En effet, même si, depuis 2007-2008, la situation économique s’est lentement améliorée, ce ratio reste toujours bien plus élevé que le taux moyen d’avant la crise financière, où il était de 7,5% de la population active. 

Par analogie avec les performances de la Federal Reserve, tout plaiderait pour qu’on élargisse les missions de la BCE. Ce n’est pas si simple et j’y suis peu favorable car la Banque centrale européenne doit garder sa crédibilité vis-à-vis des marchés financiers, qu’elle a lentement construite depuis près de 20 ans. En modifiant ses objectifs, on risque de lui faire perdre la confiance que les opérateurs place en elle. De manière schématique, le chômage est aujourd’hui le problème. Demain, ce sera le commerce extérieur. Et, à chaque fois, il faudrait modifier ses statuts. 

Je ne suis pas certain que cela vaille le coup devant l’urgence du problème - le chômage - et le temps, long, que nécessite une nouvelle relation durable de confiance et de crédibilité. Par contre, je considère que la baisse du taux de chômage doit être, au niveau européen, un objectif clairement annoncé de politique économique et que tous les efforts doivent être fait pour la réalisation de cet objectif. Mais cela nécessite une plus large et plus intense coopération et coordination des politiques menées. 

Concernant la France, il est difficile de différencier les zones géographiques, les secteurs économiques… en offre et demande. Et, à supposer qu’on puisse le faire, cela risque de soulever d’autres problèmes comme l’attractivité des régions. Ce qu’on peut rapidement dire est que la vie des affaires en France peut se caractériser par la stabilité de sa géographie comme si certains terrains étaient plus exposés que d’autres, de longue date et pour des causes plus profondes que la fermeture d’usines ou à la disparition d’industrie. Le chapeau nord de la France, une large bordure méditerranéenne et la plupart des villes de dimension moyenne restent les plus touchés par le chômage. Concernant les jeunes « sans diplôme », leur répartition en France est voisine de celle du chômage en général. Toutefois, les universités et des grandes écoles semblent jouer un rôle important dans l’environnement économique car on constate que les métropoles qui disposent de ces institutions ont une faible proportion de « sans diplôme ». Les territoires dans lesquels le degré d’éducation est le plus élevé s’étendent en tache d’huile autour des grandes villes universitaires. Cette métropolisation attire les chômeurs par leur marché de l’emploi qui leur offre une meilleure chance de retravailler et par la diversité de leur société qui ménage plus de possibilités de survie que les campagnes. En fait, plus que le dépérissement de certaines industries et commerces, c’est la capacité à rebondir, à créer, à innover qui parait moduler le chômage, dans l’esprit de la destruction créatrice popularisée par Schumpeter.

Quels sont les risques pris ici par Emmanuel Macron en faisant dériver une forme de pragmatisme qui lui était reconnue, à une position qui semble plus idéologique ? Peut-on également y voir un symptôme de ses difficultés actuelles à avoir un impact plus fort au niveau européen ?

En fait, lors d’un entretien télévisé avec des journalistes en décembre dernier, Emmanuel Macron avait affirmé qu’il réaliserait ses promesses de campagne lors de son quinquennat. ET il avait ajouté, à l'attention de ses prédécesseurs : « Ça fait peut-être longtemps que ce n'était pas arrivé ».

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !