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Mais que se passerait-il si nous prenions tous des médicaments qui améliorent la performance au travail ?
©GERARD JULIEN / AFP

Effets secondaires

De plus en plus de personnes se tournent vers les médicaments pour améliorer leurs performances au travail. Aux Etats-Unis notamment, une enquête récente impliquant des dizaines de milliers de personnes a révélé que 30% des américains ont eu recours à de tels médicaments pour booster leur performance.

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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Atlantico : Est-ce une situation qui peut se retrouver dans nos entreprises françaises ? Dans quels secteurs en particulier ?

Xavier Camby : L'Europe semble moins atteinte par ce phénomène. Peut-être que la recherche effrénée de la performance individuelle immédiate, voir instantanée, y est aussi beaucoup moins forte qu'aux USA ? Je ne dispose pas de chiffres ni de données sérieuses pour évaluer l'envahissement de ce comportement. Empiriquement, la consommation de café, de thés, de vitamines, de simples stimulants sans danger ou de boissons "énergisantes", à base d'hormones de taureaux ou autre, ne cesse de croître. A l'école comme dans nos activités sportives, et de plus en plus en entreprises, la sur-compétition, la sur-performance incite à se transcender, quitte à se doper, au détriment finalement de notre santé. Alors, oui, les grandes entreprises françaises, adoptant un management anglo-américain, importent en même temps ces comportements, qui se proposent d'atteindre à un sur-humanisme, quitte à mourir plus tôt. 
Cette tentation de devenir -chimiquement- des humains augmentés, quitte à accepter de vivre une humanité gravement minorée (compétition-prédation) est hélas de plus en plus forte. Les secteurs traditionnels de l'hyper-stress et de la distorsion de la perception temporelle (l'impatience folle) sont les plus touchés. Ils le sont aussi -et ce n'est pas par hasard- par la consommation de stupéfiants et de médicaments anxiolytiques. Il s'agit des activités de places de marchés, du consulting (financier, juridique et fiscal, notamment), des activités dites "créatives" (la pub, la com', la mode, la presse...) et finalement les métiers commerciaux (qui subissent souvent la plus forte pression, concentrée et à base de peur de l'échec).

Un tel médicament a pour but d'améliorer notre mémoire de travail et notre intelligence. Mais la plupart des gens ne les prennent pas pour améliorer leurs capacités mentales mais surtout pour améliorer leur énergie mentale et leur motivation à travailler. Résultats, cela pose moins de problème quand il s'agit de s'acquitter de tâches mentalement pénibles.  Finalement quels peuvent être les avantages liés à la prise de ce médicament ? Et que se passerait-il si nous commencions tous à les prendre?

Je ne vois aucun avantage réel à ce dopage individuel ou généralisé. C'est vraiment très mal connaître les processus de la motivation que de penser que cette stimulation chimique éphémère d'une partie de notre cerveau (l'activité consciente rationnelle) sera bénéfique dans la durée. C'est même vraisemblablement l'inverse. Si vous roulez en faisant chauffer votre moteur à 5'000 tours, vous aurez peut-être une impression de performance instantanée, un meilleur couple, de plus grande faculté d'accélération. Mais finalement vous consommerez plus d'essence et vous userez considérablement plus chaque pièce du moteur. Cette sur-performance est contre-productive et va raccourcir l'espérance de vie de votre moteur. C'est précisément la même chose avec notre psychisme. Si vous le sur-boostez, à base d'émotions fortes ou de psychotropes, il finira par décliner rapidement, sans aucun échange standard possible. 
La vraie motivation, et donc la performance durable, qui nous permet de nous transcender, qui ne détruira aucune de nos aptitudes ni de nos facultés, naît en fait de nos émotions. Si vous servez une cause juste, alors chaque injustice créera une énergie, suffisante et nécessaire, pour agir. Si votre travail vous répugne, alors votre énergie psychique sera consommée, jusqu'à la destruction. En dépit de toutes les médications que vous voudrez prendre...

Inversement, quels en sont les risques ? 

Notre corps possède des mécanismes de régulation aussi extraordinairement complexes qu'absolument remarquables d'efficacité, qu'on nomme globalement l'homéostasie. Il est intéressant à ce titre de lire le dernier ouvrage de vulgarisation d'Antonio Damasio "L'Ordre étrange des choses". La sur-stimulation chimique, artificielle et exogène, créée par ces dopages risquent fort de dé-réguler gravement ou définitivement les subtiles interactions neurologiques, hormonales et peptidiques orchestrées dans notre corps par l'homéostasie.
Notre corps possède encore une incroyable mémoire et garderait une trace définitive de chaque violence que nous lui faisons subir. On est en train de découvrir l'importance dramatiquement définitive de certains traitements anti-biotiques, jadis considérés comme une panacée, sans aucun dommage collatéraux. On sait maintenant que des affections majeures (cancers, neuro-dégénérescences, troubles du comportement) peuvent provenir de prescription anti-biotiques. Je redoute sincèrement que l'usage abusif et répété de dopant chimiques, cérébraux ou psychique, puisse avoir les mêmes conséquences destructives. Fort heureusement, un large mouvement d'écologie humaine est en train de se développer, partout sur notre Belle Planète, nous enseignant à respecter nos rythmes biologiques, comme savaient le faire nos grand-parents.

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