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Les évolutions des blindages des Humvees de l'armée américaine à la suite de l'expérience acquise sur le front irakien
©DAVID FURST / AFP

Bonnes feuilles

Les véhicules des troupes de combat des Etats-Unis ont été profondément repensés et améliorés face à la menace et aux dangers rencontrés sur les zones de guerre. Extrait du livre "La drôle de science des humains en guerre" de Mary Roach, publié chez Belin (1/2).

Mary Roach

Mary Roach

Mary Roach est une écrivaine scientifique américaine. Elle a travaillé notamment pour Outside, Wired, National Geographic et le New York Times, et a publié plusieurs best-sellers dans lesquels elle explore ce qu'il advient du corps humain dans les situations les moins ordinaires.

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Aujourd'hui, je suis en route pour le bâtiment 336 d'Aberdeen, celui où on envoie les véhicules de combat se faire lifter le blindage – comme aiment à le dire les militaires – afin de répondre aux nouvelles menaces. Mark Roman, mon hôte ce matin, supervise la famille de véhicules dite «Stryker». Il va s'en servir pour m'improviser un tuto sur la vulnérabilité du personnel, c'est‑à-dire sur l'art et la manière de maintenir les gens en vie à bord d'un véhicule que d'autres gens essayent de faire sauter. 

Comme je suis bien informée, je devine que le panneau de tout à l'heure a été frappé par une charge creuse, un explosif à double effet Kiss Cool utilisé à la fois pour percer le blindage des véhicules et pour blesser les gens à l'intérieur. La première explosion propulse le paquet meurtrier vers sa cible. À l'arrivée, l'impact provoque la détonation d'une liasse d'explosifs retenus dans l'ogive. L'onde de choc projette un disque de métal positionné devant les explosifs. Combinée à la forme de l'arme, l'énergie de l'explosion façonne le métal en un projectile extrêmement rapide qui passe au travers du blindage comme dans du beurre. Les roquettes antichars sont les charges creuses les plus connues, mais il en existe des versions plus grosses et plus meurtrières. Il paraît que l'industrie militaire iranienne en a une capable de percer un trou dans trentecinq centimètres d'acier. Tirer à la charge creuse sur un panneau de signalisation revient à demander à un boxeur de passer le poing à travers un kleenex. 

En règle générale, une armée se présente à chaque guerre avec l'équipement qu'elle a hérité de la précédente. C'est ainsi que les Marines américains sont arrivés en Irak avec des Humvees. « Certains vieux modèles avaient même des portes en toile», me dit Mark qui faisait partie de l'expédition. Depuis cette époque, ses cheveux ont blanchi, mais il a gardé ce petit air «maintenant ça va devenir physique» qui semble accompagner partout les membres du Corps des Marines. Lorsque je l'interroge sur l'existence d'un nouveau châssis détecteur d'explosion, il saisit deux planches à roulettes de mécano et nous glissons sous un Stryker pour finir notre conversation couchés sur le dos. 

Au début de la guerre d'Irak, l'Armée a essayé de recouvrir ses véhicules avec des panneaux MEXAS (Modulable Expandable Armor System, ou système de blindage modulaire et jetable) qui font merveille face aux tirs de mitrailleuses lourdes. «On s'est dit: “merde”, ça n'arrête pas les charges creuses» se souvient Mark. En effet, ils auraient pu aussi bien blinder leurs engins avec des panneaux de signalisation. Pendant un moment, ils ont pensé recourir aux panneaux de blindage réactif, sortes de gaufrettes à la confiture explosives. Leur garniture saute lorsqu'elle est frappée et l'onde de choc dirigée vers l'extérieur a la propriété d'annuler celle de la roquette, ainsi que tout piéton marchant dans les parages. Vu que l'essentiel des combats en Irak a eu lieu en zone urbaine – et se voulait officiellement un moyen de « gagner le cœur et l'esprit » du bon peuple –, le blindage réactif n'était pas indiqué.

Heureusement, on venait de découvrir un truc plus simple et moins cher qui fonctionnait parfaitement. Mark s'extirpe de sous notre engin et me devance vers un autre Stryker, celui-ci recouvert d'une sorte de grande robe à crinoline en acier haute performance qu'on appelle le «blindage cage». Le nez d'une roquette se coince entre deux barreaux et le projectile fait long feu. C'est exactement comme se pincer le nez pour stopper un éternuement : soit ça marche, soit ça empêche au moins l'expulsion de trucs peu ragoûtants. Dans les deux cas, c'est efficace. Les Strykers équipés de ces cages revenaient à la base avec des allures de hérissons blindés criblés de roquettes. Tant et si bien que les insurgés irakiens finirent par abandonner lesdites roquettes. 

Extrait du livre "La drôle de science des humains en guerre" de Mary Roach, publié chez Belin

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