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Offensive de com’ : ces deux discours parallèles qui polluent l’efficacité de la parole d’Emmanuel Macron
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Rentrée

Emmanuel Macron a montré qu'il entendait tenir le cap à cette rentrée après les démissions de Nicolas Hulot et Laura Flessel. Il a appelé ses ministres à "tenir".

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Suite à une rentrée houleuse, Emmanuel Macron a tenté de reprendre la main ce mercredi 5 septembre, en montrant qu'il entendait tenir le cap, tout en annonçant les prochaines réformes de son quinquennat, aussi bien concernant la pauvreté que l'hôpital. Dans quelle mesure cette opération de communication pourrait-elle entrer en contradiction avec la réalité constatée sur le terrain en cette rentrée 2018 ? Que cela soit sur les coups de rabots envisagés sur les retraites, ou concernant les hésitation sur le prélèvement à la source, en passant par les récentes démissions, n'est-on pas en train d'assister à l'entrée en contradiction d'une communication "nouveau monde" et d'une réalité "ancien monde" ?

Eric Verhaeghe : Dans la pratique, la stratégie macronienne d'appeler "nouveau monde" des mesurettes dignes de l'ancien est en train d'apparaître au grand jour et de ne plus faire illusion. L'an dernier, nous avions été un certain nombre à considérer que le budget 2018, qui consacrait des dépenses record et ne prévoyait aucune vraie réforme de structure, annonçait de futures déceptions. Beaucoup répétaient alors qu'il fallait donner une chance à Macron, qu'il fallait lui laisser du temps pour agir. L'argument était controuvé dans la mesure où Macron sortait de cinq ans ou presque de hollandisme et qu'il pouvait difficilement invoquer l'inexpérience du pouvoir. Mais, il y a un an jour pour jour, la cécité était de règle, et le bon ton imposait de ne pas enfoncer prématurément le président de la République. Quel changement en un an! On voit bien que, 365 jours plus tard, le budget proposé par l'exécutif est toujours aussi timoré, aussi peu imaginatif, aussi conservateur et socialisant. Il sera de plus en plus difficile, pour la macronie, d'invoquer l'inexpérience ou de plaider la patience. Les présidentielles sont prévues pour le mois de mai 2022, et on sait tous que ce n'est pas en 2020 que les arbitrages impopulaires vont arriver. Nous devons donc nous résoudre aujourd'hui à une triste réalité: entendre en boucle une parole officielle qui nous explique qu'on va réformer, que tout va aller mieux, qu'il faut être patient, et constater jour après jour que ceux qui parlent ainsi tentent de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. En réalité, rien de majeur ne se passera, et le macronisme n'a pas le souffle suffisant pour réinventer le pays comme il le mérite.  

Quels sont les risques pris par Emmanuel Macron en tentant de reprendre la main plus sur le terrain de la communication que sur celui de la décision politique ?

Macron montre jour après jour l'inconvénient de griller de nombreuses étapes dans la course aux responsabilités. En réalité, Emmanuel Macron n'a jamais dirigé au sens où on peut l'entendre d'un manager. Il a eu des responsabilités en chambre, c'est un officier d'état-major. Il n'a jamais conduit un régiment à la bataille. Et cela commence à se voir. Il veut tout contrôler, tout marquer de son empreinte, et il peine à déléguer. Il est à la fois général, colonel, capitaine, lieutenant et adjudant. Et du coup, il est absorbé par des détails et des postures. Il passe énormément de temps à montrer ce qu'il fait et à donner des leçons. Il passe probablement encore plus de temps à tout voir et tout contrôler. Cette espèce de dictature du quotidien dans laquelle il s'est installé l'empêche de prendre le recul nécessaire pour entamer les vraies réformes dont le pays a besoin. Prenons l'exemple du médiocre rapport CAP 2022, supposé encadrer la réforme de l'Etat. Quelqu'un peut-il dire l'usage qui a été fait des propositions pourtant très timorées qu'il comportait? Tout se passe comme si le travail de fond était délaissé par l'exécutif, et que ne comptaient plus que quelques détails insignifiants. En 2019, Macron récoltera sans doute la monnaie de sa pièce sur tous ces sujets. Les Français le jugeront sur des détails, le considéreront comme le responsable de la chambrée, et ne lui pardonneront rien. Il est dommage d'abimer ainsi la fonction présidentielle. 

Emmanuel Macron n'est-il pas simplement en train de payer cette rhétorique d'un "monde nouveau" dont les résultats sont imperceptibles par la population ? Le maintien de cap n'est-il pas ainsi dangereux en soi ? 

Le monde nouveau est une thématique qui échappe désormais au Président de la République. Il s'est fondu dans ce moule, et celui-ci lui colle à la peau. Il faut dire que la thématique du monde nouveau a suscité beaucoup d'espoirs parmi les Français qui se sentent pris dans une nasse où la fiscalité pratiquée sur les classes moyennes les empêche systématiquement d'améliorer leur train de vie. Macron a suscité une espérance. A son insu, il a ouvert une boite de Pandore qui risque de ne pas se refermer de sitôt. Ce faisant, il ne peut se permettre d'être déceptif sur tous ces points sans risquer gros politiquement. Les Français ne comprendront pas d'être trahis dans les grandes largeurs après avoir autant misé sur un cheval qu'il croyait fulgurant, et qui se révèle un canasson. Un changement de pied de Macron se révèlerait politiquement extrêmement dangereux. En même temps, pour reprendre la rhétorique présidentielle, on commence à comprendre que Macron est un imposteur et qu'il n'a pas beaucoup d'idées précises sur ce qu'il faut faire pour que les choses aillent mieux. Au-delà des ordonnances sur le droit du travail, on peine à voir les idées qu'il apporte avec lui. Cette déception-là risque d'être redoutable.

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