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Levothyrox : ce mépris pour les patients qui suinte entre les lignes du rapport commandé par la ministre de la santé
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Scandale sanitaire ?

L’affaire du Levothyrox avait révélé (une fois de plus) la surdité et même le mépris du corps médical et des autorités sanitaires pour la parole des patients. Ceux-ci dénonçaient en vain l’inconfort de la nouvelle formule lancée par le laboratoire, en son temps. Il fallut un long combat pour obtenir un infléchissement des pouvoirs publics. Un rapport commandé par la ministre fait le point sur ce dossier, sans tirer de conclusions convaincantes sur un vrai sujet: la réticence du corps médical à écouter les patients.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Le rapport Kierzek-Léo ne fera pas date pour les propositions qu’il formule, d’une timidité et d’une complexité confondantes face aux enjeux posés par le dossier du Lévothyrox. On notera par exemple la proposition de créer une « plateforme » d’information sur les médicaments à destination du public. Le réflexe français très solutionniste du « un problème, une solution technique de plus dans le mille-feuilles » a encore agi. Pour le reste, la mission propose de confier à l’Agence Nationale de Sécurité de Médicament (ANSP) la fonction de communiquer sur tous ces sujets. La même ANSM qui est au coeur de l’affaire Mediator ou de l’affaire Depakine. 

Avec ces propositions, on est donc certain que la situation n’est pas près d’évoluer! 

Silence presque total sur l’accès aux données de santé

L’ensemble du rapport reste à peu près muet sur la question de l’ouverture des données de santé, qui demeurent encore et toujours une propriété jalousement gardée par l’Etat, avec les conséquences que l’on connaît. Les scandales sanitaires récents ont tous mis en exergue les limites d’un monde où l’information et le traitement des données de santé est rationné par l’État. 
Malgré ces évidences, les pouvoirs publics s’obstinent à verrouiller l’accès à des données qu’ils se montrent incapables de traiter correctement. Et le rapport Kierzek-Léo ne trouve pas grand chose à redire à ce sujet. On notera jusque cette phrase: « À plus long terme, ouvrir plus largement l’accès aux données », qui en dit long sur le manque d’ambition du rapport, et sur le sous-dimensionnement des mesures proposées. On est très loin de l’ouverture large et rapide dont la santé a besoin en France pour sortir de sa préhistoire. 

La question du mépris médical et des pouvoirs publics au coeur du rapport

Mais il faut reconnaître au rapport le mérite de reconnaître une réalité qui est au coeur du dossier du Levothyrox: les pouvoirs publics sanitaires, en accord avec la communauté médicale, ont foulé aux pieds la parole des patients et n’ont pas pris la mesure de l’évolution qui touche la société dans son ensemble. On lira donc dans le rapport quelques phrases châtiées qui résument assez bien le sujet: 
« L’approche principalement réglementaire de l’information sur le médicament a pour conséquence de reléguer au second plan la réflexion sur son appropriation par le public et les professionnels de santé. La dimension « utilisateurs » de l’information a ainsi été délaissée pour répondre principalement au besoin de « se couvrir » au plan médico-légal. (…) 
Le primat, dans l’ensemble des dispositifs informationnels, de la rationalité scientifique et de l’expertise a, en outre, peu intégré la richesse spécifique de l’information ascendante. Ses « remontées » dans les dispositifs de veille sanitaire (comme l’ouverture aux usagers de la plateforme de signalement des événements indésirables) ne semblent intéresser les pouvoirs publics que dès lors qu’elle répond aux canons de l’imputabilité « classique ». Cefaisant, les autorités sanitaires se privent d’informations de « vie réelle » pourtant cruciales et utiles à l’évaluation des médicaments (courriers des lecteurs de la presse écrite, remontées aux associations de patients, réseaux sociaux, questions fréquentes en officine, etc.). » 
Les médecins et les pouvoirs publics ne tireraient donc aucun profit de la parole des malades? Le fait qu’un rapport officiel l’écrive est déjà un bon point. Mais au rythme où vont les choses, la surdité des principaux intéressés n’est pas prête de guérir. 

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