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Pourquoi le remaniement ministériel ne permettra pas à Emmanuel Macron de lever les doutes sur la fermeté de sa ligne politique
©LUDOVIC MARIN / AFP

Rentrée agitée

Le chef de l'Etat compte sur la nomination des nouveaux ministres pour consolider son repositionnement politique et retrouver le rythme des réformes.

Chloé Morin

Chloé Morin

Chloé Morin est ex-conseillère Opinion du Premier ministre de 2012 à 2017, et Experte-associée à la Fondation Jean Jaurès.

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Atlantico : Une semaine après la démission de Nicolas Hulot, le couple exécutif a choisi de nommer François de Rugy au ministère de la transition écologique. De la même façon, Roxana Maracineanu reprendra le ministère des sports, suite à la démission Laura Flessel ce 4 septembre. Si les remaniements ministériels ne sont pas réputés pour leur capacité d'impact sur l'opinion, comment évaluer le repositionnement politique d'un dispositif macronien fortement chahuté en cette rentrée ? 

Chloé Morin : Il y a toujours dans un remaniement ministériel une part de jeu politique et d’attentes médiatiques assez déconnectés des attentes réelles des Français. Il est vrai qu’une certaine forme de suspense avait été créé par Nicolas Hulot, de par sa surface médiatique et sa popularité, mais aussi par le combat qu’il incarne - l’écologie - et le fait que son départ ait été assez spectaculaire. Mais il convient de relativiser ce type d’évènement : il est rare qu’un changement de casting ait un impact réel et durable sur l’opinion, sauf à ce qu’il soit couplé à un changement radical de la politique menée. 
C’est d’ailleurs sans doute sur ce point que les attentes de l’opinion se portent : ce remaniement sera-t-il un signe parmi d’autres d’une « reprise en main » du Président, suite aux nombreuses difficultés et polémiques des dernières semaines? Sera-t-il l’occasion pour lui de réaffirmer sa ligne et sa volonté réformatrices? 
J’ajoute un élément s’agissant du casting gouvernemental : on a beaucoup dit depuis l’affaire Benalla que le dispositif Macronien avait révélé un certain nombre de faiblesses, et notamment l’absence de relais puissants, de soutiens médiatiques forts et impactants, notamment au niveau gouvernemental et parlementaire. Il me semble que cette critique doit être relativisée pour deux raisons : 
- d’abord, parce que le quasi anonymat n’est pas un handicap propre à ce gouvernement ou à sa majorité. Il est le corollaire du renouvellement sans précédent opéré en 2017, et toutes les formations politiques en souffrent - du PS à LR, en passant par LFI, bien peu de partis comptent des « poids lourds » comme nous étions habitués à en voir. Cette difficulté à émerger tient sans doute à la manière dont le système médiatique fonctionne : le règne du 20 heures étant derrière nous, les canaux étant multiples, il est difficile de surnager dans la profusion de messages et de polémiques quotidiennes. 
- ensuite, parce que la plupart des attentes de l’opinion se concentrent sur la figure présidentielle. Macron assume sans doute cet état de fait bien plus que ses prédécesseurs, mais il n’est certainement pas à l’origine de ce phénomène. Si le Premier ministre n’est plus un « fusible », si les membres du gouvernement comptent moins que le Président, c’est d’abord et avant tout parce que les Français ont une conception présidentialiste du pouvoir, et non parce que le Premier ministre serait insuffisamment présent ou les membres du gouvernement insuffisamment « politiques ». 

Alors que le départ de Nicolas Hulot aurait pu conduire le gouvernement à rechercher une nouvelle "prise de guerre" politique, le choix de François de Rugy, déjà intégré au dispositif macronien, pourrait indiquer une incapacité sur ce terrain. Dans un contexte de baisse dans les sondages, mais de conservation d'un très fort soutien des électeurs LREM, pourrait-on considérer qu'Emmanuel Macron a choisi de se recentrer sur sa base ? S'agit-il d'un aveu de faiblesse concernant sa volonté d'élargir cette même base ? 

On peut lire ce remaniement de deux façons : soit on y verra une incapacité à élargir, soit on pourra y voir une volonté de se concentrer sur sa cohérence et de réaffirmer la force de sa ligne. Je rappelle que bien souvent, par le passé, les tentatives d’élargissement se sont traduites par une dilution, un flou, des zigzags peu convaincants ou encore par des divorces fracassants - on pense au départ de Hamon et Montebourg du gouvernement Valls… En outre, le fait qu’il n’ait pas cherché à « débaucher » des symboles, pour parler à des « clientèles », peut aussi être mis à son actif : les « remaniements politiciens » font très « ancien monde », après tout… 
Maintenant, on ne peut pas nier que LREM a les inconvénients de sa jeunesse, à savoir un manque de ressources humaines dans lesquelles puiser, ou du moins de personnes ayant une expérience importante. On ne peut pas non plus s’attendre à ce que, à lui seul, ce remaniement soit le signal d’une reprise en main, et mette un terme à tous les doutes qui ont surgi depuis quelques semaines dans l’esprit des Français. Ce serait, encore une fois, surestimer l’importance que les Français accordent à un casting...
Il me semble aussi que l’exécutif, dans la perspective des européennes, a ces temps-ci davantage une volonté d’affirmer sa ligne et de construire un affrontement direct avec ce qu’il appelle les « populistes » - terme vague qui recouvre des mouvements qui n’ont rien à voir, de Orban à Salvini en passant par Jean-Luc Mélenchon … -, plutôt que de « rassembler » comme on l’imaginerait dans la perspective d’autres élections. 

Quels sont les effets que pourraient avoir ces nominations sur les Français ? Le remplacement d'une figure médiatique par un profil beaucoup plus politique pourrait-il également modifier l'image du macronisme aux yeux des Français? 

L'écueil du « casting politicien », qui eût pu coûter à un Président qui avait à coeur de se montrer « différent », a été évité. Cela dit, il me semble que les problèmes actuels du Président proviennent avant tout d’un doute sur la fermeté de sa ligne -je pense ici notamment aux hésitations sur le prélèvement à la source-, de l’efficacité de son action -mauvais chiffres de la croissance, tensions sur le pouvoir d’achat…-, et de sa manière de gouverner - ambiguïté entre autorité nécessaire et autoritarisme; hésitation entre capacité à surmonter les obstacles pour servir l’intérêt général, et incapacité à tenir compte ou même à tolérer la contradiction…. Dès lors, un simple remaniement ne pourra, au mieux, qu’être une partie de la réponse. C’est bien davantage à travers la manière dont le Président va dérouler son action dans les prochains mois, notamment à travers le budget et toutes les réformes ayant pour but de tenir sa promesse de « déblocage » économique, que les Français qui ont été saisis par le doute ces derniers temps - je ne parle évidemment pas ici de ceux qui sont opposés depuis longtemps à la politique menée, mais bien des hésitants, autrefois bienveillants, qui étaient il y a quelques mois encore nombreux chez Les Républicains et au Parti Socialiste - pourront être amenés à réviser leurs jugements. 

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