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Ce que le gaspillage sur le prélèvement à la source a d'ores et déjà coûté aux contribuables français
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Reculade ?

Le prélèvement à la source est au cœur de toutes les discussions dans la classe politique et dans l'opinion publique depuis de nombreux mois. Une décision pourrait être annoncée par le gouvernement sur cette réforme, prévue pour janvier 2019, dans la journée du mardi 4 septembre. Le gouvernement reculera-t-il ? Verdict dans quelques heures.

Jean-Louis Mullenbach

Jean-Louis Mullenbach

Jean-Louis Mullenbach est associé du cabinet AEQUIDO, administrateur d’ETHIC.

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Que d’incompréhensions et d’atermoiements de la part des politiques, de Bercy, des médias et des contribuables sur le cheminement de l’idée de Prélèvement à la Source (ci-après PAS), et la façon dont l’Etat s’est englué dans cette réforme technocratique d’une complexité invraisemblable, et qui a été menée en dépit du bon sens avec un coût élevé pour le pays. Le « nouveau monde » vient là de prendre un sacré coup de vieux, et la crédibilité de la parole politique également. 

François Hollande et Emmanuel Macron, son conseiller à l’Elysée à l’époque, avaient pourtant les idées claires au départ : partir d’un sous-jacent idéologique (répartition moins inégalitaire de l’impôt, en oubliant le principe constitutionnel de l’égalité des Français devant l’impôt …) pour instituer le PAS et pouvoir ensuite fusionner plus facilement ces cotisations sociales (qui avaient pourtant le gros avantage d’être des impôts à taux raisonnables avec des assiettes larges …) avec l’Impôt sur le Revenu (ci-après IR), afin de les rendre progressives et non plus proportionnelles. 
Cette trajectoire était à l’origine ponctuée d’étapes parfaitement identifiées à l’époque : individualisation de l’IR, réduction préalable des crédits d’impôts et des niches fiscales et sociales, prélèvements mensuels de l’IR par les banques (cf. déclarations de 2016, peu de contribuables non bancarisés en France) des contribuables dès le 1er janvier 2018 et fusion des trois prélèvements sociaux avec l’IR dès le 1er janvier 2019. Devant les renoncements des politiques sur ces étapes préalables, Bercy, qui sait travailler vers l’objectif ultime, a poursuivi son chemin, sourd aux avertissements de plus en plus nombreux des experts, du syndicat Solidaires Finances Publiques et du Medef. 
Où en est-on aujourd’hui sur ce bateau ivre qu’est devenu le projet de mise en place du PAS ? Toutes les hypothèses formulées par les ministres concernés (sauf Bruno Lemaire) et par les uns et les autres étaient mises sur la table et plus personne ne comprenait les tenants, les aboutissements et finalement le sens et les enjeux de cette réforme. J’imagine (pure spéculation de ma part) que le ministre des comptes publics, peut-être en accord avec le président de la république, a organisé la fuite de la note de la DGFIP de juillet tirant le bilan de la phase d’essai du PAS qui n’était pourtant plus d’actualité (tests réalisés en juin 2018 révélant des erreurs, en partie corrigées depuis) étant surtout le fait des employeurs, parmi lesquels, en premier lieu, l’ETAT, la POSTE (salaires + revenus privés se cumulant pour certains agents), certaines caisses de retraite (en partie celles des fonctionnaires et d’autres organismes publics), pour justifier report du PAS au 1er janvier 2020. 
Je comprends également qu’Édouard Philippe et Bruno Le Maire ont été court-circuités dans cette affaire et n’apprécient évidemment pas d’avoir été informés très tard du processus retenu au plus haut niveau pour sortir de ce piège, qui jetait le doute sur un potentiel bug technique. Au-delà, l’impact psychologique de ces renoncements successifs provoque des sueurs froides dans la majorité parlementaire. Les Français, lorsqu’ils verront leurs pensions et salaires nets baisser du fait du PAS, sans parler des autres baisses de revenus déjà annoncées, pourraient bien se détourner du président de la république, même s’ils sentent confusément qu’Emmanuel Macron mène un combat courageux, mais avec des maladresses et des polémiques inutiles. 
De là à imaginer que le président de la république ne sera pas en mesure de se représenter au terme du quinquennat, qu’Edouard Philippe sera candidat à la présidence de la république et qu’il choisira Bruno Lemaire comme premier ministre, il n’y a qu’un pas que certains n’hésitent pas à franchir, avec un programme libéral (et non patronal) alternatif pour la croissance, avec la libre circulation des biens et des marchandises (mais pas des hommes) au sein de l’’Europe, le respect des droits des vrais travailleurs et des défavorisés (rien de pire que le déterminisme social français), la reconnaissances des vrais employeurs (les employés ont besoin des employeurs que sont les entreprises et les associations), mais contre les rentes de situation, la concurrence déloyale et certains discours patronaux conservateurs voire archaïques. 
Les mêmes imaginent déjà que la droite modérée prépare son retour, après Emmanuel Macron qui aura eu l’immense mérite de réduire l’assiette de l’ISF, d’instituer la « flat tax » et d’avoir procédé à de vraies réformes structurelles que la droite traditionnelle avait été été incapable de réaliser. La France a encore une chance de s’en sortir, si le président de la république actuel devient meilleur dans les actes que dans les discours en s’attaquant enfin aux dépenses publiques et à l’âge de départ à la retraite, comme l’avaient fait tous ses prédécesseurs (sauf François Mitterrand qui avait fait le contraire et institué les 35 heures). 
Pour revenir au PAS, je comprends que l’année 2018 restera une année blanche, à la demande du conseil constitutionnel (non rétroactivité de l’impôt, risque de censure les contribuables ayant adapté leurs comportements fiscaux en fonction de l’année blanche annoncée par le gouvernement). Les prélèvements mensuels directs sur les salaires et autres rémunérations des contribuables soumis à l’IR ne seraient mis en place qu’à compter du 1er janvier 2020 et probablement effectués par les banques (le lobby bancaire résiste mais ne sera pas entendu) dans le cadre d’une mensualisation désormais obligatoire de l’IR (75% sur une base volontaire actuellement), meilleure « porte sortie » pour le Chef de l’Etat, prélevée par les banques pour les 46% de contribuables payant l’IR, et non plus par : 
- les entreprises (les PME de moins de 20 personnes représentent 96,4% des entreprises et le logiciel actuel utilisé par 50 000 PME risque de ne pas supporter une montée en charge aussi brutale et importante) ; 
- les casses de retraite (certaines petites caisses n’auraient pas été techniquement prêtes le 31 décembre 2018) ; 
- l’URSSAF (qui aurait été prête selon mes informations) ; 
- les particuliers employeurs et travailleurs indépendants (le conseil constitutionnel a fait savoir au gouvernement qu’il n’accepterait pas qu’ils soient exonérés d’IR). 
Outre le discrédit de Gérald Darmanin (qui avait récemment affirmé qu’il serait « le ministre qui a enfin mis en place le PAS »), qui n’a pas réussi à contrôler son administration (et le bulldozer qu’elle représente à Bercy), qui continue sur sa trajectoire, quels que soient les gouvernements, ce projet de réforme aurait coûté au total plusieurs Mds € à notre pays : 200 M€ de rémunérations à Bercy (+ des fonctionnaires de la DGFIP qui auraient pu contribuer à diminuer substantiellement le nombre de fonctionnaires), les honoraires de divers consultants à l’administration et ceux des éditeurs de logiciels et conseils informatiques aux entreprises, eux aussi grassement facturés aux experts-comptables, aux caisses de retraite et aux autres organismes publics et privés employeurs. 
Que de gâchis d’argent public et privé, malgré les alertes et avertissements de 90% des experts hostiles au principe de cette réforme qui ont fortement remis en cause l’empressement de la DGFIP à la mettre en œuvre, cette avec l’objectif ultime de fusionner l’IR (progressif) avec la CSG, la CRDS et les autres prélèvements sociaux (proportionnels). Le moins que l’on puisse dire, c’est que les prélèvements obligatoires vont continuer à augmenter, faute de réduction des dépenses sociales. Le nombre de fonctionnaires n’a été réduit que de 1 200 en 2 017 et on ne dépassera pas 4 500 personnes en 2018 ...Il est vrai que « les gaulois sont réfractaires au changement ». Heureusement la fusion de la CSG et des autres prélèvements sociaux est remise sine die. 
Le Marquis de Vauban rappelait que « l’impôt doit être simple et applicable partout ». Nous sommes arrivés à un degré de complexité fiscale effarant. En tant que diplômé d’expertise-comptable, je puis affirmer que nombre de managers ont été détournés de leurs tâches opérationnelles indispensables depuis deux ans par les rebondissements successifs sur le PAS, sans parler des considérations psychologiques qui vont contribuer à une hausse de l’épargne et à une baisse de la consommation, alors qu’il faudrait favoriser « en même temps » la consommation, la productivité et l’investissement. 
Tout cela pour arriver à une reculade et à une mensualisation généralisée des prélèvements mensuels, modulables à la demande des contribuables, comme cela existait déjà il y a encore un mois. J’engage les contribuables à aller sur le site impots.gouv.fr demander le numéro national fourni par La DGFIP. Il vous sera répondu qu’il est impossible de modifier votre mensualité d’impôt avant le 02/01/2019. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Pour une raison purement idéologique… 
Mais une bonne nouvelle pour les finances publiques (et une mauvaise pour les contribuables) : non seulement ils seront prélevés chaque année d’un montant d’IR supérieur (pour la plupart d’entre eux dont la rémunération augmente chaque année) mais ils devront aussi avancer de l’argent à l’Etat et ne seront remboursés des crédits d’impôt que plus tard par rapport à la situation actuelle. Ce qui ne les empêchera pas de continuer à faire une déclaration annuelle d’IR. En espérant que les fichiers de la DGFIP pourront être synchronisés avec ceux des banques (ou des employeurs) en temps voulu. Voilà un beau cas d’école sur le chemin de la prise de décision publique et de séances de communication politique parfaitement incompréhensibles pour le commun des mortels ! Où est la simplification qu’on nous avait promise ?

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