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Ces lois conspuées par l'opposition... 
et qu'elle ne touchera pas 
quand elle aura le pouvoir
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Bluff

Réforme des retraites, austérité, etc. Que se passera-t-il en cas d’alternance en juin prochain ? La gauche va-t-elle faire table rase des réformes menées sous les législatures de droite ? On peut parier le contraire. Derrière le théâtre politique, la continuité de l’Etat…

Charles Prats

Charles Prats est Secrétaire national UDI à la lutte contre la fraude sociale et fiscale ; magistrat en disponibilité et directeur général du groupe RESOCOM - Lutte contre la fraude documentaire.

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Dimanche prochain, nous allons reconduire notre Président de la République ou en choisir un nouveau. D’ici un mois et demi, nous ferons de même avec la majorité parlementaire. Personnalité contre personnalité, mais aussi et surtout programmes contre programmes.

Notre histoire politique est riche de ces affrontements épiques autour de diverses lois plus ou moins symboliques qui ont vu les deux bords de l’échiquier politique se faire face vertement et parfois violemment. Et souvent les hérauts de chaque camp ont fait rimer alternance avec revanche. Mais l’examen des faits démontre qu’en réalité il y a eu assez peu de ruptures revanchardes dans les successions des législatures de la Vème République.

A droite…

Prenons quelques réformes emblématiques conduites par la gauche et sur lesquelles la droite a mené un combat acharné.

La peine de mort a été abolie en 1981 et, malgré une vive opposition dans l’hémicycle, jamais la droite ne l’a réintroduite dans le droit positif.

Le PACS, introduit par Lionel Jospin, fut une première marche vers la reconnaissance des couples homosexuels. La droite ne l’a pas remis en cause, quand bien même elle avait mené un combat pied à pied contre cette mesure.

L’impôt sur la fortune, créé dans la foulée du retour de la gauche en 1981, fut supprimé par la droite lors de la législature 1986-1988, puis réintroduit par la gauche en 1988. Mais depuis, la droite n’a pas touché au symbole, se contentant de mesures d’adaptations techniques.

De même les 35 heures, instaurées en 2000 et depuis toujours fustigées par la droite, sont-elles toujours la norme après 10 ans de pouvoir de cette même droite, même si des assouplissements ont été introduits.

Parfois, une réforme emblématique d’un camp finit par être non pas abrogée, mais adaptée, après de nombreuses années de tergiversations. Ainsi de la réforme des universités et de la loi Savary de 1984 qui, suite à l’épisode manqué de décembre 1986, se trouva quasiment sanctuarisée jusqu’à ce que Valérie Pécresse réussisse à profondément réformer l’enseignement supérieur dans le cadre de la loi LRU après 23 ans…

Comme à gauche

Que se passera-t-il en cas d’alternance en juin prochain ? La gauche va-t-elle faire table rase des réformes menées sous les législatures de droite ? On peut parier le contraire.

Une mesure emblématique de la période 1986-1988 décidée par la droite et qui a eu un impact majeur sur le quotidien des entreprises et des salariés, la suppression de l’autorisation administrative de licenciement, n’a jamais été remise en cause par les gouvernements de gauche des périodes 1988-1993 et 1997-2002.

Les mesures « sécuritaires » fustigées par la gauche ces dernières années comme l’extension du fichier des empreintes génétiques (créé par la gauche et renforcé par la droite), les nouvelles techniques d’investigation sur la criminalité organisée (préparées initialement sous la gauche et votées puis renforcées sous la droite), et même l’utilisation des fichiers informatiques de police ne seront pas remises en cause par la gauche, car derrière les affichages politiques il s’agit de mesures d’abord techniques.

Reprenons encore la réforme des universités. Même si la gauche a fortement combattu au parlement et dans les établissements la loi LRU, celle-ci ne sera pas remise en cause par un gouvernement de gauche, ne serait-ce que parce que les présidents d’université – pour la plupart de gauche également - tiennent beaucoup à leurs nouveaux pouvoirs issus de ladite loi. C’est une loi qui a vocation à évoluer graduellement pour s’adapter.

Le train de réformes constitutionnelles de 2008, qui avait donné lieu à une âpre bataille politique se terminant par une victoire in extremis de la droite contre la gauche à une voix de majorité au Congrès (celle de Jack Lang) ne sera pas non plus remis en cause. Ces sujets sont même totalement absents de la campagne électorale.

Et enfin, last but not least, un dernier exemple peut être donné de réforme emblématique de la droite qui ne sera pas abrogé par une gauche de retour aux affaires : les réformes successives des retraites menées depuis 2003. De la même manière que la droite n’a pas supprimé les 35 heures ou l’ISF, la gauche ne tirera pas un trait sur la réforme des retraites menée par la droite. Adaptations il y aura certainement, mais celles-ci seront d’abord dictées par les nécessités financières.

Quel éclairage pour demain ?

Faut-il voir dans cette relative absence de remise en cause des politiques menées précédemment par le camp opposé une anomalie démocratique ou au contraire le témoignage d’un pays finalement assez sage pour préférer la continuité de l’Etat ?

Ainsi il sera très compliqué pour un gouvernement de gauche de revenir en 2012 sur la réforme des retraites ou sur la politique de rigueur budgétaire entamée depuis deux ans. De même il serait très difficile pour la droite, en cas d’alternance successive, de revenir en 2017 sur une éventuelle ouverture du mariage et de l’adoption pour les couples de même sexe ou sur le droit de vote aux étrangers si ces mesures étaient adoptées au cours de la prochaine législature. Car il existe, on l’a vu au cours des trente dernières années, une sorte « d’effet cliquet » des mesures politiques emblématiques qui doivent éclairer les choix électoraux présents.

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