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Ce que le durcissement de “toute” la droite face à Emmanuel Macron pourrait coûter à la macronie
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Guerre des tranchées

La droite s'interroge ces dernières semaines sur sa relation avec Emmanuel Macron. Après Jean-Pierre Raffarin et Xavier Bertrand, la droite n'épargne plus le chef de l'Etat. Quelles pourraient être les conséquences de cette désaffection ?

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Ce mois d'août 2018 a été le témoin de la formation d'un large doute au sein d'une partie de la droite, quant à la question de sa relation avec Emmanuel Macron. Après la possibilité évoquée par Jean-Pierre Raffarin, de ne pas faire liste commune avec LREM, ou encore la déclaration de Xavier Bertrand «Il est le chef de l'État mais il n'est pas le président de la République», la droite n'épargne plus le chef de l'Etat. Quelles pourraient être les conséquences de cette désaffection d'une partie de la droite, qui se considérait pourtant en partie compatible avec Emmanuel Macron, sur LREM, et notamment sur ses transfuges venus de la droite ? 

Maxime Tandonnet : D'abord, il faut bien dire que ceci était largement prévisible. Comment pouvait-il en être autrement? Sur la fiscalité, les entreprises, l'immigration illégale, la sécurité, le fonctionnement de l'Etat, quelques personnalités politiques de droite qui encensaient le président Macron en 2017 paraissent s'étonner aujourd'hui. Il suffisait d'ouvrir les yeux. M. Macron fut socialiste, ancien proche conseiller et ministre de l'Economie du président Hollande. Son entourage immédiat et ses soutiens viennent du parti socialiste. La présidence Macron a pensé bénéficier d'un ralliement du centre-droit pour former avec le centre-gauche une vaste coalition centrale sur laquelle adosser le quinquennat. Ce schéma est en train de voler en éclats. La présidence Macron a perdu les faveurs de la gauche classique, étatiste et sociale, et elle est en train de perdre ses soutiens au centre-droit. Bien sûr, il lui reste une majorité LREM à l'Assemblée nationale, mais celle-ci, issue d'une éphémère dynamique présidentielle et d'une vertigineuse abstention, ne repose sur aucun ancrage de terrain, aucun socle solide, ne dispose d'aucun relais vers l'opinion. Cette séquence me paraît ouvrir une ère de grande incertitude et de désordre.

Alors que les LR envisagent une liste européenne menée par Michel Barnier, ce qui pourrait permettre un ralliement du clan des juppéistes auprès de Laurent Wauquiez, comment envisager l'exercice du pouvoir pour Edouard Philippe à Matignon dans une telle configuration ? 

Sur la tête de liste, attendons de voir... M. Michel Barnier par ce qu'il incarne, est à peu près à l'opposé des raisons qui ont poussé les adhérents de LR à élire Laurent Wauquiez à la présidence du mouvement sur des sujets comme la nation, l'Europe, l'immigration. Cette hypothèse aurait certes l'avantage de favoriser un ralliement à l'état-major de LR de personnalités comme M. Alain Juppé, Mme Valérie Pécresse ou M Jean-Pierre Raffarin. L'effet serait d'isoler M. Edouard Philippe et les ministres ralliés et d'affaiblir le pouvoir LREM, privé d'une caution droitière. Mais cette formule provoquerait une grave saignée du côté des troupes de LR et probablement l'émergence d'une liste gaulliste dissidente à l'image des Europénnes de 1999. Il me semble que tout le monde serait perdant mais que les conséquences pour LR seraient encore plus dramatiques que pour le pouvoir LREM.  Bref tout cela irait dans le  sens de la poursuite de la décomposition de la politique française. Quant à l'avenir de M. Philippe et des ministres ralliés, il est clairement aujourd'hui avec LREM et leur sort est lié à l'avenir de l'expérience en cours. Un retour en arrière et un nouveau basculement en sens inverse sont toujours possibles mais à quel prix en termes d'image personnelle!

Quelles pourraient être les conséquences à long terme de l'émergence d'une frontière nette entre les LR et LREM ? 

Dans la logique absurde du régime politique français, la réélection présidentielle s'impose comme une fin en soi, au détriment de l'intérêt général. Différents scénarios sont possibles. Le premier est celui d'un virage à gauche, sur la fiscalité, l'économie, l'immigration irrégulière. Cette tentation est déja en partie à l'oeuvre. Elle a peu de chance de réussir tant le discrédit présidentiel est fort du côté de la gauche étatiste traditionnelle. Une basculement clair et net à droite semble exclu. Il serait contraire à  la personnalité du chef de l'Etat et aurait pour effet de briser sa majorité. Alors, nous risquons d'assister, dans les quatre années à venir, à un isolement croissant de l'Elysée coupé de la nation, hors sol, harcelé par la droite et par la gauche, de plus en plus impopulaire, contraint à une fuite en avant dans l'équilibrisme et la communication. La vie politique va s'enfoncer dans un culte de la personnalité de plus en plus obsessionnel, les polémiques et les lynchages, le spectacle médiatique pour masquer le néant des idées, de l'action, l'insignifiance des résultats. La vraie question est de savoir sur quoi cela peut déboucher en 2022. Un vote de rejet massif de l'équipe actuelle est probable. Après, jamais l'époque n'a été aussi incertaine. On peut assister au succès d'une personnalité et d'un parti "antisystème", de droite ou de gauche, ou bien à l'émergence d'une nouvelle personnalité charismatique républicaine et à une vague bleue, enfin à un chaos généralisé qui n'est pas le moins probable...

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